LOUISA MARAJO

LOUISA MARAJO

Louisa Marajo, Into the wave, 2020. Crayon sur papier, 190 x 133 cm © Louisa Marajo, courtesy Galerie Dix9 Hélène Lacharmoise

ENTRETIEN / Louisa Marajo

par Point contemporain

« Un artiste est quelqu’un qui sait son « impuissance »
mais qui essaye de faire quelque chose avec ses moyens. »

Louisa Marajo nous donne à voir en toute sincérité l’élaboration des œuvres dans l’atelier, les matériaux et les outils qu’elle emploie. Ses recherches sur les relations entre les formes se font à l’échelle de son propre corps et de son expérience personnelle. Son processus de création, tout aussi important que les œuvres finies, nous emmène par périodes sur des versants, parfois colorés, ou au contraire très sombres, épurés ou si denses qu’ils tendent à multiplier leur caractère poétique pour aborder aussi, plus frontalement, des questions structurelles. Elle nous entraîne dans son itinéraire d’artiste qui brasse dessin, photographie, peinture, installation dans une réflexion qui mêle des pensées d’écrivains ainsi que celles d’artistes qui ont pensé la spatialisation des formes et leurs relations sans jamais perdre de vue le monde dans lequel ils vivaient. Comme eux, Louisa Marajo nous aide à comprendre que ce monde n’existe qu’au travers d’un chaos, l’expression d’une multiplicité, et d’une complexité.

Qu’est-ce que tu voulais exprimer en devenant artiste ?

Dès l’adolescence, j’ai créé un lien entre peindre et faire du sport. Deux activités vitales pour moi. Ce besoin de transpirer, au sens propre comme au figuré est le sens de mon travail. Un artiste transpire un monde, c’est-à-dire le façonne et le partage. Le rapport au corps et à l’espace est très important dans ce que je donne à voir. Travailler sur des installations, faire du dessin ou de la peinture sur de grands formats, sont des activités que je qualifie de physiques car elles m’engagent dans des constructions mettant en jeu corps, espace et énergie. Soutenue par ma famille, j’ai quitté la Martinique pour intégrer en 2005 l’École des beaux-arts de Saint-Étienne pour y affirmer une activité de peintre avec des enseignants tels Denis Laget et Rémy Hysbergue. Pendant cinq ans, j’ai eu une pratique de peinture abstraite sans forcément relier ce travail à mes origines caribéennes. J’avoue que cela ne m’avait jamais traversé l’esprit même si je perçois maintenant des liens et que j’en parlais inconsciemment. À cette période, j’ai également passé quatre mois en échange Erasmus en Allemagne dans la classe de Silvia Bächli, une artiste que j’avais choisie parce qu’elle travaille sur les lignes, la mémoire et sur la distance, le vide entre les éléments. J’ai compris avec elle que le silence pouvait être un vecteur de narration et de relation. Les écrits d’Edgar Morin sur l’interdépendance des éléments m’ont également beaucoup inspirée à ce moment. Ma réflexion s’est portée sur cet « inter » qui ne se réduit pas à un « entre » ou à un « et » mais qui renvoie à un « avec ». Tout mon travail parle de ce qui est complexe, ce qui est lié, tissé ensemble, mais dans la différence construite. J’ai axé mes recherches picturales aux Beaux-Arts sur des lignes et surfaces de formes qui se répondaient dans l’espace et dans la temporalité, un travail qui s’est développé au fil des années.

Une recherche que tu évalues de manière régulière et dont tu fais le récit par la photographie et en peinture…

J’ai toujours été attentive à ce qui se passe dans l’atelier en le traversant, en déambulant dedans, tel un paysage. J’ai commencé à documenter mon travail en faisant des prises de vues de l’atelier, mais aussi de détails d’œuvres, ce qui me permet de les déployer dans l’espace. Si au début je gardais ces photographies pour moi, je les ai ensuite intégrées dans mon travail afin de créer des jeux de construction de formes. Elles sont devenues un matériau en tant qu’image possible. J’ai aussi peint mes propres outils de travail, pinceau, palette de peintre ou encore un marteau, avec cette idée que tout se déconstruit et se reconstruit dans le travail d’artiste. Reraconter à travers les œuvres ce que je fais peut paraître un peu tautologique, mais cela concourt surtout à définir un cheminement de création, à montrer le faire et son évolution, et à entrer dans une « profondeur de poésie » (Glissant).

Un entretien à lire dans son intégralité dans la revue Point contemporain #18 – Septembre-Octobre-Novembre 2020

LOUISA MARAJO – BIOGRAPHIE
Née en 1987 en Martinique
Vit et travaille en région parisienne
Master 2 Arts visuels, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (2012) 
DNSEP Art – École supérieure d’Art et Design de Saint-Étienne (2010)
Classe de Silvïa Bächli – Académie des beaux-arts de Karlsruhe (2009)
www.louisamarajo.com

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Dream pallet 2, 2019 Technique mixte sur bois et pinceau, 115 x 93 x 13 cm © Louisa Marajo, courtesy Galerie Dix9 Hélène Lacharmoise
Dream pallet 2, 2019 Technique mixte sur bois et pinceau, 115 x 93 x 13 cm © Louisa Marajo, courtesy Galerie Dix9 Hélène Lacharmoise
Poésie accidentelle, 2013. Collage, 24 x 32 cm © Louisa Marajo, courtesy Galerie Dix9 Hélène Lacharmoise
Poésie accidentelle, 2013. Collage, 24 x 32 cm © Louisa Marajo, courtesy Galerie Dix9 Hélène Lacharmoise