JULIAN FARADE – ATTENTION AU TAUREAU !

JULIAN FARADE – ATTENTION AU TAUREAU !

Vue d’installation, Julian Farade, Galerie Mathilde M. Le Coz, Paris, 2021. © Thomas Lannes

EN DIRECT / Attention au taureau ! une exposition personnelle de Julian Farade
jusqu’au 19 décembre à la galerie Mathilde M. Le Coz, 11 rue Michel-Le-Comte, Paris

par Tancrède Hertzog et Mathilde Le Coz

Julian Farade a besoin de contact avec la matière : alors que ses dessins cèdent et se déchirent sous le poids des couleurs et des lignes, l’artiste extrait avec des coups sauvages le matériau de ses bas-reliefs. Et dans sa toute dernière série – des grands formats de 180 par 160 cm sur carton -, il écrase même ses pastels à l’huile avec la main, pour étaler généreusement ses couleurs, les faire glisser, les mélanger voluptueusement de ses doigts les unes avec les autres. 

L’artiste de trente-cinq ans, en résidence chez Poush Manifesto, à Clichy, est un conteur silencieux qui fait chanter ses couleurs et utilise son bestiaire à lui pour raconter ses histoires. L’exposition à la galerie de Mathilde Le Coz se focalise sur un des protagonistes de son vocabulaire de signes animaliers : le taureau. Ce taureau à trois pattes nous montre la voie, nous invite à nous immerger dans ses récits lumineux, bariolés, à la fois légers et inquiétants. Il ouvre la danse, dans laquelle s’engouffrent aussi l’oiseau anthropomorphe, le crocodile à la queue ondulante, le serpent caché et bien d’autres étonnantes figures – tout à la fois animales et dinosaures, parfois presque humaines.

Julian Farade n’a pas suivi de formation artistique, c’est un pur autodidacte. Cette éducation personnelle lui permet de s’affranchir des règles qui formatent trop – il a appris l’art de la broderie par lui-même, créant son propre point et, donc, son propre style – et de puiser au plus profond de lui-même (dans son inconscient ? dans ses peurs ? dans ses rêves ?) un alphabet de formes qu’on lui reconnaît d’œuvres en œuvres et de médiums en médiums. Car il n’est pas seulement peintre mais aussi brodeur, sculpteur, céramiste et dessinateur. C’est un touche-à-tout vorace, qui crée à la pelle, mais son insatiable appétit a un programme. Son art épanche certes un besoin primordial – celui d’extérioriser une intériorité intranquille – mais il l’exprime toujours à travers la même grille, selon le même prisme, au moyen du même langage : celui de ces figures très personnelles que sont ses animaux bigarrés, toujours les mêmes. Ce sont pour lui des pictogrammes, des hiéroglyphes – ils sont la clé vers son univers intime. Leurs formes tantôt pacifiques tantôt menaçantes lui permettent de donner du sens et un contour à des émotions et des sensations profondes et chaotiques. 

Tandis qu’on observe un grand retour à la figuration parmi les artistes de sa génération, Farade fait, lui, de l’abstrait avec du figuratif – ou l’inverse. Dans sa série des dessins jaunes, le fond et la forme s’unissent, s’attirent et se repoussent. Son esthétique est réminiscence de la naïveté enfantine des artistes du groupe CoBrA dans les années 1940-1960 et l’aspect négligé, ou plutôt brut, de l’accrochage de ses pièces (les broderies, si minutieuses dans leur exécution, sont directement clouées au mur) fait écho à la Bad Painting américaine des années 1980, à un besoin d’immédiateté, de sincérité – chez lui les choses sortent sans filtre, sans censure.

Son travail va au-delà de l’œuvre : l’artiste, on le sent, se met à nu et cherche à faire remonter dans un dialogue direct avec le spectateur et par le truchement de mythologies inventées, une insouciance primordiale. 


Tancrède Hertzog et Mathilde Le Coz

Vue d'installation, Julian Farade, Galerie Mathilde M. Le Coz, Paris, 2021. © Thomas Lannes
Vue d’installation, Julian Farade, Galerie Mathilde M. Le Coz, Paris, 2021. © Thomas Lannes
Vue d'installation, Julian Farade, Galerie Mathilde M. Le Coz, Paris, 2021. © Thomas Lannes
Vue d’installation, Julian Farade, Galerie Mathilde M. Le Coz, Paris, 2021. © Thomas Lannes
Vue d'installation, Julian Farade, Galerie Mathilde M. Le Coz, Paris, 2021. © Thomas Lannes
Vue d’installation, Julian Farade, Galerie Mathilde M. Le Coz, Paris, 2021. © Thomas Lannes
Vue d'installation, Julian Farade, Galerie Mathilde M. Le Coz, Paris, 202
Vue d’installation, Julian Farade, Galerie Mathilde M. Le Coz, Paris, 202
Vue d'installation, Julian Farade, Galerie Mathilde M. Le Coz, Paris, 2021. © Thomas Lannes
Vue d’installation, Julian Farade, Galerie Mathilde M. Le Coz, Paris, 2021. © Thomas Lannes