Pro Liturgia : ordinatrices du temps présent, abbaye de Maubuisson

Pro Liturgia : ordinatrices du temps présent, abbaye de Maubuisson

Exposition Pro Liturgia : ordinatrices du temps présent, abbaye de Maubuisson, visible du 17 novembre au 29 mars 2020
De gauche à droite : Cécile Babiole, Bzzz ! Le son de l’électricité, 2012.
Cécile Babiole et Jean-Marie Boyer, Copy That, (à droite), 2019.
Crédit photo Catherine Brossais

EN DIRECT / Exposition Pro Liturgia : ordinatrices du temps présent, jusqu’au 29 mars 2020, abbaye de Maubuisson

Une exposition sous le commissariat de Julien Taïb avec les artistes
Cécile Babiole et Jean-Marie Boyer, Cécile Beau, Marie-Julie Bourgeois, Félicie d’Estienne d’Orves, Laura Haie et le collectif Iakeri (Alice Guerlot-Kourouklis, Jimena Royo-Letelier, Aneymone Wilhelm).

ENTRETIENT-ON UN RAPPORT RELIGIEUX À LA TECHNOLOGIE ? 

En sept oeuvres déployées dans les différents espaces de l’abbaye de Maubuisson, l’exposition, conçue par Julien Taïb et l’abbaye de Maubuisson, déroule un parcours qui articule art et quotidien technologique. L’exposition donne à voir l’équilibre ou la précarité des grands partages que la modernité a établie entre l’homme et la machine, la nature et l’artifice, l’intelligence et l’imagination. L’exposition traverse ces discontinuités pour les remettre en mouvement. Principalement portée par des artistes femmes, cette méditation sur le temps présent prolonge l’aventure spirituelle de l’abbaye, foyer de moniales érudites oeuvrant à une réconciliation entre le corps et l’esprit, le matériel et l’immatériel. 

Dans la salle capitulaire où se discutaient les affaires pratiques de la communauté, un robot imaginé par Laura Haie convie le visiteur à lui offrir un carré de sucre qu’il trempera délicatement dans une tasse pour le lui retourner imbibé de café. La mécanisation de ce rituel du « canard » associé à l’intimité du cercle familial ou privé, trouble la fonction utilitaire attendue de la machine. Ce robot humanisé mimant la convivialité évoque également les craintes anciennes, réactivées par l’intelligence artificielle d’une invention qui viendrait supplanter l’humain, le remplacer. 

Exposées dans la salle du parloir, deux installations sonores de Cécile Babiole sculptent l’énergie à l’origine de ce mythe prométhéen des temps modernes : l’électricité. Sous un chapiteau de câbles s’élevant autour d’un générateur, un concert de crépitements vifs en rappelle la puissance ordonnatrice rythmant les gestes, amplifiant les mouvements et cadençant les activités industrielles. L’électricité est également mobilisée par l’artiste en collaboration avec Jean-Marie Boyer sous la forme d’un dispositif d’échanges d’ondes informationnelles invitant les visiteurs à une expérience communicationnelle d’ubiquité. 

Les opérations de transcodage génératrices de banques de données – dites data – nourrissent l’oeuvre immersive et spectrale du collectif Iakeri. Réalisée à partir de données traduisant les inégalités sociales entre hommes et femmes, elle évoque l’invisible saisie d’un monde aux informations devenues malléables, quantifiables, et leur approche spéculative. 

Ce bouleversement des échelles dans les champs du savoir se rejoue dans l’oeuvre de Marie-Julie Bourgeois. Confrontant le cycle de la lumière, naturelle et vitale, qui rythmait la vie des moniales, à la lumière artificielle en tant que continuum technologique, l’artiste évoque la relativité d’un rapport au temps que les technologies ont tendance à accélérer au détriment, peut-être, d’une connaissance subtile du monde. 

Cet étirement des espaces et des temporalités est également évoqué par Félicie d’Estienne d’Orves confrontant la flamme d’une bougie, et sa contemplation rêveuse, aux espaces incommensurables de l’astrophysique. Sa lumière vacillante révèle à nos yeux la diapositive d’une vue du satellite Hubble : près de trois mille galaxies lointaines embrasant plus de treize milliards d’années-lumière… 

Un même voyage dans la mémoire de la matière se produit à travers l’échantillon d’un « Jardin d’Éden », ou jardin des origines, composé par Cécile Beau avec des espèces végétales qui n’ont pas évolué depuis l’ère géologique du jurassique, telle une forêt panchronique. À l’image de l’ensemble des dispositifs, l’oeuvre de Cécile Beau mêle les temporalités et croise les échelles de différents milieux. Les technologies étendent nos projections de réalités imaginables et de mondes possibles. Grâce à leurs virtualités, peut-être nous relions-nous aussi, par leurs usages réinventés, à une forme de totalité, de surréalité.

Laura Haie, Confiez-leur vos désirs, 2017 - crédit photo Catherine Brossais
Laura Haie, Confiez-leur vos désirs, 2017 – crédit photo Catherine Brossais
Cécile Babiole, Bzzz ! Le son de l'électricité, 2012.
                  Crédit photo Catherine Brossais
Cécile Babiole, Bzzz ! Le son de l’électricité, 2012.
Crédit photo Catherine Brossais
Collectif Iakeri (A.Guerlot-Kourouklis, J.Royo-Letelier, A.Wilhelm), Murs invisibles
                  détail, 2018-2019, crédit photo Catherine Brossais
Collectif Iakeri (A.Guerlot-Kourouklis, J.Royo-Letelier, A.Wilhelm), Murs invisibles détail, 2018-2019, crédit photo Catherine Brossais
Collectif Iakeri (A.Guerlot-Kourouklis, J.Royo-Letelier, A.Wilhelm), Murs invisibles (détail) 2018-2019, crédit photo Catherine Brossais
Collectif Iakeri (A.Guerlot-Kourouklis, J.Royo-Letelier, A.Wilhelm), Murs invisibles (détail) 2018-2019, crédit photo Catherine Brossais
Marie-Julie Bourgeois, Silence, 2019. Crédit photo Catherine Brossais
Marie-Julie Bourgeois, Silence, 2019. Crédit photo Catherine Brossais
Marie-Julie Bourgeois, Silence, 2019. Crédit photo Catherine Brossais
Marie-Julie Bourgeois, Silence, 2019. Crédit photo Catherine Brossais
Félicie d'Estienne d'Orves, Deep Field, 2018. Crédit photo Catherine Brossais
Félicie d’Estienne d’Orves, Deep Field, 2018. Crédit photo Catherine Brossais
Félicie d'Estienne d'Orves, Deep Field, 2018. Crédit photo Catherine Brossais
Félicie d’Estienne d’Orves, Deep Field, 2018. Crédit photo Catherine Brossais
Cécile Beau, La Fontaine hepathiques Végétaux panchroniques, lampes à sodium et UVB, terrariums, grillons, 2018. Crédit photo Catherine Brossais
Cécile Beau, La Fontaine hepathiques Végétaux panchroniques, lampes à sodium et UVB, terrariums, grillons, 2018. Crédit photo Catherine Brossais
Cécile Beau, La Fontaine hepathiques Végétaux panchroniques, lampes à sodium et UVB, terrariums, grillons, 2018. Crédit photo Catherine Brossais
Cécile Beau, La Fontaine hepathiques Végétaux panchroniques, lampes à sodium et UVB, terrariums, grillons, 2018. Crédit photo Catherine Brossais