Nè – Catarina de Oliveira et Amandine Guruceaga – TANK Art Space

Nè – Catarina de Oliveira et Amandine Guruceaga – TANK Art Space

En direct de l’exposition  duo show de Catarina de Oliveira et Amandine Guruceaga du 05 mai au 05 juin 2016 Tank art space 81, rue de la Loubière 13005 Marseille dans le cadre du Printemps de l’Art Contemporain.

Artistes : Catarina de Oliveira, née en 1984. Vit et travaille à Lisbonne.
Amandine Guruceaga, née en 1989 à Toulouse. Diplômée de l’Ecole Supérieure d’Art et de Design de Marseille (2013). Vit et travaille à Marseille.

Toutes deux intéressées par la migration des formes et des matières, Catarina de Oliveira et Amandine Guruceaga présentent à l’occasion du Printemps de l’Art Contemporain, ,  un duo show dans un artist run space, l’espace TANK art space à Marseille.  Dans cette recherche plastique des origines,  leur travaux se croisent et se répondent dans l’espace d’exposition. Les deux jeunes artistes nous font entrer dans une discussion sur les savoirs qui, dans une époque marquée par le phénomène de globalisation et où nous perdons nos repères, deviennent eux aussi mouvants.
En invoquant le , un charme destiné à « se libérer de l’emprise que peut avoir un sorcier sur des personnes ou des biens », elles évoquent des puissances telluriques et magiques, fondatrices de l’humanité.

En prenant pour point de départ de l’exposition le sclérote du champignon tropical Pleurotus tuberregium utilisé au Cameroun par les Wuli « à des fins uniquement rituelles, pour combattre la sorcellerie », Catarina de Oliveira et Amandine Guruceaga nous montrent leur intérêt pour des organismes qui, en se ramifiant et en se répandant font le lien entre les éléments primordiaux. Ces mycéliums et autres organismes ou plantes tels que les lichens qui composent des flux d’énergie, et modifient l’organisation même du terrain sur lesquels ils puisent leurs ressources en concourant au déplacement des minéraux dans lesquels ils s’enracinent.

 » Dans nos oeuvres, il y a tout un travail sur la transformation, sur le déplacement, sur les teintes et leurs variations. Il y a une inspiration visuelle surtout dans la modification, la putréfaction, tout cet univers lié à l’humidité. » Amandine Guruceaga

Chez les deux jeunes artistes, il ne s’agit pas de simplement reporter les motifs d’une transformation ou l’apparence de ces lichens et champignons, mais de s’inspirer d’un principe organique et, avec eux, de faire le lien avec des forces spirituelles primitives.
Ainsi, inspiré de contes traditionnels issus de différentes parties du monde, le travail de Catarina de Oliveira porte sur la vision de formes provoquée par l’ingestion de champignons au cours de pratiques rituelles.

Catarina de Oliveira - TANK Art space Marseille
Catarina de Oliveira – TANK Art space Marseille. Photo : Gilles Pourtier

 

Se retrouve dans le travail des deux artistes le lien entre la matière et le caractère symbolique et spirituel de la chimie. Ainsi, les représentations anthropomorphiques de Catarina de Oliveira reprennent les motifs rupestres avec des têtes proéminentes dans lesquelles se retrouvent de petits points blancs s’apparentant à des champignons. L’oxydation de la matière fait partie du motif et lui donne sa dimension spirituelle. Elle rappelle ainsi le rituel qui a participé à sa composition. Un geste que l’artiste expérimente en soumettant la plaque de cuivre, sensible à la chaleur, et le pigment organique qu’elle y appose, à des variations naturelles de température.

« J’utilise pour une de mes pièces sur plaque de cuivre des procédés très anciens de gravure par oxydation. Le motif renvoie à une peinture rupestre en Algérie qui est la plus ancienne représentation d’un chamane. De même, dans le désert du Sahara on a retrouvé des peintures rupestres datant du néolithique faites par des nomades qui ont, par la consommation de champignons, une dimension spirituelle. » Catarina de Oliveira

Dans ce dialogue entre les matériaux et les conditions d’exposition (chaleur, humidité, ….), il y a une part non maîtrisée qui engage un rapport au temps qui nous ramène au temps naturel. Ainsi, dans l’espace d’exposition Amandine Guruceaga présente plusieurs pièces réalisées avec Benjamin Marianne qui sont des moulages d’ossements trouvés dans un charnier d’animaux en Corse. Ces moulages traduisent l’idée de lente dégradation et de ce passage, dans ce processus, par des états transitoires.

Amandine Guruceaga
Amandine Guruceaga. Photo : Gilles Pourtier

Les différentes pièces exposées traduisent toutes une idée de transformation continue. Un glissement permanent d’un état à un autre que l’on retrouve particulièrement dans le traitement par décoloration à l’eau de javel de tissus traditionnels (tartans) chez Amandine Guruceaga. Un déplacement même des matières et, par l’introduction du rituel, des pensées, qui renvoie aux changements actuels de nos sociétés en proie à la globalisation. Un lien entre les différentes civilisations qui remonte pourtant à nos origines comme nous le rappelle Amandine Guruceaga par la découverte en Chine de momies enroulées dans des tissus dont les motifs sont très proches des tartans écossais.

Amandine Guruceaga
Amandine Guruceaga. Photo : Gilles Pourtier

« Au fil des découvertes, nos certitudes sont sans cesse remises en cause. La globalisation concourt aussi à nous faire perdre tout repère. Le fait, par exemple, que les tissus africains soient pour la plupart fabriqués en Hollande, contrarie notre imaginaire. Là où l’on cherche à voir un apparat traditionnel, on a au contraire un produit industriel très contemporain, issu de l’industrie modialisée. » Amandine Guruceaga

Les deux artistes font la recherche plastique d’éléments ayant une universalité originelle, ne gardant que les motifs qui n’ont pas été transformés ou réinterprétés industriellement et qui gardent une dimension spirituelle ou mystique. Catarina de Oliveira reprend ainsi la figure du triangle :

Catarina de Oliveira
Catarina de Oliveira. Photo: Gilles Pourtier

« La forme du triangle est très présente dans beaucoup de religions ou de mythologies. Assemblés deux à deux, on obtient l’aiguille de la boussole qui renvoie à la circulation des flux d’énergie et de forces primitives. Celles des flux magnétiques terrestres qui nous habitent et nous traversent, qui nous animent même si l’on n’en a pas conscience. Pour ces pièces, je me suis aussi inspirée des lignes de flux du tarot. » Catarina de Oliveira

Amandine Guruceaga s’intéresse quant à elle aux lignes, celles qui composent les motifs des tartans aussi bien que celles des sillons qui marquent la terre dans le geste ancestral des semis. Elle présente une sculpture hybride comme un outil ancien, des premiers hommes, au caractère à la fois agraire et religieux :

Amandine Guruceaga
Amandine Guruceaga. Photo : Gilles Pourtier

« J’ai créé un outil fictif primitif dont la fonction n’est pas immédiatement visible. Utilisé, il a cette capacité de tracer des lignes comme un outil agricole, un peigne de métier à tisser. Il fait la passerelle entre plusieurs univers dans mon travail. » Amandine Guruceaga

L’exposition Nè rassemble des oeuvres qui nous rappellent, dans des perspectives anthropologiques, sociologiques et artistiques, nos fondements face à une globalisation qui brouille nos repères et balaye les gestes premiers de l’humanité et tente d’effacer les énergies qui nous traversent.

Duo show Né de Amandine Guruceaga et catarina de Oliveira - TANK Art space Marseille Duo show Né de Amandine Guruceaga et catarina de Oliveira - TANK Art space Marseille Duo show Né de Amandine Guruceaga et catarina de Oliveira - TANK Art space Marseille

Pour en savoir plus :

artspace-tank.com

amandine-guruceaga.com
early-work.com/fr/47_amandine-guruceaga

catarinadeoliveira.wordpress.com

marseilleexpos.com

Visuels : tous droits réservés Gilles Pourtier.