MARA FORTUNATOVIĆ, CE QUI RESTE

MARA FORTUNATOVIĆ, CE QUI RESTE

Mara Fortunatović, « Ce qui reste, 2022, pensée non réalisée materiau imaginaire dimensions idéales » Avec le soutien aux galeries / Exposition du CNAP, centre national des arts plastiques – photo © Gregory Copitet

EN DIRECT / Exposition Mara Fortunatović, « Ce qui reste, 2022, pensée non réalisée materiau imaginaire dimensions idéales », jusqu’au 12 octobre 2022, Gilles Drouault galerie/multiples Paris

par Laure Jaumouillé

Le trois septembre dernier s’ouvrait une exposition de l’artiste française Mara Fortunatović à la Galerie de Multiples. De manière très significative, l’accrochage s’intitule « Ce qui reste ». Dans la lignée de la sculpture minimaliste, Mara Fortunatović se situe entre l’idée de l’œuvre et sa réalisation plastique, évoquant ce qui persiste de l’idée dans sa matérialisation factuelle. Que reste-t-il de l’idée une fois l’œuvre concrétisée ? L’artiste se contraint à n’utiliser qu’une blancheur immaculée qui reçoit les variations de la lumière environnante. Tandis qu’elle fait preuve d’un travail méticuleux, l’artiste évoque pourtant la « paresse », ce moment privilégié où l’idée émerge. En amont, elle s’est donnée le temps d’apprécier l’espace afin d’ajuster l’accrochage qu’elle avait conçu auparavant. Sa seule contrainte provient du matériau, ce dernier imposant certaines formes plastiques. Chez Mara Fortunatović, l’idée de l’œuvre doit être suffisamment forte pour appeler sa réalisation ; celle-ci émerge alors comme ce qui n’est plus seulement elle-même et s’ouvre sur un ailleurs. On pense ici à la théorie platonicienne de « l’idée du lit », doublement proche du dieu. Ici, c’est un atelier qu’elle met en œuvre au sein de l’espace de la Galerie de Multiples. On y voit un bureau, un banc, des prises électriques… D’où l’idée de la fabrication de mobiliers, de la pratique du design qui sous-tend son œuvre. Mara Fortunatović recherche la manière dont l’idée trouve sa forme tout en gardant en elle-même ce qu’elle fût avant sa réalisation. Situées dans la nébuleuse de l’art minimal, ses œuvres évoquent celles de Donald Judd ou encore de Robert Morris. En outre, celles-ci font écho à l’ouvrage de Michel Gauthier, Les Promesses du Zéro, dans lequel ce dernier formule la sentence « I would prefer not to » 1, concernant tout particulièrement la pratique de Martin Creed. De manière relativement évidente, on pense à Kasimir Malevitch et à son Carré Blanc sur fond Blanc (1918), le carré apparaissant comme la création d’un espace cosmique infini. Si l’artiste n’évoque pas de dimension spirituelle ou métaphysique au sujet de sa pratique, on observe dans son exposition un certain « degré zéro des formes » et la recherche d’une forme d’absolu. On pense aussi aux White paintings de Rauschenberg (1951), destinées, selon leur auteur, à refléter le monde extérieur par leur blancheur immaculée. Ces tableaux étaient comparés par John Cage à des pistes d’atterrissage, ou encore à des récepteurs de lumières et d’ombres. Mara Fortunatović tend à enlever tout ce qui rappelle la production de l’œuvre, à savoir, toutes traces de sa fabrication. Entre peinture et sculpture, elle ouvre une troisième voie : « ce qui reste » de l’idée originelle. On pourrait y déceler de nombreuses références, parmi lesquelles, Robert Ryman, mais aussi Le Vide présenté par Yves Klein à la Galerie Iris Clert en 1958 – à cette occasion Klein avait repeint tout l’espace d’exposition en blanc. Il s’agirait, selon Michel Gauthier, d’« énoncer une opération blanche »2, une « déclaration de non-intention »3, mais aussi de se référer à la déclaration de Joseph Kosuth : « Art as Idea as Idea »4. Nous voici confrontés à « ce qui reste » de l’exposition idéale, au résultat d’une paresse étrangement laborieuse. 

Laure Jaumouillé

1 GAUTHIER Michel, Les Promesses du ZéroRobert Smithson, Carsten Höller, Ed Rusha, Martin Creed, John M Armleder, Tino Sehgal, Les Presses du Réel, 2009, p.72. 
2 GAUTHIER Michel, Ibid., p.65. 
3 Ibid., p.66. 
4 Ibid., p.55. 

Mara Fortunatović, "Ce qui reste, 2022, pensée non réalisée materiau imaginaire dimensions idéales" Avec le soutien aux galeries / Exposition du CNAP, centre national des arts plastiques - photo © Gregory Copitet
Mara Fortunatović, « Ce qui reste, 2022, pensée non réalisée materiau imaginaire dimensions idéales » Avec le soutien aux galeries / Exposition du CNAP, centre national des arts plastiques – photo © Gregory Copitet
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Mara Fortunatović, « Ce qui reste, 2022, pensée non réalisée materiau imaginaire dimensions idéales » Avec le soutien aux galeries / Exposition du CNAP, centre national des arts plastiques – photo © Gregory Copitet
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