Lucile Kessil au Faubourg des Jeunes Artistes

Lucile Kessil au Faubourg des Jeunes Artistes

Diplômée et Félicitée de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris en 2016, Lucile Kessil  s’installe à Bruxelles en 2017 pour y poursuivre sa pratique picturale. Pour la deuxième exposition du Faubourg des Jeunes Artistes (FJA), le nouveau projet de la Galerie Le Feuvre & Roze au 178 rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris, elle présente Débordement.

Comment a évolué ta recherche au cours de tes années d’études aux Beaux-Arts de Paris ?

Avant même d’y rentrer j’ai fréquenté les Beaux-arts, suivant en auditeur libre les cours d’anatomie de Mr P. Comar et les séminaires ouverts au public. Il m’a fallu du temps pour m’autoriser à considérer qu’il était possible de faire des études artistiques, puis cela c’est imposé; les Beaux-Arts m’ont permis de noyer dans la masse une singularité qui jusque-là pouvait m’apparaître marginale, en somme j’y ai trouvé une place ainsi que des paires aux préoccupations et aspirations communes.
Le cadre fantastique et privilégié des Beaux-arts de Paris donne une liberté nous permettant d’être nous-mêmes ainsi que d’avoir accès à des enseignements d’une grande richesse qui nourrissent notre pratique tant d’un point de vue formel qu’intellectuel.
Pour revenir à votre question, dès mon entrée et jusqu’en troisième année je peignais, de manière compulsive, des portraits familiers ou d’inconnus tirés de photographies personnelles ou d’images chinées dans les réseaux sociaux et les magazines avec déjà cette préoccupation de dépeindre une époque. Je me suis par la suite distanciée de ces figures singulières pour les englober dans des symboliques plus larges aux métaphores polysémiques mais toujours autour de la question de ce que cachent les apparences premières.

Comment décrirais-tu ton travail de peinture, tes influences et que cherches-tu à exprimer à travers ce médium ?

À mes yeux le travail de la peinture est introspectif. Qu’il soit question de figuration ou d’abstraction, tout part d’un questionnement, d’une fascination puis d’un espace neutre sur lequel apparaît la nouveauté d’un monde à la fois commun et personnel.
Mes influences sont multiples car à la croisée d’une peinture classique, à laquelle je voue un respect sans bornes, et de l’art moderne, qui a libéré le sujet comme la technique. Si je devais m’aventurer à citer quelques artistes ayant jalonné mon parcours, ce qui n’est pas aisé, je parlerai certainement de Courbet, de J. S. Sargent, de F. Pelez, de. Vuillard, du Le bon Samaritain d’Am Oreau, de Friant pour arriver à Bacon, à Wieth, à Garouste et à Ghenie que j’affectionne particulièrement, mais la liste de mes amours est trop longue et ce qui me touche chez ces artistes, n’est pas pour autant ce vers quoi je me dirige…
Jusqu’à présent j’ai gardé la technique d’une peinture classique jumelée aux sujets contemporains de l’ère dans laquelle je m’inscris.

La peinture est pour moi un témoignage du temps celui d’un regard à la fois introspectif et global.

J’évoque souvent pour décrire ma peinture les notions de temps et de civilisation car créer des passerelles à travers l’histoire me passionne, voyant l’évolution de l’humanité comme un cycle en perpétuelle répétition. Je peins ce que je nomme des instants car quelque part ce n’est pas le mouvement qui m’intéresse mais l’entre deux de celui-ci, ce moment en suspend qui questionne l’avant et l’après, qui amène à prendre le temps de voir ce qui passe sous nos yeux trop rapidement et nous échappe. La sculpture, par son aspect statique et pourtant expressif, répond à cette attente et me permet d’évoquer cette notion de l’intemporel et du symbolique, tout comme les objets Vies silencieuses (nature mortes et vanités) qui sont devenus pour moi des portraits à part entière, illustrant nos intentions, nos actes et sentiments ouvrants également leurs lectures à un champ sémantique plus vaste.

Plus particulièrement, pour cette exposition Débordement j’ai choisi un ensemble d’œuvres de ces trois dernières années.
Chaque tableau ou série possède son histoire propre, pourtant ils partagent cette même thématique sociétale. Ainsi Débordement est un regard générationnel qui met à jour les strates de notre époque. L’entrée de l’exposition se fait par des sujets de l’ordre des apparences, des Jeux de société au sens large pour nous entraîner au sous-sol vers leurs soubassements. Fondations d’une histoire que ma génération ne connaît que par l’image et les témoignages de ces aïeux, proches et lointains, mais dont les marques sont encore vives. Histoire qui rejaillit, se répète de nos jours sous d’autres formes nous faisant ainsi brutalement sortir d’un état temporaire de confort et de sécurité. De plus, de tout temps, c’est bien la première fois que la jeunesse voit son monde menacé par un « Global Warming » remettant en question son futur et sa manière de s’y projeter. L’incertitude créée entraîne un rapport différent au temps, amenant une relecture de la première partie de l’exposition et invitant les visiteurs à reconsidérer la superficialité des apparences comme cachant la nécessité plus profonde d’une quête d’équilibre de l’ordre de la survie, purement ancrée dans un présent et une matière empreinte de charnelle.

Qu’est-ce qui a motivé ta participation au Faubourg des Jeunes Artistes ?

Cette proposition d’exposition au Faubourg des Jeunes Artistes, est arrivée à point nommé m’offrant non seulement une respiration, dans cette année fort accaparante où la peinture n’a pu s’exprimer autant que souhaité, mais elle est surtout l’occasion de donner corps à une recherche qui prend ici tout son sens.

Propos de Lucile Kessil recueillis par Valérie Toubas et Daniel Guionnet © 2019 Point contemporain

Lucile Kessil , "Entre temps", 2017, technique mixte et feuilles doré sur toile, 160x130 cm - D'après le luminaire d'Ingo Maurer "Porca miseria"
Lucile Kessil , Entre temps, 2017, technique mixte et feuilles doré sur toile, 160×130 cm – D’après le luminaire d’Ingo Maurer « Porca miseria »
Lucile Kessil, Torchon de peintre, 2016. Série Vies silencieuses. Technique mixte sur toile de lin, 41x33 cm.
Lucile Kessil, Torchon de peintre, 2016. Série Vies silencieuses. Technique mixte sur toile de lin, 41×33 cm.
Lucile Kessil, Perspective, 2017. Série Jeux de sociétés. Huile sur toile, 27x16 cm.
Lucile Kessil, Perspective, 2017. Série Jeux de sociétés. Huile sur toile, 27×16 cm.

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