AMANDINE ARCELLI [ENTRETIEN]

AMANDINE ARCELLI [ENTRETIEN]

L’humain est au cœur du travail d’Amandine Arcelli. L’artiste donne dans les créations qu’elle fait in situ la figure totémique qui rassemble, convoque, unit tout ce qui fait l’essence d’un lieu et de ceux qui l’habitent. On comprend aisément pourquoi il est si important pour elle de concevoir les oeuvres à l’endroit même où elles seront exposées. Elles ne peuvent être coupés de la spiritualité du lieu, des gestes et traditions qui ont participé à sa construction, de ses fondations à son faîte. À Moly-Sabata, pour l’exposition Les Épis Girardon sa pièce, d’un pigment bleu-vert, reliait, dans l’esprit de la résidence, la terre au fleuve. De la même manière, dans les espaces d’exposition de Jeune création et au Salon de Montrouge, plus que de simples pièces exposées, ses oeuvres faisaient figure de silhouettes bienveillantes. Revenant d’un voyage en Inde, les oeuvres qu’Amandine Arcelli présente pour son exposition personnelle à la Galerie Tator prennent des tonalités nouvelles, se chargent d’une autre forme de spiritualité, rassemblant ce qui nous est commun d’un bout à l’autre de la terre.

Quels sont les matériaux que tu as utilisés pour l’élaboration de tes oeuvres présentées à la Galerie Tator ?

J’utilise certains matériaux qui me sont familiers mais aussi d’autres provenant d’Inde où je suis restée pendant un mois et demi. Sans être exhaustive, j’ai associé des plaques isolantes faites de bitume que j’ai mélangées avec de la cire et des pigments. J’ai associé des matériaux couramment employés dans le bâtiment et y ai associé des objets soit venus d’Inde comme une corde tressée servant là-bas de harnais, mais aussi des objets trouvés dont j’ai aimé la forme comme une barre de planche à voile. Il y a aussi des outils qui ont servi à la production, comme la machine à crépir, qui se retrouve utilisée comme forme dans une des sculptures. 

Comment travailles-tu ces différents éléments ?

J’emploie les techniques du bâtiment. J’ai chauffé ces plaques isolantes au chalumeau comme l’aurait fait un couvreur. Je mixe pigments, cire, bitume et beaucoup d’autres éléments avec lesquels je compose des ensembles colorés. Pour certaines pièces, mon processus relève vraiment d’une chimie. J’utilise toujours des matériaux très contemporains que l’on trouve aisément dans les magasins spécialisés. Canalisations, fibres de verre, plaques isolantes, cordes. Mais comme les Indiens, j’ai un rapport à la matière très direct. J’enduis mes assemblages de sorte de boues colorées. Je travaille assez spontanément en construisant des pièces à mon échelle.

Un rapport au corps qui se retrouve de manière plus prononcée dans cette exposition…

Le rapport au corps se fait de plus en plus présent. Il y a aussi l’idée d’une sorte d’habitat que l’on porte sur soi. C’est quelque chose qui se développe de plus en plus et auquel je n’avais pas pensé avant. Se retrouvent dans mes pièces, des torsions, des flexions, des suspensions, des mouvements qui sont aussi ceux des corps en mouvement.

Quelles influences a eu ton voyage en Inde sur tes dernières productions ?

Elle se remarque en particulier sur les coloris de mes productions. L’Inde a un rapport très marqué avec les couleurs. Beaucoup d’Indiens se maquillent d’un peu de pigment ou de terre et de riz sur le front. Des femmes se recouvrent le visage de curcuma. Ils sont pour la plupart maculés de couleurs quand on les croise dans la ville. Le sol est régulièrement enduit de bouse de vache,… Là-bas tout est peint, les sculptures aussi sont maquillées, habillées. De la même manière, je maquille mes pièces, en les enduisant de pigmentsUne des pièces à la cave de la galerie est aussi habillée d’un sari. Une autre influence est visible sur les surfaces. Certaines maisons sont là-bas enduites avec de la bouse de vache. Celle-ci est appliquée par la juxtaposition de boules de bouse ce qui donne visuellement un aspect alvéolaire. Je réinterprète cette apparence en utilisant des plaques de stabilisateurs de gravier qui ont une structure alvéolaire et que je remplis de plâtre. La pièce au rez-de-chaussée de la galerie est inspirée quant à elle des grands chars en bois sur lesquels les Indiens transportent leurs dieux.

Cette réutilisation des matériaux implique-t-elle celle des gestes ?

Je suis toujours très attentive aux gestes que je peux voir et je m’en inspire. Même mon système d’accrochage habituel qui utilise une barre traversante pour les pièces murales, a quelque chose de traditionnel. Je n’utilise pas d’artifices, au contraire j’ai une approche très instinctive et spontanée. J’ai un rapport assez direct avec l’humain et même l’habitat. Mes pièces ne sont d’ailleurs pas lissées, apprêtées mais laissées brutes.

Tu veux dire que tes pièces sont en lien avec l’environnement où elles sont exposées, comme à Moly-Sabata ?

Elles font directement référence à l’espace où elles seront montrées. Elles répondent aussi complètement à son échelle. C’était effectivement le cas à Moly-Sabata avec la pièce qui traversait les espaces d’exposition et c’est aussi le cas pour cette exposition car j’ai été invitée à faire de la galerie un espace de résidence pendant tout le mois d’août. Les pièces ont été créées in situ, dans les espaces mêmes où elles ont été élaborées. Les éléments sont solidarisés entre eux, toujours dans l’esprit de ces habitats anciens enduits de multiples couches de matière. Elles forment un tout qu’il me faudrait reconstruire si je voulais les remontrer.

Texte Valérie Toubas et Daniel Guionnet © Point contemporain 2017

 

Infos pratiques

Exposition personnelle Mera Naam Joker
Du 08 septembre au 17 novembre 2017

Du lundi au vendredi, de 14h à 19h.

Galerie Tator
36 rue d’Anvers 69007 Lyon

www.rogertator.com

 


Amandine Arcelli
Née à Montpellier en 1991.

Vit et travaille à Lyon.
Diplômée de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Lyon (2015).

 

Vue de l'exposition personnelle Mera Naam Joker - Galerie Tator Lyon © David Desaleux
Vue de l’exposition Mera Naam Joker – Galerie Tator Lyon © David Desaleux

 

Vue de l'exposition personnelle Mera Naam Joker - Galerie Tator Lyon © David Desaleux
Vue de l’exposition Mera Naam Joker – Galerie Tator Lyon © David Desaleux

 

Vue de l'exposition personnelle Mera Naam Joker - Galerie Tator Lyon © David Desaleux
Vue de l’exposition Mera Naam Joker – Galerie Tator Lyon © David Desaleux

 

Vue de l'exposition personnelle Mera Naam Joker - Galerie Tator Lyon © David Desaleux
Vue de l’exposition Mera Naam Joker – Galerie Tator Lyon © David Desaleux

 

Vue de l'exposition personnelle Mera Naam Joker - Galerie Tator Lyon © David Desaleux
Vue de l’exposition Mera Naam Joker – Galerie Tator Lyon © David Desaleux

 

Vue de l'exposition personnelle Mera Naam Joker - Galerie Tator Lyon © David Desaleux
Vue de l’exposition Mera Naam Joker – Galerie Tator Lyon © David Desaleux

 

Vue de l'exposition personnelle Mera Naam Joker - Galerie Tator Lyon © David Desaleux
Vue de l’exposition Mera Naam Joker – Galerie Tator Lyon © David Desaleux

 

 

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