AURÉLIE FERRUEL & FLORENTINE GUÉDON

AURÉLIE FERRUEL & FLORENTINE GUÉDON

ENTRETIEN / Entre les artistes Aurélie Ferruel & Florentine Guédon et la commissaire d’exposition Bettie Nin réalisé en août 2019

Bettie Nin : Votre travail porte sur ce qui fait groupe, sur ce qui fait lien : le partage des valeurs, des gestes, des parures, etc. Vous-mêmes vous combinez vos idées et vos savoir-faire. Mais le collectif c’est être ensemble en n’ayant parfois rien en commun… Comment se passe votre propre collaboration ?

Aurélie Ferruel : Il y a cette idée de partage entre nous mais ce qui nous stimule c’est effectivement le fait qu’on soit très différentes l’une de l’autre…

Florentine Guédon : …dans nos façons de fonctionner, de penser les choses, mais aussi en termes de temporalité et de caractère. Dans le processus de création, nous nous réunissons pour discuter et construire le projet ensemble puis nous nous séparons et chacune réalise les pièces de son côté.

AF : En prenant le temps qui lui est nécessaires et en utilisant les matières qui lui sont nécessaire. Nous avons besoin de ce temps séparé pour nous offrir ensuite un moment « offrande », un moment de partage.

BN : Vous faites aussi beaucoup de rencontres. Est-ce elles qui initient la réalisation de nouvelles pièces ?

FG : Ces rencontres sont marquantes et incarnées par des personnalités passionnées par leurs matières.

AF : Il n’y a pas vraiment de choix géographiques. Ce qu’on aime c’est que ces rencontres soient un peu le fruit du hasard… Ça fait aussi partie du jeu…

FG : …de se laisser porter par les endroits et les gens. Nous ne forçons pas les choses, car ça n’aboutit à rien.
Nous laissons les gens nous prendre en charge et nous montrer ce qu’ils ont envie de nous montrer.

AF : C’est une relation que nous n’avons pas seulement envie de consommer. Nous avons envie de garder ce lien…

FG : …de le creuser, de le pousser. Et puis parfois il y a des relations qui ne se font pas tout de suite, qui prennent
du temps.

AF : c’est vraiment un travail à tisser… un peu comme nos matières…

FG : et nous n’avons aucune maîtrise là-dessus. Nous nous laissons porter au gré des aventures et des situations.

BN : Justement une des situations que vous avez pu explorer est celle de la fête et du carnaval. Dans ce cadre le travestissement permet d’expérimenter le fait d’être une autre personne. Il me semble qu’on aimerait tous pouvoir être plusieurs personnes… Vous-mêmes vous créez des costumes et vous les portez lors de vos performances. Quel est votre rapport au travestissement ?

FG : Les costumes que nous concevons sont en lien avec ce qu’on a besoin de porter à un moment donné. Pas seulement en tant que vêtement mais aussi en tant que sentiment et énergie. Pour apprendre des choses sur nous mêmes. Pour provoquer un changement en nous.

AF : C’est pour ça que le carnaval nous intéresse beaucoup. Nous y avons vu des personnes qui devenaient presque instantanément et totalement une autre personne ou un animal, juste en posant quelque chose sur leur corps. Il y a quelque chose de magique là-dedans qui me plaît beaucoup. Lors de nos performances nous nous sentons véritablement dans un autre état, dans une autre énergie et cela nous apporte quelque chose par la suite…

FG : …et ça rend possible des actions que l’on ne se permettrait pas sans cet apparat.

BN : Vos sculptures aussi sont généralement activées lors de ces actions-performances. Est-ce de l’envie ou du besoin d’un geste que naît la réalisation des objets ?

AF: Parfois c’est de l’approche de la matière que vient l’action et parfois quand nous créons un objet nous avons déjà pensé aux gestes.

FG : Il y a un côté animiste dans notre rapport à la matière et la performance nous permet de l’envoûter ou de la charger.

AF : Je trouve que « charger » est vraiment le mot le plus juste. Les objets existaient avant mais, après avoir vécu ce moment de performance, ils sont chargés d’une nouvelle énergie.

FG : En tout cas nous ne percevons plus les objets de la même façon à partir du moment où ils ont été utilisés.

BN : Pour le visiteur, c’est la même chose. Sans connaître les détails de la performance, le simple fait de savoir que l’objet a été activé par vous à un moment donné, change son regard. Les actes païens ou magico-religieux avec des gestuelles et des objets symboliques existent dans chaque culture. Pourquoi ces traditions vous inspirent particulièrement ?

AF : Quand on parle de traditions on a toujours besoin de préciser que c’est tout sauf de la poussière. La tradition c’est vivant, ça respire, ça rebondit, ça évolue, ça change…

FG : …ça disparaît, ça réapparaît, c’est cyclique.

AF : Ce qui nous fascine c’est le plaisir que les gens ont à toujours faire et refaire tel plat ou telle danse ou tel chant. Le fait que ça reste vivant nourrit notre travail.

FG : Nous rencontrons beaucoup de personnes passionnées par les traditions mais nous n’évacuons pas du tout la dimension lourde qu’il peut y avoir quand les traditions deviennent des systèmes très directifs qui imposent des comportements pas toujours acceptables. Cette facette là nous intéresse aussi. Nous utilisons parfois l’humour pour mettre en péril le sérieux de certaines pratiques assez strictes.

BN : La tradition c’est aussi la transmission. Vous-mêmes vous êtes sculptrices et avez appris des techniques (nb. le travail du bois pour Aurélie et celui du tissu pour Florentine) de manière empirique au contact de votre famille et je sens tout le plaisir que vous avez eu à recevoir cet héritage. Est ce que vous vous voyez vous aussi comme des passeuses de gestes ou comme des passeuses d’histoires ?

FG : Nous avons évolué, toutes les deux, dans un milieu où la transmission est un mode de fonctionnement. Dans un milieu très manuel où l’on apprend à fabriquer les choses, à réparer les choses. Et nous avons effectivement pris un plaisir monstre.

AF : Le fait que ces personnes passionnées par leur matière, aient eu besoin à un certain moment de nous transmettre leur passion nous a stimulé. C’est pour ça que, dès que nous voyons des personnes dans l’amour de la matière ou d’un savoir-faire, ça nous attire.

FG : L’intérêt c’est aussi de se rapprocher de personnes qui ont appris les choses par elles-mêmes. La façon dont on travaille la matière ça transpire, pour moi, l’intelligence. Le travail de la main est directement lié à celui du cerveau.

AF : Et nous sommes fascinées par ces personnes qui détiennent un savoir. Ça nous porte de voir que ces gens ont envie de le transmettre…

FG : …et que ça continue à vivre… Nous avons rencontré beaucou d’artisans en fin de carrière, avec des savoirs techniques très particuliers qui savaient très bien qu’ils étaient les derniers a avoir encore cette pratique et que tout allait disparaître avec eux. Ils en ressentaient une angoisse profonde…

AF : comme une volonté de dire « je veux que ça vive encore »…

BN : Pourquoi Tripaille, pourquoi ce titre ?

AF + FG : Couplés à ces rencontres, il y a nos désirs, nos angoisses, nos haines, nos fantasmes, nos gestes, nos sensibilités. Le choix de Tripaille parle de ces profondeurs internes.

Vue d'exposition Tripaille d’Aurélie Ferruel et Florentine Guédon sous le commissariat de Bettie Nin au CAC La Traverse, Alfortville jusqu’au 23 novembre 2019
 Liées par les Orteils, 2019 Installation.
Tissus, perles en céramique, broches en étain, peinture, broderie, bois, torchis.
Vue d’exposition Tripaille d’Aurélie Ferruel et Florentine Guédon
sous le commissariat de Bettie Nin
au CAC La Traverse, Alfortville jusqu’au 23 novembre 2019
Vue d'exposition Tripaille d’Aurélie Ferruel et Florentine Guédon  sous le commissariat de Bettie Nin au CAC La Traverse, Alfortville jusqu’au 23 novembre 2019
 But de Cruyff, 2017
Scultpure. Bois, fils de coton, cire d’abeille. 60 x 80 cm.
Courtesy the artist
Vue d’exposition Tripaille d’Aurélie Ferruel et Florentine Guédon
sous le commissariat de Bettie Nin
au CAC La Traverse, Alfortville jusqu’au 23 novembre 2019
Vue d'exposition Tripaille d’Aurélie Ferruel et Florentine Guédon  sous le commissariat de Bettie Nin au CAC La Traverse, Alfortville jusqu’au 23 novembre 2019
 Labeur, 2017 Installation.
Céramique, bois, tissus, torchis. Dimension variable. Courtesy the artists.
Vue d’exposition Tripaille d’Aurélie Ferruel et Florentine Guédon
sous le commissariat de Bettie Nin
au CAC La Traverse, Alfortville jusqu’au 23 novembre 2019
Vue d'exposition Tripaille d’Aurélie Ferruel et Florentine Guédon  sous le commissariat de Bettie Nin au CAC La Traverse, Alfortville jusqu’au 23 novembre 2019
 Culte, 2017
Installation. Bois, tissus. Dimension variable. Courtesy the artists.
Production Galerie Duchamp.
 Sculptures sur Table, 2018
Sculptures. Céramique. Dimension variable. Courtesy the artists.
Production Les Ateliers des Arques.
Vue d’exposition Tripaille d’Aurélie Ferruel et Florentine Guédon
sous le commissariat de Bettie Nin
au CAC La Traverse, Alfortville jusqu’au 23 novembre 2019
Vue d'exposition Tripaille d’Aurélie Ferruel et Florentine Guédon  sous le commissariat de Bettie Nin au CAC La Traverse, Alfortville jusqu’au 23 novembre 2019
Vue d’exposition Tripaille d’Aurélie Ferruel et Florentine Guédon
sous le commissariat de Bettie Nin
au CAC La Traverse, Alfortville jusqu’au 23 novembre 2019
Vue d'exposition Tripaille d’Aurélie Ferruel et Florentine Guédon  sous le commissariat de Bettie Nin au CAC La Traverse, Alfortville jusqu’au 23 novembre 2019
Vue d’exposition Tripaille d’Aurélie Ferruel et Florentine Guédon
sous le commissariat de Bettie Nin
au CAC La Traverse, Alfortville jusqu’au 23 novembre 2019
Vue d'exposition Tripaille d’Aurélie Ferruel et Florentine Guédon  sous le commissariat de Bettie Nin au CAC La Traverse, Alfortville jusqu’au 23 novembre 2019
 Perceuse Paillarde, 2014
Installation. Bois, tissus, boutons, corde. Dimension variable. Courtesy the artists.
Vue d’exposition Tripaille d’Aurélie Ferruel et Florentine Guédon
sous le commissariat de Bettie Nin
au CAC La Traverse, Alfortville jusqu’au 23 novembre 2019
Vue d'exposition Tripaille d’Aurélie Ferruel et Florentine Guédon  sous le commissariat de Bettie Nin au CAC La Traverse, Alfortville jusqu’au 23 novembre 2019
Perceuse Paillarde, 2014
Installation. Bois, tissus, boutons, corde. Dimension variable. Courtesy the artists.
Vue d’exposition Tripaille d’Aurélie Ferruel et Florentine Guédon
sous le commissariat de Bettie Nin
au CAC La Traverse, Alfortville jusqu’au 23 novembre 2019
Vue d'exposition Tripaille d’Aurélie Ferruel et Florentine Guédon  sous le commissariat de Bettie Nin au CAC La Traverse, Alfortville jusqu’au 23 novembre 2019
Vue d’exposition Tripaille d’Aurélie Ferruel et Florentine Guédon
sous le commissariat de Bettie Nin
au CAC La Traverse, Alfortville jusqu’au 23 novembre 2019
Vue d'exposition Tripaille d’Aurélie Ferruel et Florentine Guédon  sous le commissariat de Bettie Nin au CAC La Traverse, Alfortville jusqu’au 23 novembre 2019
 Culte, 2017 (détail)
Installation. Bois, tissus. Dimension variable. Courtesy the artists.
Production Galerie Duchamp.
Vue d’exposition Tripaille d’Aurélie Ferruel et Florentine Guédon
sous le commissariat de Bettie Nin
au CAC La Traverse, Alfortville jusqu’au 23 novembre 2019

Aurélie Ferruel, née en 1988, originaire de Basse-Normandie
Florentine Guédon, née en 1990, originaire de Vendée
Vivent et travaillent entre Montournais, Suré, Nantes et Toulouse.
Ce duo d’artistes s’est formé en 2010 dans l’optique de développer uniquement une production commune.

INFORAMTIONS PRATIQUES SUR L’EXPOSITION TRIPAILLE :