JULIE MOREL

JULIE MOREL

ENTRETIEN / Julie Morel

PAR ALEX CHEVALIER DANS LE CADRE DE « ENTRETIENS SUR L’ÉDITION »

Multipliant les formes, Julie Morel explore les diverses relations existantes entre l’Homme et le langage. Travaillant ainsi aussi bien avec les outils numériques (codage informatique, sites internet…), l’espace (installation, dessins, dispositifs interactifs…), ou encore avec l’espace du livre (dans ce que cela englobe : affiche, cartes postales, livres d’artistes, littérature…), l’artiste joue de références à l’art conceptuel dans lesquelles elles interroge les différents aspects que le texte peut prendre. Réalisé entre mai et juillet 2022, nous revenons dans cet entretien sur l’importance du collectif dans sa démarche, la place de l’édition dans son travail, l’enseignement ainsi que son rapport à l’autre.

Active dans de nombreux champs de l’art contemporain; installation, dessin, écriture, nouvelles technologies, sculpture, le livre, et l’édition d’artiste sont des formes que l’on retrouve fréquemment dans votre travail. Comment en êtes-vous arrivée à travailler avec ce médium ?

Ma pratique a toujours été liée au langage, notamment le texte écrit ou plus conceptuellement comme système. Étudiante, j’ai commencé par des études de traduction en anglais, allemand, russe et japonais. Très vite j’ai eu l’impression que j’avais trouvé « mon endroit » en termes de contenus et de philosophie : la littérature et le récit, la structure d’une langue, la technicité de la traduction et ses décalages poétiques… Mais je restais sur ma faim en termes de formes et d’usages car j’aimais en premier lieu le texte dans sa forme dessinée ou comme image – probablement influencée par une culture visuelle familiale (mon père était graphiste, mon frère est imprimeur). J’ai commencé mon parcours aux Beaux-arts de Lyon en 1992 où j’ai fait des sites internet narratifs, des histoires dessinées non-linéaires, et le code s’est ajouté à mes interrogations textuelles. Ensuite je suis allée à l’Ensb-a Paris où Christian Boltanski m’a encouragé à poursuivre des éditions dessinées puis imprimées, et au sein de l’atelier de Tony Brown j’ai pu continuer à avoir une pratique sur les questions numériques. Une de mes premières éditions papier est une mise en page d’une conversation par mail et mon premier site internet se servait d’éditions papiers dessinées et les rejouait en travaillant des scénarios multiples, grâce à une fonction « aléatoire » en code HTML. 
Peu de personnes se posaient ces questions à l’époque (1996) et j’ai vite rencontré Joëlle Bitton, Grégory Chatonsky, Philippe Dabasse, Karen Dermineur, et Reynald Drouhin avec qui j’ai partagé l’aventure du collectif incident.net pendant plus de 15 ans. Dès les débuts d’Internet, le collectif (rejoint ensuite par Michael Sellam, Marika Dermineur et Vadim Bernard) a exploré et développé une pratique artistique spécifiquement en ligne. Mon univers éditorial s’est élargi avec eux et inversement. Que ce soit dans l’univers de la traduction, celui de l’édition papier, sur Internet ou Off line (sous forme de programme sur ordinateur ou d’installation dans l’espace), ce qui m’intéressait était la façon dont on peut faire du montage (dans le sens du mot anglais edit) avec des données (textuelles, visuelles, sonores). C’est toujours le cas aujourd’hui mais j’ai découvert plus précisément à ce moment-là comment un texte écrit peut être porteur de plusieurs formes, une « versatilité circonscrite »… ou comme le dit souvent Chomsky en citant Humbold : « Infinite use of finite means » !

Au début des années 2000 j’ai commencé à produire des générateurs de textes en ligne sous la forme de flux mouvants qui défilaient sur l’écran. Je les ai créés dyslexiques ou dysgraphiques. Pour moi ils regroupaient tous : grammaires génératives, textes comme images, récits et scénarios, non linéarité, rythme d’une lecture, mais également des interrogations sur le bug, l’échec et la fragilité. Et en parallèle je continuais à produire des éditions textuelles : posters, éditions imprimées ou multiples et qui, au fur et à mesure du temps, ont trouvé leur place dans mes recherches. Cette partie était plus en « sous-marin », j’étais labellisée « art numérique » et j’avais plus de mal à diffuser ce travail car les différentes communautés du paysage artistique de cette époque ne se comprenaient pas franchement et dialoguaient peu. 

L’édition fait véritablement partie de votre travail et n’est pas un à côté ou une suite du travail sous un autre format. Elle est exposée au même titre que toutes les autres œuvres dans l’espace d’exposition. Aussi, comment abordez-vous les questions de mises en espace de cette partie du travail ?

Même si mon travail a été beaucoup montré par ce biais, le white cube n’a pas été la première référence de diffusion de mes recherches, de même que l’atelier n’a pas été un paradigme que j’ai fréquenté sans difficultés ni interrogations. Dès le début, Internet et l’édition ont été pour moi des moyens d’expositions avec un dynamique intéressante car chacun superposait immédiatement médium et diffusion dans un même espace.
De ce fait je n’ai jamais compris comment on peut avoir une vision binaire et opposée de d‘édition papier/numérique : c’est une vision prosaïque, « de tuyaux ».

Julie Morel
A.F.K. #2, 2014-2015
Image : vue d’exposition, Le Quartier centre d’art, Quimper
Julie Morel A.F.K. #2, 2014-2015
Image : vue d’exposition, Le Quartier centre d’art, Quimper

Si on prend le texte comme un point de départ, qu’on envisage son architecture, ou son traitement sous la forme d’un montage, il n’y a plus de hiérarchie dans les médiums ou les formats et des passages conceptuels peuvent être créés. Ce sont deux territoires qui s’associent et génèrent une grande richesse et beaucoup de questions. Dans les différentes versions des expositions A.F.K., (2010-2015), puis plus récemment Clear, Deep, Dark (2017-2022), j’ai essayé d’articuler ces questions, en reprenant les mêmes éléments (comprenant éditions, vidéos, dessins, sérigraphies, tissages), en les augmentant, ou en les faisant varier en les rejouant dans d’autres médiums.
Je me retrouve finalement assez bien dans le concept de Version que Artie Viekant a vulgarisé dans son texte L’image-objet Post Internet, texte que j’ai traduit en Français (ce qu’on appelle aussi une « version ») et que je revendique comme une pièce. 
Quand on travaille un système, une structure plutôt qu’une occurrence unique, et en particulier dans le texte, on se retrouve avec un matériau beaucoup plus variable, au caractère discret*, malléable, et on peut en explorer les différents aspects avec un grand nombre de médiums. On peut aussi osciller entre matérialité, virtuel et dématérialisation de manière fluide. Donc pour résumer je dirais : mon travail, c’est éditer. Je le fais autant dans l’espace d’un livre, sur internet ou dans une galerie ☺ …Ce point de vue est aussi un moyen d’envisager l’espace : comment articuler une production en y ajoutant cet élément éditorial ? 

La notion de collectif semble également importante dans votre démarche. Ne serait-ce qu’historiquement, avec Incident, ce collectif dont vous faisiez partie fondé en 1994, ou encore en vue de vos projets plus récents, lesquels se construisent aussi en collaboration avec d’autres : artistes, philosophes, musiciens, etc. Le collectif est-il une notion importante pour vous ? Comment définiriez-vous votre rapport aux autres ?

Issue de l’émergence d’internet, je me suis constituée une famille avec incident.net. Je me suis construite esthétiquement : la manière collective de monter un projet en ligne, la méthode spécifique à un médium électronique et du développement à plusieurs : tout cela a été fondateur pour moi. J’ai aussi participé à de nombreuses formes fédérées hors incident : les débuts du collectif Kom.post, fondé par Laurie Bellanca et Camille Louis, puis Le sans titre avec Cécile Azoulay et Cécile Babiole. 
La naissance du Net Art et son développement en France, notamment par incident, sont assez méconnus en France. C’est presque une niche et les institutions ne s’y sont que peu intéressées. Au début du collectif, nous développions des projets expérimentaux individuels ou collectifs en ligne, mais nous proposions également des « Hors-séries », moments où l’on invitait des artistes à faire leurs propres propositions en ligne autour d’une thématique – on est à moment en 2000, où un espace serveur coutait une somme non négligeable. La communauté d’artiste en ligne se connaissait bien et ce projet a tout de suite marché. Nous avons ainsi constitué la plus importante collection en Europe, visible gratuitement en ligne, avec des œuvres de Annie Abrahams, Nicolas Frespech, Yoko Hata, Isabelle Hayeur, Hassan Helahi, Société réaliste, Gwenola Wagon, pour ne citer qu’eux. En 2009 nous avons décidé de la clôturer : le temps consacré à maintenir cette collection était trop important et les plateformes évoluant trop rapidement certaines œuvres n’étaient plus consultables. Il n’existait pas de moyens réellement effectifs pour leur conservation. 
Cette expérience a façonné ma vision du collectif de deux façons majeures.
D’une part je ne suis pas artiste pour exister en solo. Quand je me mets à produire, j’invite souvent d’autres personnes (artiste, musicien, philosophe, cartographe, autrice..) dans une conversation. Ça peut donner des collaborations ou bien des formes d’expositions où je suis à la fois artiste et commissaire, ou par exemple la volonté de partager une partie du budget de fonctionnement de l’association incident pour développer des résidences dans mon atelier (incident.RES en Saône et Loire) ou le projet ⌘+P. 

Emma Mosley
Faire feu de tout bois, 2021
Impression laser noir sur papier d’Arménie triple
10,5 x 14,8 cm
édité par CTRL+P
Emma Mosley Faire feu de tout bois, 2021
Impression laser noir sur papier d’Arménie triple 10,5 x 14,8 cm édité par CTRL+P

D’un autre côté, l’expérience d’incident a aussi façonné mon rapport à la temporalité d’une œuvre, de sa diffusion à sa conservation. La plupart de mes productions sont longues, parfois onéreuses, mais souvent éphémères. Quand je fais une sérigraphie avec des encres conductrices, je sais que le coût de production me permettra d’en faire que peu d’exemplaires et que la conductivité aura un temps de vie d’un an environ. Mais cela est en adéquation avec un projet qui parle de la disparition des flux IRL (lacs, rivières, glaciers). Je sais aussi qu’une sérigraphie sur une affiche « originale » de Felix Gonzales Torres en papier glacé ultra fragile (Reloaded), ou une impression offset sur papier journal (woman reading book) qui va jaunir, sont de « mauvais » choix stratégiques, mais la cohérence prime… 

Je me place dans une position paradoxale : je suis attentive aux matériaux que j’emploie mais sans regret face à leurs destructions programmées. Encore aujourd’hui je préfère voir mon travail d’édition papier consulté, feuilleté et mis à mal par l’usure d’un public qu’inaccessible derrière une vitrine, qui me semble un tombeau totalement anachronique pour une édition d’artiste. 

Manon Bellet
Golden Waste, 2020
Découpe laser sur papier brun 250g, parfum par Manon Bellet et Andres Wilhelm
10,5 x 15 cm
édité par CTRL+P
Manon Bellet Golden Waste, 2020
Découpe laser sur papier brun 250g, parfum par Manon Bellet et Andres Wilhelm 10,5 x 15 cm édité par CTRL+P

En parallèle de vos différentes activités, vous êtes également enseignante en édition à l’école d’art de Tours. J’aurais eu plusieurs questions à ce sujet. Mais peut-être la première serait celle du projet que vous menez avec les étudiant-e-s : CTRL + P. Plateforme éditoriale, vous publiez des projets d’artistes et des projets d’étudiant-e-s que vous diffusez à la même échelle. Pourriez-vous nous en dire davantage sur ce projet ?

Comme je le disais plus haut, ma pratique d’artiste est une forme d’échanges avec les autres et j’envisage l’enseignement comme un dialogue artistique avec d’autres. Le projet ⌘+P en est un bon exemple. 
Pendant la pandémie, j’ai été comme beaucoup d’autres artistes confrontés à des annulations d’expositions mais surtout au désarrois de mes nouveaux étudiant.es (j’ai commencé l’enseignement à l’ESAD Tours à ce moment-là) et je me demandais comment continuer à partager avec eux des expériences d’artistes constructives. J’ai reçu à cette période une carte postale de l’étranger, envoyée par Joëlle Bitton, ancienne membre du collectif Incident. Ce bout de carton de 10 x 15 cm a immédiatement créé du lien et m’a habité pour plusieurs jours. J’ai pensé à La correspondance de Foucault (le 2e chapitre de L’écriture de soi, un texte merveilleux), puis relu des passages de La carte postale de Derrida, et ressortis Artists’ Postcards, a Compendium de Jeremy Cooper, un livre assez complet sur la question qui regroupe un grand nombre de propositions intéressantes par leur aspect historique, conceptuel, formel. On y voit autant le superbe projet de Gordon Matta Clark qui opère un changement d’échelle radical en découpant sa carte comme il découperait un bâtiment, avec un compas et un cutter, ou encore des cartes de Richard Hamilton, On Kawara, Aleksandra Mir, Sol Lewitt, Yoko Ono, Rachelle Whiteread, Fischli et Weiss, etc. 
En plus de l’aspect intéressant de travailler sur un espace réduit, il y avait là un moyen d’entrer simplement en contact avec un public, de le toucher, de continuer à diffuser des travaux d’artistes mais également ceux de mes étudiant.es proches du diplôme.
Avec une aide de la DRAC, je coordonne une résidence d’écriture dans mon atelier en Bourgogne (Incident.RES) mais avec la pandémie l’une d’entre elles avait été annulée et j’avais un reliquat de subvention… Je me suis dit qu’il pourrait servir à financer le projet pour une première année. J’ai proposé à Isabelle Reiher au CCCOD et à Ulrika Byttner à l’ESAD Tours de devenir partenaires et elles ont tout de suite accepté. ⌘+P est née et il s’agit d’une aventure collective de plus. 

Le fonctionnement est simple : tous les 15 jours, un.e artiste propose une carte postale et/ou un timbre et j’en produis 100 à 150. L’artiste en reçoit 50 et ⌘+P en diffuse 100 auprès d’une liste qui est constituée d’abonné.es, de collectionneurs ou d’amateurs, galeries et lieux dédiés à l’édition et imprimés d’artistes… Pour les envois, j’alterne artistes et étudiant.es de l’ESAD pour que ces derniers profitent de ce réseau. C’est donc autant un projet pédagogique que professionnel qui oblige les étudiant.es à se projeter comme artistes et pose la question de « l’adresse » (à qui est-ce que j’adresse mon travail ?… Et là le nom, l’adresse, est littéralement écrit sur le recto !), mais aussi la question de la taille d’un projet : une forme légère, minimale presque, peut porter une exigence de contenus conceptuels ou formels, tous aussi efficaces et touchants qu’une production où serait déployée moult moyens. Je dis sur le site internet que ce projet est « un écosystème des simples » et je le vois comme un projet décroissant qui reflète mes interrogations sur l’impact écologique de certaines formes en art numérique et en art contemporain.

Les étudiant.es ont été enthousiasmé.es, les propositions sont de grandes qualités et très hétéroclites. Certaines cartes sont d’une grande fragilité, à la limite de l’« envoyable » et les recevoir devient alors un moment singulier. D’autres jouent avec les sens (cartes parfumées), ou avec la question de la collection/conservation : avec Faire feu de tout bois une étudiante a contacté Papier d’Arménie pour produire une carte brûlable. Une autre carte est timbrée deux fois pour être renvoyée à une deuxième personne, ce qui pose la question : je la garde pour ma collection ou je la fais suivre ? Une autre encore propose de délicates gravures non-encrées de danses macabres en pleine pandémie et elle est accompagnée d’un timbre dont le texte « BREF » est une création typographique de David Poullard et Guillaume Rannou… Toutes sont de véritables interrogations sur ce qu’est et fait une œuvre d’art aujourd’hui.

Et puis pour diffuser plus largement le projet, ⌘+P a diffusé ses cartes et autres micro-éditions des artistes et étudiant.es participants au Salon des éditions d’art au FRAC Franche-Comté en novembre 2022. Un autre croisement pédagogique a suivi lors d’une collaboration avec la Revue LAURA qui est sorti en juin et pour laquelle les étudiant.es ont créé spécialement des éditions.

Aussi, qu’est-ce qu’enseigner l’édition d’artiste signifie aujourd’hui ? Et qu’est-ce que cela implique ?

Je dirai que cela dépend du contexte. Après deux années à Loyola University (Nouvelle-Orléans) et à l’UQAM (Montréal), écoles avec des moyens sans limites, j’enseigne dans une école qui a de grandes ressources humaines et des artistes-enseignants vraiment incroyables, mais dont les moyens matériels en terme d’édition sont très réduits. Le pôle édition se résume à un copieur laser et quelques ordinateurs en fin de vie. On a la chance d’être à proximité du Fun Lab (le fablab de Tours dirigé par Catherine Lenoble avec qui j’avais collaboré sur mon livre Hello World Bonjour Bazaar en 2013) mais c’est impossible de travailler avec 35 étudiant.es dans un fablab extérieur toutes les semaines… Donc il faut faire autrement : partir du projet de l’étudiant.e, l’amener à sortir de sa zone de confort ou bien se référer aux médias qui sont utilisés par tous (Instagram, Tic-toc…) et les détourner pour les penser autrement. Tout est à construire car la plupart les étudiant.es sont assez peu au fait de l’édition d’artistes, qu’elle soit imprimée ou numérique, et encore moins son histoire, ses spécificités, ses possibilités. Les clichés ont la vie dure et le mot typographie est parfois encore un gros mot !

Une grande partie du travail avec eux consiste à éviter de faire une traduction littérale de contenus en formes pour aller vers plus d’expérimentations, plus d’ouverture, aussi éviter les dogmes pour aider à l’émergence de formes singulières. Paradoxalement les étudiant.es ont du mal à traiter leurs idées comme des formes plastiques, cela dès la genèse d’un projet, mais il existe chez eux une grande sensibilité aux matériaux. L’ESAD à Tours est volontairement une école en art généraliste, sans spécialité. C’est très rafraîchissant comme perspective, surtout aujourd’hui. Je crois que ça explique cette liberté de travailler avec des matériaux qui ne sont pas forcément attendus dans l’édition, et qui questionnent la définition admise d’un livre.

Cette année j’ai donc proposé à certain de créer des livres d’artistes qui auraient une dimension plus sculpturale, ou une forme ambiguë, qui interrogent tant l’objet livre que sa consultation. Tout cela en gardant à l’esprit une générosité de la forme, sensible et conceptuelle. Comme spectateur, devant une forme qui parait d’abord une sculpture qui est clairement un objet éditorial qui se déplie et devient encombrante, ou face à un objet papier relié mais qui est impossible à refermer du fait des matériaux façonnés, que fait-on ? 
Les objets produits ont été étonnants, d’autant que le temps alloué à ce cours était réduit. Je crois que les générations d’étudiant.es actuelles ont envie de mixer ces questionnements, sans complexes.

Plus généralement, je dirais que j’enseigne vraiment les pratiques éditoriales plus que l’édition stricto sensu. Mais encore faut-il s’entendre sur ce que sont les pratiques éditoriales. Pour moi c’est tout à la fois l’édition « classique » en art visuel (le livre d’artiste, le livre envisagé comme espace d’exposition, le document comme moyen de diffusion) mais aussi l’édition numérique et post-numérique, la recherche graphique ou typographique, ainsi que le commissariat d’exposition et l’installation. Bref tous les aspects du verbe éditerqui mettent en œuvre un traitement éditorial et une diffusion/publication. Il s’agit d’un domaine très vaste.Pour exemple les expositions Empire, State, building (Société Réaliste) ou encore Les fleurs américaines (Elodie Royer et Yoann Gourmel) sont de mon point de vue tout autant des projets éditoriaux que les propositions de The Atlas Group par Walid Raad qui sont diffusée sur internet, en livre, ou dans l’espace d’exposition. Dans cette perspective on peut associer Agrippa, Book of the Dead par William Gibson et Dennis Ashbaugh et la matérialité de la revue Aspen, les pop-ups de Tauba Auerback aux livres de Sol Lewitt…
Et I am that Angel, de Tyler Coburn, livre performé dans des datacenters, ou les projets vidéos ou installatifs d’Oliver Laric participent tout autant à l’édition d’artistes que The Kelmscott Chaucer de William Morris & Burne Jones, que The Domain of the Great Bear de Mel Bochner & Robert Smithson ou que les éditions historiques diffusées par Siegelaub. Pourtant toutes ces propositions ont des formats et des questionnements très lointains les unes des autres…

C’est principalement cela que j’essaye de faire comprendre dans mon enseignement : comment on peut traverser les médiums et les formes de manière cohérente, en établissant d’autres rapports que ceux qui sont immédiatement repérables ou repérés. Comment rassembler et fédérer.

*discret dans son acceptation linguistique et informatique.

http://julie.incident.net/index.html

Julie Morel
Woman Reading Book, 2018-2021
Impression sur papier journal
37 x 29 cm
6 éditions de 16 ou 24 pages
5 exemplaires chacune
Julie Morel Woman Reading Book, 2018-2021
Impression sur papier journal 37 x 29 cm 6 éditions de 16 ou 24 pages 5 exemplaires chacune
Julie Morel
Mail Story, 1998
impression numérique N&B
16 x 11 cm
édition de 64 pages
Julie Morel Mail Story, 1998
impression numérique N&B 16 x 11 cm édition de 64 pages
Julie Morel
Reloaded, 2017
Impression en sérigraphie sur une impression numérique de Untitled (N.R.A.) Félix Gonzalez-Torres
190 x 127 cm
5 copies
Julie Morel Reloaded, 2017
Impression en sérigraphie sur une impression numérique de Untitled (N.R.A.) Félix Gonzalez-Torres 190 x 127 cm 5 copiesJulie Morel Reloaded, 2017 Impression en sérigraphie sur une impression numérique de Untitled (N.R.A.) Félix Gonzalez-Torres 190 x 127 cm 5 copies
Johanna Brossas
Sans Titre, 2022
Édition sur papier journal imprimé, gouache, pastels gras, colle, films plastiques
Johanna Brossas Sans Titre, 2022
Édition sur papier journal imprimé, gouache, pastels gras, colle, films plastiques

ENTRETIENS SUR L’ÉDITION

– par Alex Chevalier…

Entretiens sur l'édition par Alex Chevalier