FOCUS/ Raphaël Tachdjian, dessins à la pierre noire et graphite

FOCUS/ Raphaël Tachdjian, dessins à la pierre noire et graphite

Focus sur les dessins à la pierre noire et graphite de Raphaël Tachdjian.

Les dessins à la pierre noire et graphite sur papier de Raphaël Tachdjian plongent le spectateur dans un profond trouble car ils mettent en scène la sauvagerie du monde de l’enfance, sa violence et sa curiosité indécente. Raphaël Tachdjian nous parle d’une enfance qui contient déjà les germes de la mutinerie, de la prise de pouvoir sur l’adulte. Se joue une confrontation entre deux mondes, qui portent un regard faussé, si ce n’est mensonger, l’un sur l’autre. Non les parents ne sont pas exemplaires et les enfants ne sont pas innocents. Par ses cadrages cinématographiques et l’utilisation d’un noir profond, l’artiste nous fait ressentir et deviner plus qu’il nous montre, il active notre sens de l’alarme et notre imagination, nous fait entrevoir ce qui pourrait être un fait divers se déroulant tout près de nous.

Propos de Raphaël Tachdjian recueillis le 24 octobre 2015 lors de la YIA Art Fair sur le stand de la School Gallery :

« J’ai commencé ce travail sur la « série des noirs », des dessins réalisés à la pierre noire, en 2013. J’étais en voyage à New-York cette année-là quand il y a eu le tragique accident ferroviaire de Lac-Mégantic à Quebec. Un train de marchandise a explosé à proximité d’une ville provoquant de gros dégâts. La presse en parlait beaucoup aux États-Unis.  La première fois que j’ai vu une image de la catastrophe,  j’ai dû, comme cela m’arrive souvent, capter l’image sur le journal de quelqu’un à côté de moi et j’y ai vu des enfants qui jouaient sur un train en feu. En réalité, il s’agissait de pompiers en train du lutter contre l’incendie. J’ai repensé au film ¿Quién puede matar a un niño? réalisé par Narciso Ibáñez Serrador, sorti en 1976, que j’avais vu lorsque j’étais gamin et qui m’avait profondément marqué. Ce film raconte l’arrivée d’un couple de touristes sur une île dominée par des enfants violents qui ont tué tous les adultes. J’ai commencé à faire des dessins d’émeutes en extérieur avec des enfants.

J’ai poursuivi la série en montrant des enfants un peu plus déviants avec des scènes d’intérieur liées au sexe et à la violence. De petit format carré, ces dessins imposent aux spectateurs de s’approcher pour en saisir les détails. En général, il se passe quelque chose entre un garçon et une fille, mais ce peut être entre deux garçons ou deux filles. Les thématiques renvoient aux rites de passage entre l’enfance et l’âge adulte, celles de la découverte des sentiments, des humeurs. L’initiation se fait par la violence, le feu, la découverte du sexe.

Les enfants représentés sont souvent de dos et sont, par un effet de mise en abime, eux-mêmes spectateurs. Nous-mêmes devant le dessin, nous regardons les enfants qui regardent. Je montre ainsi, que si nous sommes voyeurs de leur monde, ils le sont tout autant du monde des adultes.

Mes dessins représentent une révolte de l’enfant face à ses parents. Elle passe par une prise de conscience sur sa propre condition et une forme d’accusation vis à vis de ses parents : « regarde ce que tu as fait de moi ».  Un moment qui se traduit par la prise de pouvoir de l’enfance. On retrouve cette thématique dans les films d’horreur où une civilisation dite évoluée vient réveiller une civilisation plus primitive. Dans mes dessins on peut ressentir cette colère de l’enfant et, même s’il n’est jamais représenté, l’adulte qui en est la victime.

Si l’on regarde attentivement les dessins, on s’aperçoit que certains enfants se retrouvent de dessin en dessin mais aussi certains bouts de décor. Je travaille beaucoup sur l’idée de contamination. Ce peut être un motif comme une fenêtre, une attitude presque similaire, un même personnage. Ces présences répétées, même si elles sont difficilement détectables, accentuent aussi ce caractère cinématographique propre à mes dessins.

Je travaille beaucoup à partir de photos de films dont je retravaille certaines scènes afin qu’elles correspondent à des situations fantasmées, des souvenirs que j’ai en tête. Je n’ai pas une volonté de choquer et je laisse libre à chacun d’avoir sa propre lecture de l’image. Je joue sur l’ambiguïté en créant des anomalies sur les parties sombres du dessin. Les gens peuvent imaginer qu’il se passe de choses sans arriver à les voir vraiment. Certains détails alimentent cette ambiguïté, la confusion par exemple entre un détail et une jambe. Ces détails, selon l’imagination du spectateur, tirent l’histoire dans un sens ou un autre. »

 

Raphaël Tachdjian, La dernière fois que je l'ai vu...#2, dessin pierre noire sur papier, 2013
Raphaël Tachdjian, La dernière fois que je l’ai vu…#2, dessin pierre noire sur papier, 2013 Courtesy School Gallery Paris

 

Raphaël Tachdjian, sans titre 859, dessin pierre noire et graphite sur papier, 2015
Raphaël Tachdjian, sans titre 859, dessin pierre noire et graphite sur papier, 2015 Courtesy School Gallery Paris

 

Raphaël Tachdjian, Quand elle fait sa profonde, dessin pierre noire et graphite sur papier, 2015 Courtesy School Gallery Paris
Raphaël Tachdjian, Quand elle fait sa profonde, dessin pierre noire et graphite sur papier, 2014 Courtesy School Gallery Paris

Raphaël Tachdjian
Né en 1985, vit et travaille à Paris. 
Raphaël Tachdjian est représenté par School Gallery Paris.

Visuels tous droits réservés artiste et galeriste.