SEAN PATRICK WATTERS, Under the same sky

SEAN PATRICK WATTERS, Under the same sky

EN DIRECT / Exposition Under the same sky de Sean Patrick Watters, jusqu’au 19 mars 2022, Praz-Delavallade, Paris

Pourquoi nous pensons-nous vivants ? Pourquoi tentons-nous d’échapper à une condition et une destinée a priori inéluctable ? Pourquoi après avoir tué nos pères et nos mères, leurs histoires et l’Histoire même, errons-nous, pauvres orphelins à la dérive, à la recherche malgré tout de rêves, d’espoirs et de justice, sinon de liberté, d’égalité et de fraternité ? Pourquoi voulons-nous, coûte que coûte, bâtir des mondes sur des tas de cendres encore brûlantes ?

I have a dream…

En provenance de Louisville, Kentucky, le photographe afro-américain Sean Patrick Watters s’est établi il y a plus vingt ans à Brooklyn. « Ce quartier a été mon premier lieu de création. […] C’était exactement
ce dont j’avais besoin et la première fois dans ma vie d’adulte que je me sentais véritablement chez moi. » Installant à même le trottoir en bas de son immeuble un studio de fortune avec une bâche noire pour isoler ses sujets, il a invité certaines personnes à venir poser pour lui, des légendes du quartier, des célébrités du monde de la mode et de la politique, ou des passants inconnus. D’autres ont été saisies au hasard des promenades et des rencontres dans les parcs alentours, en particulier Central Park et Morningside Park. Il en a traduit les attitudes ou les expressions, les corps ou les visages – et surtout l’énergie – à travers un noir et blanc aussi puissant que précis, aussi vibrant que vivant. Instants de rue. Éclats de vie. « Je crois que nous possédons tous une certaine magie. Il s’agissait de l’atteindre. »

Aujourd’hui, vous pouvez respirer et emplir vos poumons de ce monde qui vous entoure. Ou vous pouvez encore mourir parce que certains, comme avant, vont vous empêchez de respirer tout court. Vous pouvez choisir de vous inspirer et d’inspirer les autres. De vous animer et d’ouvrir votre âme. Ou d’éteindre l’espoir. Vous pouvez de même écouter votre cœur battre. Ou se débattre. Vous pouvez le faire battre à l’unisson de vos désirs, de vos rêves et de vos espoirs. Vous pouvez surtout le faire battre à l’unisson de ceux des autres. Faire battre New York la blanche au rythme d’Harlem la noire. « Fires burn, heart beats strong, Sing out loud, the chain gang song. » (Grace Jones, Slave to the Rhythm, 1985)

Sean Patrick Watters confie : « Avant un shooting, j’ai besoin de discuter avec chaque personne. De ses buts, de ce qui l’énerve, de ce qui le motive. Je la questionne sur sa famille, ses histoires d’amour, sur ce qu’elle fait dans la vie. Quand tu les interroges de cette façon, ils en disent bien plus que ce que tu veux savoir. » Il a ainsi des histoires à nous raconter – « I have a tale to tell », ainsi qu’il a intitulé, en 2017, une de ces expositions à Paris. Des histoires à nous faire voir et entendre. Des images qui parlent et nous parlent.

Avec la radio, la photographie, est l’un des médiums qui retranscrit avec le plus d’intensité le pouls du monde parce qu’elle n’est faite que d’émotions et de sensibilités immédiates, voire d’énergies directes. Chaque personne qui pose frontalement devant un appareil photographique y dépose et y laisse ainsi une parcelle inestimable d’elle-même. Parfois, elle se déleste de toutes ses carapaces et ses artifices, parfois elle les sublime. Elle se défie et nous défie. Pour elle-même comme pour les autres. Et semble nous dire : « Cette image de moi, je l’ai voulue et j’existe par et à travers elle. Ce qui est là, au mur, devant vous, je le suis. » La photographie est une épreuve. Une épreuve de foi. De foi en soi. De fois en l’autre. De foi en l’histoire. La sienne et celle du monde. « Hey, what have I got? Why am I alive, anyway? Yeah, what have I got? Nobody can take away? » (Nina Simone, Ain’t Got No – I Got Life, 1968)

Fin des années 2010-début des années 2020. Harlem. Brooklyn. Manhattan. New York City. États-Unis. Une personne portant un masque noir où est inscrit en blanc « inspire or retire ». Un couple enlacé tendrement sur les marches de leur immeuble. Un autre, heureux, simplement debout dos à dos. Un homme qui crie le visage et le torse aspergé de liquide sombre. Une jeune fille qui toise l’objectif. Un jeune homme qui semble vouloir y échapper. Un autre encore qui semble le menacer. Une femme qui respire sa plénitude intérieure. Le reflet d’un individu – le photographe lui-même ? – dans une vitrine dédiée à Georges Floyd, DeAunta Farrow, Eric Reason. For Which Reason ?

La volonté se conjugue le plus souvent d’énergie et de ténacité. Renoncer revient à se déserter, sinon à se renier. À sacrifier ses buts, ses valeurs, sa vision du monde. Au profit de ?… Ne rien céder ! Maintenir le cap ! Encourager, s’encourager, avoir du courage, reviennent à rythmer son cœur battant et déposer la rage qui vous envahit. Vous êtes ce que vous faites. Ou ce que vous espérez. Vous êtes déjà votre avenir. Vous êtes même en train de le construire. La photographie le sait déjà. Elle ne vous définit pas seulement, elle vous réinvente à l’intérieur de vous-mêmes, en allant puiser dans la beauté que vous avez vue, les émotions que vous avez éprouvées, les échanges que vous avez entretenus, les expériences que vous avez poursuivies, les décisions que vous avez prises, les difficultés que vous avez surmontées, les combats que vous avez gagnés ou perdus, les espoirs que vous avez conservés, les rêves que vous avez eu, et toute cette vie que vous avez créée et maintenue coûte que coûte en vie. Et cela, l’image le montre, le désigne, le souligne et le partage ensuite à travers le regard de l’autre. « Keep it up, keep it up. Never stop the action. » (Grace Jones, Slave to the Rhythm, 1985)

La photographie nous transmet quelque chose que nous n’attendions pas. Une vérité qui nous appartient. Une identité qui nous ressemble. Une famille qui nous rassemble. Nous voulons tous rester des êtres libres, épris de rêves, d’espoirs et de justice. Quelle qu’en soit la raison ou la déraison. « I’ve got life, I’m gonna keep it. I’ve got life, and nobody’s gonna take it away. » (Nina Simone, Ain’t Got No – I Got Life, 1968)

Marc Donnadieu
Conservateur en Chef de Photo Elysée, Lausanne (Suisse)

PRAZ-DELAVALLADE PARIS
5, rue des Haudriettes
75003 Paris
tél. +33 (0)1 45 86 20 00
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www.praz-delavallade.com

Vue d'exposition Under the same sky de Sean Patrick Watters, jusqu'au 19 mars 2022, Praz-Delavallade, Paris
Vue d’exposition Under the same sky de Sean Patrick Watters, jusqu’au 19 mars 2022, Praz-Delavallade, Paris
Vue d'exposition Under the same sky de Sean Patrick Watters, jusqu'au 19 mars 2022, Praz-Delavallade, Paris
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