CONFINS

CONFINS

Mathilde Fossy, Sunscape-yellow, 2021. Risographie, 27 x 39 cm

EN DIRECT / Exposition Confins, une exposition de dix artistes de la Réunion,
jusqu’au 28 novembre 2021 au 59 Rivoli, Paris

Avec les artistes Annaf, Lolita Bourdon, Felix Duclassan, Christiane Fath, Floé, Florence Garnier, Mathilde Fossy, Masami, Karine Maussiere, Vie 464 

Commissariat : ArTranslation a pour but de soutenir la création artistique, de la promouvoir et la diffuser par des échanges à la Réunion et vers la France hexagonale et à l’international.

par Laetitia Bischoff

Confins : Quand l’île prend la relève. 

Voici une exposition collective, une chance émue donnée au croisement des parcours. Dix artistes se tiennent du sol au ciel en passant par les corps, les plantes et l’histoire qui les façonnent, tous. Il et elles vivent et travaillent à la Réunion. Faire lieu, c’est tisser, récolter, ajourer, expirer, coder, décoder, simplement voir le soleil se coucher.  Ils ne font pas école, ils mixent leurs énergies respectives. Ainsi on retrouve dans Confins, ce que Félix Duclassan nomme tropicalité : « la tropicalité serait nécessairement interculturelle, comme une diversité en perpétuelle reconversion, un écosystème des cultures. »

En débutant par le ciel, Karine Maussière s’attèle aux constellations. Ses dessins sont la fabrique de portraits, de géométriques sois, noirs et lignés. Une profondeur nouvelle se crée en des configurations de ciel et de nuit conjugués. 

Puis l’estampe se réveille en des teintes contemporaines, voici les différents astres et lumières des Sunscapes de Mathilde Fossy. Masami, présentant photographies et installations, se met en haut de la terre pour toucher l’au-dessus-de-l’horizon. Sa courbe de corps s’y détoure. 

Lolita Bourdon, grande coloriste, invite les bords de l’océan Indien à conter en motifs monumentaux des fables et des géographies. Reprendre les rênes du pinceau et du motif, voici une clé de cette exposition qui a le mérite de faire taire la technologie au profit d’une reconnexion à un sentiment, une technique, une visée, qui creusent le sol, des racines jusqu’à Orion, et s’étendent d’une falaise à l’autre, d’ouest en est. 

Le temps perd toute heure dans les travaux de Christiane Fath car elle aussi carotte la puissance ancestrale des motifs que nos derniers siècles ont failli balayer. C’est cela qui chante dans ses géographies mosaïques : l’archaïque chèvre, le symbolique paon retrouvent par leur saisie graphique, l’ampleur de leur évocation signifiante. Les collages de Vie 464 jonglent également avec le brut et l’ancestral. Le pauvre de l’art trouve une nouvelle richesse dans ses paysages aux motifs découpés et ré-assemblés. Alors la trame s’invite chez Annaf, un code abstrait façonné pour le créole seul. On courbe les dos chez Floé tout en élançant des bras au-delà des cadres chez Florence Garnier, voici l’expire.

Les mots traversent nos yeux, nos têtes, nos tripes face aux peintures de Félix Duclassan : une œuvre stratifiée touche le nerf d’une mémoire nôtre à activer. Gommer, laver, strier, afin que le spectateur lui-même comble l’image, se rapproche de ses sujets dont l’apparition est clignotante, vacillante, sur le départ.

Cette exposition préfigure à Paris ce qui se tiendra bientôt à Saint-Paul : Le Tropical Drawing Festival, nouveau sillon insulaire pour les arts. En prévision de ce dernier, l’exposition Confins, nous met à température. 

Laetitia Bischoff

Karine Maussière, Constellations, hémisphère Sud, 2021. Dessin au crayon de couleur sur canson noir, 48 x 64 cm
Karine Maussière, Constellations, hémisphère Sud, 2021. Dessin au crayon de couleur sur canson noir, 48 x 64 cm
Félix Duclassan, L'attente, 2020. Huile sur toile
Félix Duclassan, L’attente, 2020. Huile sur toile