Maycec

Maycec

Interférence 5, 2021 Auto-édité Imprimé à A la maison
Impression Riso + laser 14×20 cm 28 pages 25 exemplaires

ENTRETIEN / Maycec

PAR ALEX CHEVALIER DANS LE CADRE DE « ENTRETIENS SUR L’ÉDITION »

Graphiste, artiste et productrice, Maycec, mène une recherche sur les liens étroits entre art et musique, et plus précisément, entre dessin et musique. Travaillant régulièrement avec des musiciens, au sein de projets spécifiques, où pour la production d’évènements dans lesquels elle performe. En 2020, en réponse au contexte sanitaire, avec Sergej Vutuc, elle crée À la Maison Printing, une micro résidence qui se déroule dans son salon, laquelle est dédiée aux publications d’artistes. Dans cet entretien, réalisé entre août et octobre 2022, nous revenons sur le parcours de Maycec, son approche de l’édition, la place de la musique dans son travail et la collaboration.

Depuis plusieurs années, tu mènes un travail mélangeant dessin, graphisme et musique lequel prend forme au sein d’éditions. Mais avant de s’attarder peut-être plus en détail sur cet aspect de ton travail, j’aurais souhaité que tu nous dises comment en es-tu arrivée à développer un travail d’édition ?

Je suis fascinée par l’image depuis toujours. L’image dans son ensemble. 
D’autre part, La musique a toujours fait partie de ma vie.
J’ai longtemps dissocié ces deux domaines. Puis petit à petit, par diverses recherches pour différents projets d’éditions, je leur ai trouvé beaucoup de similitude, notamment au niveau lexical. Rien que le mot « composition » parle pour les deux pratiques.

Je n’étais pas musicienne mais étant graphiste, j’avais aussi besoin d’exprimer ce lien avec le son à travers une démarche éditoriale et plastique.
Depuis, je suis passée par le conservatoire expérimental de Pantin en classe de composition de musique électroacoustique pour approfondir cette réflexion graphique et sonore.

Justement, pourrais-tu nous en dire plus concernant cette réflexion graphique et sonore que tu développes et les formes que celle-ci prend ?

Il s’agit d’une traduction partagée presque littérale, d’une transcription de la perception visuelle et auditive en mon sens. 
Mon travail éditorial tente d’approfondir un lexique analogue déjà existant et bien fourni dans une dynamique d’échange entre ces deux. 
Comme par exemple, la représentation de la couleur, du contraste, de la matière, du découpage…
Je questionne leurs divers contextes à travers le choix des papiers et les différents dispositifs d’impression en tant que langage d’interprétation ainsi que le travail d’écoute et l’acte compositionnel. 
En général, ces publications sont imprimées en très petites quantités, environ 10 exemplaires. Mais ça changera peut-être. 

Polycopieur,  2018
Vue d’exposition : Musicographisme_1, Gr_und, Berlin
Polycopieur, 2018 Vue d’exposition : Musicographisme_1, Gr_und, Berlin
Partition murale, 2018
Vue d’exposition :  Musicographisme_1, Gr_und, Berlin
Partition murale, 2018 Vue d’exposition : Musicographisme_1, Gr_und, Berlin
Installation architecturale + partition murale, 2018
Vue d’exposition :  Musicographisme_1, Gr_und, Berlin
Installation architecturale + partition murale, 2018 Vue d’exposition : Musicographisme_1, Gr_und, Berlin
Musicographisme_1, part1, 2018
Auto-édité
Couverture en carton gris – impression presse typographique
Intérieur — impression photocopie + polycopie
21x29,7 cm
280 pages
Exemplaire unique
Musicographisme_1, part1, 2018 Auto-édité Couverture en carton gris – impression presse typographique Intérieur — impression photocopie + polycopie 21×29,7 cm 280 pages Exemplaire unique

En 2018, tu réalises musicographisme_1, une performance mêlant impression, installation et musique, à partir d’une pièce sonore d’Erik Satie, Vexations (1893). La partition se jouant, tu imprimais à l’aide d’un polycopieur. Pourrais-tu nous en dire un peu plus à propos de ce travail, et notamment, comment en es-tu arrivée à imaginer la forme qu’il a pris ?

En faisant des recherches sur le principe de répétition, j’ai découvert le morceau pour piano ‘Vexations’ d’Erik Satie. Cette pièce est particulièrement fascinante puisqu’il est question de rejouer la même partition 840 fois de suite.
Dans cette idée de développer cette relation visuelle et sonore, il était important d’appliquer cette notion de performance comme le souhaitait le compositeur. Le polycopieur a été choisi comme procédé d’impression de par sa gestuelle performative retranscrivant l’idée de récurrence et de sa ressemblance à un orgue de barbarie ou autre automatophone. 
Le son du polycopieur est aussi intéressant. Chaque rotation crée une sonorité différente en fonction de la pression et de la vitesse du geste. Ainsi, la quantité d’encre diffusée est aléatoire, ce qui a pour effet de rendre chaque impression unique.
Est venue par la suite la possibilité d’ajouter une perspective architecturale avec une installation sculpturale, une sorte de cabane à imprimer et d’utiliser l’espace comme partition. Une partition murale qui prenait forme au fur et à mesure des impressions.
De cette performance est sortie une édition divisée en trois volumes de 280 pages chacun, ainsi qu’une petite édition imprimée lors du finissage de l’exposition de 52 pages illustrant les 52 mesures répétées jusqu’à 840 fois.
L’intention était aussi de créer avec ce projet d’édition des collaborations avec des musiciens imposant leur esthétique musicale. Pour ce premier opus, Vonverhille, qui en plus d’être un ami, est le fondateur du label Maturre, a réinterprété, en direct pendant le vernissage et ce durant environ deux heures et demie, l’œuvre d’Erik Satie.

Par le biais, dans un premier temps, des éditions musicographiques, puis d’À la maison printing, tu édites des cassettes audio, est-ce une suite directe de cette installation ?

Avant les éditions musicographiques, j’avais déjà sorti une cassette pour « 25:00 », un projet collaboratif réalisé avec l’artiste Sergej Vutuc questionnant l’appropriation des différentes couches sonores à travers l’image, accompagnée de cinq publications.
Pour les éditions musicographiques, il existe un objet papier sous forme de publication imprimée. Il est donc apparu évident qu’il faille inclure un objet musical. La cassette s’est imposée naturellement. Le rapport à l’enregistrement sur bandes magnétiques, sa sonorité spécifique, l’objet en tant que tel. D’autant plus que nous avions le matériel pour les copier nous-mêmes.
Une sortie cassette en édition très limitée (cinq exemplaires) est aussi prévue des sélections de pièces sonores expérimentales que je fais écouter dans mon émission radio ‘Débit Différé’, chaque premier mercredi du mois sur p-node.org.
Une façon de les archiver car elles ne seront sur aucune plateforme musicale. 

Cassette Musicographisme_1, 2018
Performance sonore par Vonverhille
Cassette 4 couleurs
25 exemplaires
Cassette Musicographisme_1, 2018 Performance sonore par Vonverhille Cassette 4 couleurs 25 exemplaires

Au printemps 2020, avec Sergej Vutuc, tu as initié À la maison printing, un espace dédié à la création de publications d’artistes qui se tient chez toi, dans ton salon. Sont alors invité-e-s des artistes développant un travail qui se passe aussi bien du côté des arts visuels que de la musique et du son. Comment vous est venue l’idée de ce projet et comment est-il mené ?

Nous avons créé un atelier de reprographie appelé « À la maison » à un moment où nos libertés de faire et d’exposer en public étaient particulièrement restreints. Comme nous n’avions pas vraiment le choix de suivre les instructions des grandes instances, on a décidé de tout faire chez nous : impressions d’éditions, concerts, rencontres. Une manière de continuer à défendre la scène et de se soutenir durant cette période difficile.
De là, on a développé un programme appelé « Maison d’hôte » où l’on choisit des artistes ayant une sensibilité visuelle et musicale forte. Ils viennent en micro-résidence quelques jours, s’approprient le matériel d’impression, créent une ou plusieurs éditions et proposent une performance sonore lors du lancement de leurs publications.
Tout ça dans notre salon. Lieu intimiste certes, mais qui rapproche !

Est-ce que la finalité de chaque invitation est une édition ?

Oui, une ou plusieurs éditions réalisées selon une approche singulière et personnelle, avec les contraintes que cela demande d’être une petite structure.

Sauf pour certaines publications peut-être, je crois ne pas dire de bêtises en disant que toutes les éditions que tu as publiées à ce jour sont faites maison, et en petit tirage. Quand je vois ton travail, son approche et son esthétique, mais aussi à ces jeux graphiques en réponse à la noise, je pense souvent au Do It Yourself punk de la fin des années 1970. Est-ce un rapprochement que l’on pourrait formuler ? Te reconnais-tu dans ce type de pratiques de l’édition ?

Je suis certainement influencée, car je ne suis pas punk, mais j’apprécie ce style musical et surtout son esthétique graphique.
Quant à cette démarche DIY, elle est due à une envie de totale indépendance, d’expérimentation, de contrôle aussi sûrement. 
Par exemple, pour la série d’éditions « Interférence », tout le processus de fabrication se fait à la maison pour les différentes impressions et à la main pour les découpes. Cela donne une autre dimension à l’objet imprimé car celui-ci devient unique.
C’est également cette démarche que l’on défend avec « À la maison ».

nterférence 4, 2020
Auto-édité
Impression photocopie + découpe à la main
14x20 cm
36 pages
50 exemplaires
Interférence 4, 2020 Auto-édité Impression photocopie + découpe à la main 14×20 cm 36 pages 50 exemplaires

ENTRETIENS SUR L’ÉDITION

– par Alex Chevalier…

Entretiens sur l'édition par Alex Chevalier