Jérôme Girard, Cabane (2023)

Jérôme Girard, Cabane (2023)

Jérôme Girard – Abri, 2022, 140 x 130 x 130 cm, coton, lin, teintures végétales © Jérôme Girard

FOCUS / Jérôme Girard, Cabane (2023), dans le cadre de l’exposition Les Vagues, jusqu’au 1er juillet 2023, L’Onde Théâtre Centre d’Art, Vélizy-Villacoublay

Cabane

Il y a une dimension obsessionnelle dans le travail de Jérôme Girard, quelque chose qui s’écrit comme cela se fait, c’est-à-dire dans une démarche opiniâtre, comme elle se fait parfois singulière. « J’ai commencé récemment à concevoir des pièces textiles » explique-t-il, « elles sont faites d’assemblage de matériaux trouvés, recyclés, ou teintés à l’aide de colorants végétaux. Le patchwork, et notamment le quilting, est une pratique de la sobriété et de l’intimité : réutilisation de chutes de tissus, de vieux vêtements, de restes et de « déchets ». » De fait, il s’agit également ici de nouvelles pièces qui sont assemblées, raccommodées, cousues à la main le plus souvent dans l’intimité du foyer, et transmises de génération en génération. Jérôme Girard ajoute « des quilts sont fabriqués pour commémorer des événements familiaux, ou deviennent la source de subsistance de communautés entières. Qu’elles soient abstraites ou le support d’éléments figuratifs, ces pièces sont le résultat de gestes d’inscription matérielle d’une mémoire collective. »

Les travaux textiles de Jérôme Girard nous conduisent immanquablement vers l’univers de l’enfance comme vers les prémices de l’art. Cette origine, c’est la volonté de rembobiner qui nous habite et qui conduit l’artiste à reproduire ce schéma enfantin d’un drap hissé composant un nouveau refuge. De fait, c’est dans le confort d’une chrysalide que s’écrit symboliquement le lieu de l’art. Espace d’une construction personnelle, ce territoire se fait également celui d’un havre de paix, un espace unique situé hors du fracas du monde. En découvrant le travail de Jérôme Girard on est tenté de retourner voir les œuvres du sculpteur Étienne-Martin. Ce dernier, dès les années 1960, expose et met en scène ses Demeures, un ensemble d’œuvres produites en plus de dix années et durant lesquelles l’artiste compose et recompose cet univers unique. Les Demeures sont des sculptures qui se font parfois vêtement habitable, que l’artiste porte, expose ou donne à voir, à pénétrer. « À la fois rude et protectrice, abstraite, animale et végétale, cette Demeure retrace le monde perdu de l’enfance de l’artiste, et invite le spectateur à refaire l’expérience de son propre cheminement de vie » comme en témoigne l’historien de l’art Michel Ragon. Ce n’est pas sans paradoxe que Jérôme Girard travaille ses œuvres aussi depuis la dimension sonore par l’assemblage de fragments acoustiques du réel dans des compositions ou des récits sonores.

Se jouant des notions de temps pour recréer un espace habité par des voix, des récits, des souvenirs collectés ça et là, la sculpture qu’il propose nous offre une illusion de notre état d’homme comme de nos origines. Ainsi, par ce clin d’œil vers l’enfance, elle se fait à la fois matricielle, sensuelle et ludique.

– Léo Guy-Denarcy