COLIN G.

COLIN G.

Colin G., Sweet sixteen #2, sculptures d’embryons au stade 16 de Carnégie, en paraffine et cire d’abeille, 2019

PORTRAIT D’ARTISTE / Colin G.
Par Maya Trufaut

Dans le cadre de Coopérative curatoriale hors les pages…

De l’expérimentation géologique au moulage d’organes, l’art de Colin G. revêt, au premier abord, un caractère scientifique. C’est qu’avant de se tourner vers la création, il étudie les sciences du vivant et exerce comme agronome. Ses œuvres sont aujourd’hui intrinsèquement liées à cet apprentissage. S’il a d’abord voulu s’en détacher afin de trouver sa voie en tant qu’artiste, le chemin à emprunter était déjà tracé ; c’est justement ses connaissances spécifiques qui font l’unicité de son identité. 

Chaque sujet est une nouvelle investigation scientifique : il entreprend des recherches, investit des lieux, développe des hypothèses, exploite divers matériaux et ne cesse d’expérimenter. Chaque expérience a son importance et sa singularité, au même titre que les échecs qu’il peut rencontrer. Pour l’artiste, la beauté se cache dans l’incertitude de la tentative. Le processus prime sur le résultat final et fait de chaque essai une œuvre d’art potentielle. 

Dans ses Figures d’Érosion, en 2020, il renoue avec ses préoccupations agronomiques passées, en créant des volumes faits de sable et d’argile qu’il soumet aux aléas de l’eau, de l’air et de la chaleur. Même s’il ne parvient pas à la finalité souhaitée, il décide de présenter sa recherche au public, car l’aboutissement de son expérimentation est en lui-même révélateur. Colin G. nous donne à voir une terre abimée, desséchée, mise à dure épreuve et aborde ainsi la fragilité d’un environnement qui se dégrade inéluctablement.

Bien qu’il souhaite dissocier sa création de ses engagements politiques, ses œuvres laissent transparaître une indéniable sensibilité écologiste. L’art est pour lui une manière subjective d’interroger notre rapport au monde et aux animaux. Ainsi, en 2019, dans son installation Sweet Sixteen #2, il présente des sculptures d’embryons de différentes espèces et, parmi elles, dissimule celle d’un embryon humain indifférencié des autres. En faisant appel à ses connaissances scientifiques, l’artiste nous invite à considérer la place de l’homme dans le règne animal avec plus d’humilité, et par là même, à traiter toutes les espèces avec le même respect. 

La figure de l’embryon, par la fragilité de son évocation, lui permet également de dévoiler un pan plus intime de sa création. A plusieurs reprises, Colin G. se sert de l’image du fœtus, recroquevillé sur lui-même, pour évoquer l’envie de se soustraire du mouvement et de se réfugier dans la solitude. En l’associant à un nid d’oiseau dans Niché #1, il fait un autre parallèle entre l’humain et l’animal pour représenter un besoin commun, universel, de trouver un lieu de repos, d’isolement et de protection.

S’il souhaite parfois s’extraire du monde, c’est aussi, et surtout, pour prendre de la distance afin de mieux le regarder et le questionner. L’esprit hybride, de l’artiste et du scientifique, est en éternelle ébullition : Colin G. ne s’arrête jamais d’explorer et fait de son ambivalence une force créative inépuisable.

Maya Trufaut, assistant curator du CACN.

COLIN G. – BIOGRAPHIE
Colin G. vit et travaille à Nîmes, France
https://www.colin-g.org