GHISLAINE PORTALIS, DÉTOURNEMENTS ET CONTOURNEMENTS

GHISLAINE PORTALIS, DÉTOURNEMENTS ET CONTOURNEMENTS

Vue de l’exposition Détournements et contournements de Ghislaine Portalis, Hôtel de Tingry, Ménerbe – Crédit photo : Grégoire Vieille

EN DIRECT / Exposition Détournements et contournements de Ghislaine Portalis
Jusqu’au 20 août 2021, Hôtel de Tingry, Ménerbe, Vaucluse
Curatrice : Kamila Régent

par Pauline Lisowski

Ghislaine Portalis développe un univers artistique dans lequel elle associe une relation au toucher et des échos à l’histoire de l’art. L’artiste prend appui sur les lieux pour développer sa création et réinterprète notamment des œuvres ainsi que des objets datant du 18e siècle. Sa pratique artistique s’inscrit dans une quête du féminin.

Invitée à exposer dans l’hôtel de Tingry, chargé de souvenirs, de présences, de personnes qui l’ont habité et ont vécu des moments de partage, l’artiste répond à ce lieu par ses sculptures, œuvres sur papier et sur toile. Dans l’entrée, ses chapeaux piqués par de milliers d’épingles ont des formes ambiguës douces et piquantes. En associant objets de beauté, de parure et éléments pointus, elle nous invite à penser aux deux facettes de la femme, à la fois forte et fragile. Ses œuvres apparaissent telles des métamorphoses de formes mi animale, mi-végétale, mi-humaine. Au mur, ses grands dessins sur papier Arche présentent des attributs de Marie-Antoinette associés à des objets contemporains liés à la cuisine. Ses œuvres rappellent également le format de tapisserie ou de très grandes peintures qui décorent les belles demeures.

La présence féminine a marqué cette maison du 18e siècle. Ce qui inspire Ghislaine Portalis dans son travail raffiné, d’une grande finesse, qui s’accorde de façon subtile dans chacune des pièces. À la manière d’un cabinet de curiosités et sous la bienveillance de la commissaire d’exposition Kamila Régent, elle a inséré ses œuvres dans les meubles, en modifiant quelques peu l’atmosphère de cette maison. Quoi de plus inspirant pour une artiste que ce lieu historique, perché sur les hauteurs du village de Ménerbe ? Chaque pièce est décorée avec soin, investie par des œuvres issues d’une collection. Celles de l’artiste paraissent faire partie de ce lieu depuis longtemps et se découvrent comme des sculptures ou des objets transformés, entre le domestique et le sauvage, entre la parure et l’impossibilité d’être utilisé. Elle interprète des gravures de perruques qui illustrent des planches de Diderot et d’Alambert et crée des œuvres invitant à imaginer des formes nouvelles. Ses grands papiers sont également piqués avec une aiguille : des œuvres qui apparaissent à la lumière. Des globes gravés renfermant des fourrures nous intriguent tout en nous invitant à nous approcher et à inventer toutes sortes d’histoires. L’artiste confronte des attributs féminins à la finesse de la porcelaine de Sèvres. Certaines de ses sculptures font écho au service de la laiterie de Rambouillet.

Dans la cuisine, elle glisse dans une armoire une série de peintures acryliques sur toiles ovales, présentant des coquillages et s’apparentant à des fragments de corps humains. Certaines aux lignes fluides ponctuent aussi les murs. Tels des médaillons, ses peintures font référence aux tambours de broderie. Sur un meuble bas, l’artiste oppose la douceur de soliflores à des couteaux tranchants. De nombreuses sensations fortes peuvent émerger en nous. Ghislaine Portalis nous amène alors à songer à l’évolution du statut de la femme, de la maîtresse de maison à son émancipation.
Elle utilise le noir et le rose, deux couleurs contrastées qui mettent en évidence la possibilité d’un entre deux, féminin / masculin. Ses œuvres, qu’elle nomme Trophées jouent sur un mouvement entre ouverture et fermeture, caché et dévoilé. Teintées d’un certain érotisme, elles nous font songer à notre désir de voir et de comprendre les matières. Etranges tout en étant attirantes et familières, ses sculptures, assemblages de bandes de papier granuleux rose et d’objets féminins pour soigner la chevelure semblent être issues d’une nouvelle ère. Elles provoquent une sensation entre l’attraction et la répulsion. Ghislaine Portalis nous amène à aiguiser notre regard afin de saisir les formes, qui ouvrent les voies vers d’autres mondes.

Dans le salon, elle transforme la bibliothèque en proposant un nouvel ordonnancement, ne donnant à voir que les livres à la couverture rose, clin d’œil à la littérature destinée aux filles. Un service de table, Festin, entièrement brodé nous attire tout en provoquant une sorte de crainte. L’artiste met en lumière les savoir-faire traditionnels tout en nous amenant à nous interroger sur la part de masculin dans le féminin et inversement. Elle rend hommage à la vie des ouvrières de la maison et porte un intérêt particulier pour les matières et les techniques traditionnelles.

Ainsi, l’époque du 18e siècle des salons et des Lumières est incarnée tout en étant finement interprétée. Ses œuvres, inscrites dans ce lieu au décor choisi avec soin, nous font songer à la vie quotidienne et nous invitent à considérer avec plus d’attention les relations entre arts plastiques et arts décoratifs.

Pauline Lisowski

Vue de l'exposition Détournements et contournements de Ghislaine Portalis, Hôtel de Tingry, Ménerbe - Crédit photo : Kamila Régent
Vue de l’exposition Détournements et contournements de Ghislaine Portalis, Hôtel de Tingry, Ménerbe – Crédit photo : Grégoire Vieille
Vue de l'exposition Détournements et contournements de Ghislaine Portalis, Hôtel de Tingry, Ménerbe - Crédit photo : Kamila Régent
Vue de l’exposition Détournements et contournements de Ghislaine Portalis, Hôtel de Tingry, Ménerbe – Crédit photo : Grégoire Vieille
Vue de l'exposition Détournements et contournements de Ghislaine Portalis, Hôtel de Tingry, Ménerbe - Crédit photo : Kamila Régent
Vue de l’exposition Détournements et contournements de Ghislaine Portalis, Hôtel de Tingry, Ménerbe – Crédit photo : Grégoire Vieille
Vue de l'exposition Détournements et contournements de Ghislaine Portalis, Hôtel de Tingry, Ménerbe - Crédit photo : Kamila Régent
Vue de l’exposition Détournements et contournements de Ghislaine Portalis, Hôtel de Tingry, Ménerbe – Crédit photo : Grégoire Vieille
Vue de l'exposition Détournements et contournements de Ghislaine Portalis, Hôtel de Tingry, Ménerbe - Crédit photo : Kamila Régent
Vue de l’exposition Détournements et contournements de Ghislaine Portalis, Hôtel de Tingry, Ménerbe – Crédit photo : Grégoire Vieille
Vue de l'exposition Détournements et contournements de Ghislaine Portalis, Hôtel de Tingry, Ménerbe - Crédit photo : Kamila Régent
Vue de l’exposition Détournements et contournements de Ghislaine Portalis, Hôtel de Tingry, Ménerbe – Crédit photo : Grégoire Vieille
Vue de l'exposition Détournements et contournements de Ghislaine Portalis, Hôtel de Tingry, Ménerbe - Crédit photo : Kamila Régent
Vue de l’exposition Détournements et contournements de Ghislaine Portalis, Hôtel de Tingry, Ménerbe – Crédit photo : Grégoire Vieille
Vue de l'exposition Détournements et contournements de Ghislaine Portalis, Hôtel de Tingry, Ménerbe - Crédit photo : Kamila Régent
Vue de l’exposition Détournements et contournements de Ghislaine Portalis, Hôtel de Tingry, Ménerbe – Crédit photo : Grégoire Vieille