Jonathan Bréchignac, Phenomena Ultra, Bruxelles

Jonathan Bréchignac, Phenomena Ultra, Bruxelles

Du fascinant, de l’iridescence, du bioluminescent, parfois troublant, Phenomena Ultra découle de faits naturels. Autour de ces manifestations, Jonathan Bréchignac spécule sur une nature où organique et artifice s’unissent. Son approche rejoue sans cesse cette collision entre les matières synthétiques et « naturelles », comme pour parasiter les habitudes de perception. Tout n’est plus tout à fait ce qu’il paraît être. Si l’environnement déborde de vivant et de mouvement, le biomimétisme, (notion démocratisée par Janine Benyus en 1997), en assimile les formes et caractéristiques, charmé par la tentation technologique, l’innovation et autres progrès techniques. Dorénavant, les normes vacillent et énoncent une incertitude de la matière et de la forme. Teinté d’absurdité et d’une esthétique proche de la science fiction, le travail de Jonathan Bréchignac investit les désirs et travers de cette course à l’évolution où l’organique et le technologique ont fusionné.
L’ambiguïté d’une nature 2.0.
 
Cette attraction pour l’invraisemblable réalité, Jonathan Bréchignac la traduit par des formes au bord du réel. Si les avancées technologiques invitent au renouvellement et à la transformation de l’environnement, l’incertitude serait de profondément altérer ces phénomènes. La matière semble avoir muté pour délaisser ses propriétés originelles. Déconcertantes, les pierres d’un autre genre (Alien Rocks) et les fragments pseudo-organiques (Pseudo Eco-System) proches d’une ère nouvelle, imaginent une matière minérale et végétale, métamorphosée par des propriétés synthétiques. Chaque extrapolation mène vers des formes hybrides et révèle un environnement, où l’activité humaine imprègne la biosphère. L’influence de l’humain sur la planète aboutit alors à une nouvelle ère géologique : l’Anthropocène1. Ces nappes de spéculation invitent à penser le fait actuel et la sauvegarde écologique future. Que ce soit par le gel factice (Zéro Degré Celsius), ou l’imitation de l’iridescence (Thin Section), Jonathan Bréchignac explore les représentations physiques de ces évènements. À l’inverse, d’infimes trésors (Svalbard Petri) voient leur aspect initial magnifié par le procédé d’inclusion dans la résine epoxy. Jonathan Bréchignac s’inspire de l’archipel norvégien du Svalbard, où il existe une chambre forte souterraine, réserve mondiale de semences. La géologie de l’arctique garantit la conservation des graines du monde dans l’idée de préserver la diversité génétique en cas de catastrophes naturelles.
 
Un à un, les éléments du corpus de Jonathan Bréchignac émettent des anticipations formelles de cette transformation du monde, pour en examiner la porosité des corps. En somme, une simultanéité du « naturel » et de l’artificiel poussée jusqu’à l’indistinction. Chaque alternative, chaque anticipation engendre dès lors « des manières de faire des mondes » reprenant la formule de Nelson Goodman (1978)2. Un monde à versions multiples émises par l’humain, où créations, descriptions et symboles par le biais de la connaissance génère une vérité propre à une version du monde. Si les vérités diffèrent selon les versions, Goodman précise la nécessité d’opérer des coupes et comblements, des extractions et remplacements, finalement tendre vers une «capacité à laisser échapper virtuellement infinie». Les mondes de fiction sont des mondes possibles puisqu’ils émanent de mondes réels. Pour Goodman «On démarre avec les mondes à disposition». À partir de la forme et de la matière Jonathan Bréchignac suggère sa propre version. Comme si convoquer le fictif dans le possible permettait d’accéder à une vérité autre.
 
Phenomena Ultra devient un laboratoire, où s’élaborent des hypothèses sur les manières de faire des mondes. Les faits oscillent entre l’insolite et le crédible, entre le magique et le scientifique. Le détour volontairement fictionnel ouvre sur une dimension de constatation du monde déjà à disposition. À la manière de «l’aventure d’une science poussée jusqu’à la merveille ou d’une merveille envisagée scientifiquement» formule Maurice Renard, à l’origine du terme « science-fiction » (1909)3. Comme pour interroger une temporalité où l’humain et le non humain, l’organique et l’artificiel se confondent vers d’abondants possibles et autres étrangetés. Autour d’une exacerbation de la matière, toute la matière, pourvu qu’elle imite le réel à venir – avenir.
 
1 Paul-Josef Crutzen (end of XXth century) coined the notion mentioning a new geological era.
2 GOODMAN, Nelson. Ways of worldmaking. Hackett Publishing, 1978.
3 RENARD, Maurice, Du roman merveilleux-scientifique et de son action sur l’intelligence du progrès, Le Spectateur, t. I, no 6, octobre 1909, p. 245-261

Texte Fiona Vilmer © 2019

 

Infos pratiques

Phenomena Ultra
Jonathan Bréchignac solo exhibition
Commissariat de SCANDALE Project  
Présenté par La Peau de l’Ours
16 – 28 February 2019   
Galerie Rivoli, Brussels – Belgium

 

 

Vue de l'exposition Phenomena ultra de Jonathan Brechignac / commissariat Scandale Project - Présenté par La Peau de l’Ours du 16 au 28 février 2019 - Galerie Rivoli, Brussels - Belgium
Vue de l’exposition Phenomena ultra de Jonathan Brechignac / commissariat Scandale Project – Présenté par La Peau de l’Ours du 16 au 28 février 2019 – Galerie Rivoli, Brussels – Belgium – Photo Andy Simon Studio

 

Vue de l'exposition Phenomena ultra de Jonathan Brechignac / commissariat Scandale Project - Présenté par La Peau de l’Ours du 16 au 28 février 2019 - Galerie Rivoli, Brussels - Belgium
Vue de l’exposition Phenomena ultra de Jonathan Brechignac / commissariat Scandale Project – Présenté par La Peau de l’Ours du 16 au 28 février 2019 – Galerie Rivoli, Brussels – Belgium- Photo Andy Simon Studio

 

Vue de l'exposition Phenomena ultra de Jonathan Brechignac / commissariat Scandale Project - Présenté par La Peau de l’Ours du 16 au 28 février 2019 - Galerie Rivoli, Brussels - Belgium
Vue de l’exposition Phenomena ultra de Jonathan Brechignac / commissariat Scandale Project – Présenté par La Peau de l’Ours du 16 au 28 février 2019 – Galerie Rivoli, Brussels – Belgium- Photo Andy Simon Studio

 

Vue de l'exposition Phenomena ultra de Jonathan Brechignac / commissariat Scandale Project - Présenté par La Peau de l’Ours du 16 au 28 février 2019 - Galerie Rivoli, Brussels - Belgium
Vue de l’exposition Phenomena ultra de Jonathan Brechignac / commissariat Scandale Project – Présenté par La Peau de l’Ours du 16 au 28 février 2019 – Galerie Rivoli, Brussels – Belgium- Photo Andy Simon Studio

 

Vue de l'exposition Phenomena ultra de Jonathan Brechignac / commissariat Scandale Project - Présenté par La Peau de l’Ours du 16 au 28 février 2019 - Galerie Rivoli, Brussels - Belgium
Vue de l’exposition Phenomena ultra de Jonathan Brechignac / commissariat Scandale Project – Présenté par La Peau de l’Ours du 16 au 28 février 2019 – Galerie Rivoli, Brussels – Belgium- Photo Andy Simon Studio

 

Vue de l'exposition Phenomena ultra de Jonathan Brechignac / commissariat Scandale Project - Présenté par La Peau de l’Ours du 16 au 28 février 2019 - Galerie Rivoli, Brussels - Belgium
Vue de l’exposition Phenomena ultra de Jonathan Brechignac / commissariat Scandale Project – Présenté par La Peau de l’Ours du 16 au 28 février 2019 – Galerie Rivoli, Brussels – Belgium – Photo Andy Simon Studio

 

Vue de l'exposition Phenomena ultra de Jonathan Brechignac / commissariat Scandale Project - Présenté par La Peau de l’Ours du 16 au 28 février 2019 - Galerie Rivoli, Brussels - Belgium
Vue de l’exposition Phenomena ultra de Jonathan Brechignac / commissariat Scandale Project – Présenté par La Peau de l’Ours du 16 au 28 février 2019 – Galerie Rivoli, Brussels – Belgium – Photo Andy Simon Studio

 

Vue de l'exposition Phenomena ultra de Jonathan Brechignac / commissariat Scandale Project - Présenté par La Peau de l’Ours du 16 au 28 février 2019 - Galerie Rivoli, Brussels - Belgium
Vue de l’exposition Phenomena ultra de Jonathan Brechignac / commissariat Scandale Project – Présenté par La Peau de l’Ours du 16 au 28 février 2019 – Galerie Rivoli, Brussels – Belgium – Photo Andy Simon Studio

 

Vue de l'exposition Phenomena ultra de Jonathan Brechignac / commissariat Scandale Project - Présenté par La Peau de l’Ours du 16 au 28 février 2019 - Galerie Rivoli, Brussels - Belgium
Vue de l’exposition Phenomena ultra de Jonathan Brechignac / commissariat Scandale Project – Présenté par La Peau de l’Ours du 16 au 28 février 2019 – Galerie Rivoli, Brussels – Belgium – Photo Andy Simon Studio