Virginie Hucher, Le corps chorégraphié

Virginie Hucher, Le corps chorégraphié

Les peintures que Virginie Hucher présente à la Galerie des jours de Lune prolongent une série enclenchée en 2014. Intitulée le corps chorégraphié, celle-ci anticipe des recherches formelles autour du corps et de ses potentialités en développant une variété de configurations partiellement géométriques.

À cette occasion, le premier sentiment qui accompagne l’observation de ces peintures se rapporte à la tranquillité et à la stabilité. De toile en toile, différents motifs colorés habitent en effet les surfaces en figurant une sorte de mise à l’équilibre. Le nombre restreint de couleurs – généralement trois ou quatre – favorise les contrastes entre différentes composantes, de même que la répartition à peu près égale des masses colorées renforce une impression de cohésion. Il en résulte des compositions mélodieuses et proportionnées qui offrent à l’imagination la possibilité de spéculer sur ce qui est tout en invitant à la contemplation. Ici, des structures inachevées organisent des paysages désertés et mystérieux ; ailleurs, des motifs polygonaux dessinent des dispositions schématiques qui paraissent vues du dessus, comme s’il s’agissait d’une carte. Certaines fois, une masse sombre aux contours linéaires intervient dans la partie inférieure du tableau, de façon à enclencher un effet de volume ou de perspective. Articulée à une partie supérieure beaucoup plus pâle, elle se fait comparable à un socle pictural, affirmant du même coup cette idée de stabilité que l’on rencontre dans les arts statuaires. Du corps cependant, nulle trace, en tous les cas si on lui assigne une physionomie humaine.

C’est alors qu’il faut donner de l’importance au processus d’abstraction mis en oeuvre par Virginie Hucher. Le corps en effet n’est pas absent, mais différent. Le voilà qui nourrit des recherches formelles où l’imitation, la ressemblance ou l’identification ne font guère sens. En premier lieu, car le rejet de l’anthropomorphisme précise une approche où le corps semble pris de stase, informe et inorganisé, comme s’il se situait encore à un stade embryonnaire. C’est ce qui lui donne la qualité de ce qui demeure potentiel et en puissance d’advenir. En second lieu, parce que les différentes compositions de Virginie Hucher témoignent constamment d’une réalité parcellaire : les masses colorées aux contours bien définis sont distinctes les unes des autres ; on serait ainsi tenté d’identifier plusieurs corps autonomes sur l’espace de la toile. Toutefois, en cohabitant les uns avec les autres de façon mesurée et harmonieuse, dans un rapport d’interdépendance, presqu’à la manière d’une danse chorégraphiée, ces corps finissent par composer un élan d’ensemble, un corps global qui possède la faculté d’être à la fois un et multiple.

Par conséquent, ces corps sont chorégraphiés non tant parce qu’ils s’inscrivent dans une sorte d’articulation allègre avec quelques-uns de leurs semblables, en reflétant des volutes tourbillonnaires et des pas bondissants, à la manière d’un ballet, mais parce qu’ils s’inscrivent dans une logique d’accomplissement autonome. Le corps chorégraphié, ici présent, danse en effet avec lui-même, un peu comme s’il éprouvait les vicissitudes de son être, de sa chair picturale, qu’il aspire à surmonter pour devenir un peu plus que ce qu’il est déjà. Aussi, dans le parcours de Virginie Hucher, ces corps chorégraphiés décrivent sans doute une trame des plus essentielles, notamment parce que l’artiste élabore des recherches en parallèle, notamment avec la série intitulée Le Corps et l’autre qui, là aussi, postule à une énonciation picturale de ce qui anime les êtres, les rends désirants et parfois solitaires, avec pour nuance, toutefois, le fait de s’insérer dans un cadre beaucoup plus figuratif. On comprend, au final, que l’ensemble de la pratique de Virginie Hucher répond à une quête exploratoire polarisée par des objectifs éminemment picturaux, rappelant que le travail du peintre – qu’il soit abstrait ou figuratif – affirme un amour absolu pour les formes qui s’harmonisent et les teintes qui s’accordent, pour le sens de la vision en général, pour le sensible en particulier.

Texte Julien Verhaeghe, critique et commissaire d’exposition © 2019

 

 

Virginie Hucher, Le corps chorégraphié
Virginie Hucher, Le corps chorégraphié

 

Virginie Hucher, Le corps chorégraphié
Virginie Hucher, Le corps chorégraphié

 

Virginie Hucher, Le corps chorégraphié
Virginie Hucher, Le corps chorégraphié

 

Virginie Hucher, Le corps chorégraphié
Virginie Hucher, Le corps chorégraphié

 

Virginie Hucher, Le corps chorégraphié