MARTIN BELOU, FOYER

MARTIN BELOU, FOYER

Vue de l’exposition Martin Belou, Foyer, du 06 juin au 25 juillet 2020, Sans titre (2016), Paris Photo Aurélien Mole
Courtesy artiste et Sans titre (2016) 

EN DIRECT / Exposition « Foyer » de Martin Belou, jusqu’au 25 juillet 2020, Sans titre (2016)

Commissariat Eloi Boucher

Martin Belou visualise son travail comme un lieu en soi, il emploie le terme d’« objet-monde ». Le « Foyer » présenté chez Sans titre (2016) – spécifiquement réalisé pour l’espace de la galerie dans le cadre de sa deuxième exposition personnelle en France – agit comme la succursale faisant suite à un environnement conçu il y a quelques mois pour le Palais de Tokyo (Paris, FR) dans l’exposition Futur, ancien, fugitif (2019) ou plus directement dans la logique d’Objects, Love and Patterns (2018) au CIAP Kunstverein (Hasselt, BE). Lors de chaque exposition, le public est amené à découvrir un nouveau chapitre mis en forme grâce à un alliage d’éléments naturels, cueillis et glanés par l’artiste avec des formes façonnées ou chinées qui jonglent entre le domaine de la sculpture et l’objet usuel et industriel.

Le foyer – ou l’âtre – est l’endroit où se trouve le feu mais aussi l’hypocentre, le siège principal dans un contexte familial ou communautaire. Ce noyau est présenté physiquement dans la galerie par la lampe entourée d’un pare-feu en laiton, tel un point central d’où divergent les rayons émis par une source de lumière et de chaleur. L’incandescence provient ici d’une ampoule à vapeur de sodium, alimentant habituellement les lampadaires et autres éclairages publics – mais aussi dans certains cas spécifiques de la culture végétale indoor. Presque impossible à regarder à l’œil nu, cette lumière engendre un changement de perception sensoriel. Ainsi, elle permet à l’artiste de scinder l’espace et d’envisager le moment de l’exposition en deux temps et deux états : le lever du soleil qui au fur et à mesure devient le feu de camp d’un logis.

Martin Belou joue avec le caractère modulable des éléments usuels et du mobilier qu’il fabrique pour leur permettre de s’intégrer aux propriétés physiques du lieu d’exposition. Comme un jeu d’assemblage, une partie de Kapla monumentale, l’artiste a édifié l’espace de ce foyer à l’aide d’une mosaïque constituée de morceaux de chêne bicolores, habituellement utilisé pour la conception de parquet d’habitation. Le motif du mobilier du « Foyer » nous ramène à la construction propre d’une architecture, à l’invention de la perspective dans l’histoire de la peinture par le damier qui géométrise un espace. Il détermine généralement le sol et les arêtes de la salle. Ici, le point de fuite est frontal, dirigé par la table traversante, disposée tel un autel.

Est-ce un laboratoire d’alchimiste ? un fumoir ? une cambuse ? On s’interroge sur la fonction même de cet espace. Serait-ce une pièce à part, secrète, où ses usagers reprennent leurs activités quand les visiteurs s’en vont ? Cette dernière interrogation est à mettre en contexte à l’aune de l’histoire de la galerie, ancienne loge du Théâtre Saint Antoine. On se plaît à imaginer une petite troupe se regrouper à l’abri du public pour jouir de son propre spectacle fantasmé et faire usage de certaines substances illicites. Celles-ci sont matérialisées par les pipes et les bangs, mais aussi par les flacons et récipients en verre qui contiennent et diffusent du goudron de pin – substance visqueuse généralement utilisée comme pansement pour réparer les navires ou les troncs d’un arbre. Ce brai végétal évoque le fumet marqué de la térébenthine, il est infusé dans l’espace. Cette odeur forte que les ouvriers respiraient sur les bateaux a donné naissance à l’expression « être dans le coaltar » pour définir un état de demi-conscience. Le terme ‘coaltar’ fait référence au goudron obtenu par la distillation de la houille ; à trop forte dose, le corps et l’esprit réagissent comme s’ils étaient plongés dans ce liquide pâteux et gluant. L’émanation créée pour chaque exposition est caractéristique du travail de Martin Belou. Ces effluves lient les œuvres au sein d’un même dispositif.

Elles participent également au caractère évolutif de l’environnement en le modifiant par des perturbations infimes et des croissances invisibles liées aux matériaux organiques que l’artiste laisse s’épanouir. Le temps, la lumière, mais aussi le mouvement des visiteurs ont un impact sur les formes vivantes. La proximité, le contact des œuvres sur le public ajoute parfois un caractère thérapeutique à l’aura mis en forme par Martin Belou. Les ustensiles en laiton et les récipients en bois et porcelaine crue s’apparentent à des instruments médicaux ou d’anciens remèdes pharmaceutiques. L’inhalation de ce goudron quant à elle soulage et détend un esprit fiévreux. L’artiste choisit de laisser transparaitre la mutation de certaines ressources et recettes qu’il élabore à partir d’infusion de plantes ou de fermentation de graines et de champignons.  Le climat du « Foyer » engendre un phénomène d’érosion où certains reliefs se transforment. Par ce fait, notre perception est amenée à se mouvoir entre la naissance et l’extinction de l’exposition.

Martin Belou guide le visiteur dans une procession mystérieuse ponctuée de récits imaginaires et d’histoires liées à l’espace qui germent au fur et à mesure du parcours.

« Le voyageur, navigant doucement mais avec une vélocité légèrement croisse, trouve, après maints brusques détours, sa route en apparence barrée par une gigantesque barrière plutôt une porte d’or bruni, curieusement ouvragée et sculptée, et réfléchissant les rayons directs du soleil qui maintenant s’abaisse rapidement et couronne de ses dernières flammes toute la forêt environnante. » [i]

[i] Le Domaine d’Arnheim, Edgar Allan Poe (1847), traduit par Charles Baudelaire.

Eloi Boucher

Vue de l'exposition Martin Belou, Foyer, du 06 juin au 25 juillet 2020, Sans titre (2016), Paris
Vue de l’exposition Martin Belou, Foyer, du 06 juin au 25 juillet 2020, Sans titre (2016), Paris
Photo Aurélien Mole. Courtesy artiste et Sans titre (2016) 
Vue de l'exposition Martin Belou, Foyer, du 06 juin au 25 juillet 2020, Sans titre (2016), Paris
Vue de l’exposition Martin Belou, Foyer, du 06 juin au 25 juillet 2020, Sans titre (2016), Paris Photo Aurélien Mole Courtesy artiste et Sans titre (2016)
Vue de l'exposition Martin Belou, Foyer, du 06 juin au 25 juillet 2020, Sans titre (2016), Paris
Vue de l’exposition Martin Belou, Foyer, du 06 juin au 25 juillet 2020, Sans titre (2016), Paris Photo Aurélien Mole Courtesy artiste et Sans titre (2016)
Martin Belou, Jumelles, 2020, steel, brass, canisses, crocodile eyes, unique
Martin Belou, Jumelles, 2020. Steel, brass, canisses, crocodile eyes, unique
Photo Aurélien Mole Courtesy artiste et Sans titre (2016)
4.	Martin Belou, Qu’importe le flacon (5), 2020, oak, brass, 22x4x4 cm, unique
Martin Belou, Qu’importe le flacon (5), 2020. Oak, brass, 22 x 4 x 4 cm, unique
Photo Aurélien Mole Courtesy artiste et Sans titre (2016)
Vue de l'exposition Martin Belou, Foyer, du 06 juin au 25 juillet 2020, Sans titre (2016), Paris
Vue de l’exposition Martin Belou, Foyer, du 06 juin au 25 juillet 2020, Sans titre (2016), Paris Photo Aurélien Mole Courtesy artiste et Sans titre (2016)
Vue de l'exposition Martin Belou, Foyer, du 06 juin au 25 juillet 2020, Sans titre (2016), Paris
Vue de l’exposition Martin Belou, Foyer, du 06 juin au 25 juillet 2020, Sans titre (2016), Paris Photo Aurélien Mole Courtesy artiste et Sans titre (2016)
Vue de l'exposition Martin Belou, Foyer, du 06 juin au 25 juillet 2020, Sans titre (2016), Paris
Vue de l’exposition Martin Belou, Foyer, du 06 juin au 25 juillet 2020, Sans titre (2016), Paris Photo Aurélien Mole Courtesy artiste et Sans titre (2016)
Martin Belou, Carte à gratter, 2020, paper, pine tar, 21x14,5 cm, unique
Martin Belou, Carte à gratter, 2020. Paper, pine tar, 21 x 14,5 cm, unique
Photo Aurélien Mole Courtesy artiste et Sans titre (2016)

MARTIN BELOU – BIOGRAPHIE

Martin Belou est né en 1986 à L’Union, France.
Il vit et travaille entre Marseille et Bruxelles.
Il a récemment participé aux programmes de résidence Triangle à Marseille, Aguas Del Dià au Mexique, EUROPALIA en Indonésie et au CAC Parc Saint-Léger à Pougues-les-Eaux.
Martin Belou a été diplômé en 2009 de l’École Nationale Supérieure d’Art de Clermont Métropole.
Son travail a été présenté dans le cadre d’expositions personnelles à La Tôlerie à Clermont-Ferrand (2019), chez Bastide Projects à Marseille (2019), au CIAP Kunstverein à Hasselt (2018) ou encore chez Levy-Delval à Bruxelles (2017). Martin Belou a participé à de nombreuses expositions de groupe comme cette année dans ‘Futur, ancien, fugitif – Une scène française’ au Palais de Tokyo (2019), à BOZAR à Bruxelles dans l’exposition ‘Natural Capital (Model Alam)’ (2017), au Confort Moderne à Poitiers dans ‘Feed me with your kiss’ (2017), au centre d’art de la Villa Arson à Nice dans ‘RUN RUN RUN’ (2016), chez Deborah Bowmann à Bruxelles dans ‘Les fausses dents du prince’ (2016) mais aussi à New York chez Johannes Vogt dans l’exposition ‘Friendly Faces’ (2015).
Martin Belou fera l’objet d’expositions personnelles au Kunsthalle de Gand en Belgique ainsi qu’à la galerie Bernier Eliades à Bruxelles en 2020.

Photos et vidéos Instagram : Martin Belou (@studiobelou)

Sans titre (2016)
33 Rue du Faubourg Saint-Martin, 75010 Paris

https://www.sanstitre2016.com