UNE ÉCOLOGIE DES IMAGES, DE PERAMA À GENÈVE
« une écologie des images », de Perama à Genève
Analix Forever présente, jusqu’au 1er mai 2024, l’exposition « une écologie des images », regroupant autour d’une dynamique écologique commune dix-sept artistes dialoguant entre eux à travers la vidéo et la photographie.
« une écologie des images » lie de manière inattendue Perama, banlieue négligée dAthènes, au jardin d’Analix Forever à Genève.Marios Fournaris, plasticien de Perama, expose des photographies qui se retrouveront dans son prochain livre consacré à la réalité de Perama et à la nécessité de révéler sa beauté. Robert Montgomery, quant à lui, crée des liens directs entre Perama et Genève : il expose ses œuvres dans l’espace public de Perama comme à Analix Forever, espace privé mais ouvert au public.Si la beauté est partout, à Perama comme à Genève, la luxuriance écosystémique et artistique du jardin d’Analix Forever ne se retrouve pas encore à Perama. Mais l’Association SHARING PERAMA tente d’y travailler.
SHARING PERAMA,une expérience artistique collective et ses échos à Genève
Depuis 2017, SHARING PERAMA, une association initiée par Barbara Polla en collaboration avec de nombreux artistes dont Marios Fournaris, cherche en effet à révéler la culture au cœur de Perama.
Avec l’art contemporain comme pilier principal, SHARING PERAMA cherche à faire vivre une expérience collective de l’art au sein de l’environnement local, l’objectif au long terme étant de contribuer à faire de Perama un lieu alternatif de référence en matière d’art et de culture. Ainsi, en 2021, Marios Fournaris et Barbara Polla organisent « The Green Path » (Πράσινο Πέρα(σ)μα), une exposition collective réunissant dix artistes grecs et trois artistes internationaux, dont Janet Biggs et Robert Montgomery, également présents dans « une écologie des images ». « The Green Path » s’inscrit dans la continuité du concept de « Nouvel Humanisme », une notion primordiale pour Marios Fournaris, qui vise à promouvoir et encourager, avec l’art comme moyen, la protection de l’environnement, le progrès social et la pérennité économique.
Perama, « la dernière frontière entre le ciel, la mer et la liberté »
Pour « une écologie des images », Marios Fournaris présente des photographies témoignages des réalités de Perama, tout en capturant la beauté qui en découle et la puissance du lieu. Pour l’artiste, Perama représente la dernière frontière entre le ciel, la mer et la liberté. Son œuvre Still Hope exprime avec clarté et émotion l’atmosphère de la vie des habitants : les maisons émergeant des nuages sont surplombées d’un ciel gris qui laisse entrevoir un rayon lumineux presque mystique. La photographie Endless Waiting quant à elle, dépeint la privation d’un plaisir simple : celui de se baigner – la minuscule plage de Perama est en effet polluée… – et le banc est vide, sous l’arbre desséché. Témoin et acteur engagé du vécu de sa ville, Marios Fournaris dévoile la réalité de Perama. Et si les photographies de Fournaris soulignent le potentiel de Perama, de ses paysages et de son écosystème qui ne demandent qu’à (re)vivre, la colline de Fly me away signe le poids du passé : montagne de déchets pendant des décennies, dorénavant lieu de rencontre et de jeux, elle a été recouverte d’une fine pelouse verte d’où les fumées nocives s’échappent encore en attendant la restauration complète d’un environnement plus accueillant.
Robert Montgomery, le lyrisme poétique au-delà des frontières
En tant que poète et sculpteur, Robert Montgomery tisse des liens durables entre Analix Forever et SHARING PERAMA. En 2020, la municipalité de Perama et SHARING PERAMA avec le soutien de l’ΟΛΠ (Pireaus Port Authority) ont accueilli la première sculpture de Robert Montgomery de façon permanente à Terma Peramatos, située à l’entrée d’un terminal de ferries parmi les plus fréquentés d’Europe. L’œuvre The beginning of hope agit comme un phare dans l’obscurité et l’incertitude, transmettant un message d’espoir. Et désormais, grâce à Montgomery, chaque marin voguera vers le port avec la conviction qu’un espoir l’attend, pour se concrétiser. Les œuvres de Montgomery incarnent un humanisme universel, invitant chacun à engager un dialogue intérieur, à se questionner ou à contempler.
Les créations de Robert Montgomery évoquent les thèmes de la liberté, de la paix, de l’écologie et du respect. Ses poèmes lumineux, sculptures visibles de jour comme de nuit malgré la distance, incarnent une puissance intemporelle. Depuis 2010, Montgomery travaille avec des éclairages LED à basse consommation, souvent activés par l’énergie solaire, démontrant ainsi son engagement en faveur de pratiques respectueuses de l’environnement. En 2021, lors de la conférence des Nations Unies sur le climat à Glasgow (COP26), il présente Grace of the Sun, un poème lumineux plaidant en faveur des énergies renouvelables. Cette installation regroupe 1000 lampes Little Sun, issue d’un projet développé par l’artiste Ólafur Eliasson et l’ingénieur Frederik Ottesen, dans le but de fournir une énergie fiable et abordable aux personnes vivant sans électricité dans les régions « hors réseau ». Robert Montgomery, attaché à promouvoir une vision artistique universelle et inclusive, souhaite partager son art au-delà des frontières géographiques et culturelles.
Le jardin d’Analix Forever, une ZAAVA
Dans la ZAVAA d’Analix Forever (ZAVAA : Zone d’Autonomie et d’Accueil Végétal et Animal, néologisme en référence aux TAZ d’Hakim Bey) un écosystème florissant se déploie, donnant naissance à un jardin vibrant et vivant où plantes, êtres humains et animaux divers coexistent. L’art, la vie végétale et celle animale s’unissent en une symphonie sensorielle inhabituelle. You Walk on the Bones of the Kings de Robert Montgomery se retrouve dans cette ZAVAA qui constitue l’essence même de l’exposition « une écologie des images ». À ses côtés, Blend, l’œuvre de Mariabrice Sapphocatherin, se veut incarner la sympoïèse, un concept de la philosophe et écrivaine Donna Haraway.
Sympoïèse ? Du grec syn qui signifie « ensemble » et poíēsis qui signifie « production », la sympoïèse représente la manière dont les entités humaines et non-humaines co-évoluent et co-créent leurs environnements partagés. Le concept de Donna Haraway s’épanouit naturellement au cœur de la ZAVAA : les roses dans les vases de Céline Cadaureille (des « verges suspendues » en porcelaine) se nourrissent de la pluie, les galets gravées d’or de Laure Tixier brillent sous le soleil, l’œuvre de Mariabrice Sapphocatherin prend vie et danse au gré du vent, tandis que l’installation de Robert Montgomery, illuminée, resplendit aux reflets de la lune. Quant à la tente d’Abdul Rahman Katanani, elle semble prête à accueillir tout voyageur qui aurait besoin de repos. Vous peut- être ?
Finalement, l’un des objectifs de l’Association SHARING PERAMA est justement de déployer cette sympoïèse artistique, organique et productive à Perama même. Sur sa minuscule plage notamment, seul accès direct à la mer, en tentant de dépolluer les eaux, de remplacer les galets par du sable, de planter quelques arbres en bordure de la plage et d’y installer une nouvelle œuvre de Robert Montgomery, traduite en grec bien sûr, grâce à l’immense poétesse Krystalli Glyniadakis, traductrice habituelle de Montgomery en grec. La sympoïèse c’est aussi la poétique partagée.
Neema Vitali, Brice Catherin & Barbara Polla