FRAGMENTS D’HISTOIRE À LA GALERIE ODILE OUIZEMAN

Iris Levasseur – Vue de l’exposition « Dessin, Figures et autres Desseins. Curiosités photographiques face au dessin »
Courtesy artiste et galerie Odile Ouizeman

EN DIRECT / Exposition « Dessin, Figures et autres Desseins. Curiosités photographiques face au dessin – Iris Levasseur, Marko Velk, Maxime Du Camp, Giorgio Sommer, W.A Mansell », à voir jusqu’au 18 juillet 2020 Galerie Odile Ouizeman Paris

par Elora Weill-Engerer

L’histoire de l’art confronte classiquement le dessin à la couleur. Si le premier est communément associé à la raison, le second se voit davantage relégué à l’empire des sens. Étymologiquement, disegno signifie à la fois le dessin et le dessein, de sorte que dessiner relèverait autant de la projection (futur) que de la transcription (passé). Le trait de crayon est ainsi trait d’esprit. Cette rupture manifeste, les artistes sont les premiers à la sentir, qui doivent souvent choisir entre les stéréotypes les plus éculés, ceux qui les définissent soit en décorateurs soit en penseurs. D’une manière similaire, la pensée commune propose de piocher entre histoire et imagination, science et art, document et expression. À cette alternative radicale, certains artistes répondent par une voie plus douce. C’est certainement ce qui lie les artistes présentés à la galerie Odile Ouizeman. L’exposition « Dessin, Figures et autres Desseins » propose un dialogue entre plusieurs photographes et plasticiens d’hier et d’aujourd’hui : Iris Levasseur, Marko Velk, Maxime Du Camp, Giorgio Sommer, W.A Mansell. 

Au XIXème siècle, l’apparition de la photographie est très rapidement exploitée dans le cadre des récentes découvertes archéologiques : Pompéi, Herculanum, Egypte, Namibie… Le passage du daguerréotype au calotype rend possible la reproduction des prises de vue et leur diffusion dans la presse. D’abord à visée scientifique, les photographies d’expéditions et de fouilles acquièrent rapidement une dimension, pittoresque et touristique avec notamment la photo-mécanisation de la carte postale qui connait son âge d’or entre 1890 et 1920. Les tirages de Maxime Du Camp, Giorgio Sommer et W.A Mansell présentés à la galerie Odile Ouizeman montrent cette ambiguïté, à la fois graphique et documentaire, de ces premiers photographes archéologiques. Leurs images transcrivent non seulement le récit de ces mises au jour mais également le regard porté sur celles-ci. Dans leurs tirages albuminés, les trois photographes jouent des échelles de grandeur entre personnages et monuments et rappellent la fascination de l’époque pour la poétique de la ruine. 

Dans leur lignée, Marko Velk et Iris Levasseur, artistes contemporains d’origine respectivement croate et française, abordent le motif du fragment. Chez le premier, les figures en clair-obscur irradient de l’intérieur comme des lanternes tandis que les fresques historiées de la seconde sont structurées par des stries colorées. Fusain pour l’un, pierre noire et aquarelle pour l’autre. Dans des touches différentes, les noirs profonds et charbonneux de Marko Velk et le trait incisif et poilu d’Iris Levasseur enveloppent le papier d’une patine du temps. Bien qu’ancrées dans leur époque, leurs oeuvres sont habitées par l’âme des civilisations passées. Si le médium photographique semble le plus propice à transmettre fidèlement et objectivement une mémoire historique, il est aussi certainement celui qui marque la création plastique de ces artistes contemporains. 

Elora Weill-Engerer, critique d’art 
https://eloraweillengerer.wordpress.com

« Dessin, Figures et autres Desseins. Curiosités photographiques face au dessin – Iris Levasseur, Marko Velk, Maxime Du Camp, Giorgio Sommer, W.A Mansell », exposition jusqu’au 18 juillet 2020 avec présentation régulière de nouvelles oeuvres.

Galerie Odile Ouizeman
12 rue des Coutures Saint-Gervais
75003 Paris

galerieouizeman.com

Mardi-vendredi 14h-19h Samedi 11h-19h