Élisa Florimond, Etendue 02 (2022)

Élisa Florimond, Etendue 02 (2022)

Élisa Florimond – Traîner un pied, 2022, 25 x 10 x 120 cm. plâtre, stuc pierre © Élisa Florimond

FOCUS / Élisa Florimond, Etendue 02 (2022), dans le cadre de l’exposition Les Vagues, jusqu’au 1er juillet 2023, L’Onde Théâtre Centre d’Art, Vélizy-Villacoublay

Négatif

La sculpture et la photographie partagent cette étrange qualité de se faire un art du négatif ou de la contreforme. Il s’agit, dans un cas, d’un travail sur l’écriture de la lumière et, dans l’autre, d’un jeu qui se situe entre le vide et le plein, lequel doit permettre de produire le volume. C’est aussi un travail de l’empreinte entre ce qui peut rester et ce qui va apparaître. En travaillant cette nouvelle programmation, et notamment Etendue 02, l’artiste Elisa Florimond prend à son compte le dialogue possible de l’endroit et de l’envers, d’une forme et de son contraire, laquelle est mise en lumière ou plutôt dans le cas présent, placé sous l’éclairage des musées.

Etendue 02 poursuit, on pourrait s’en douter, Etendue 01 réalisé en 2021 et présenté dans l’exposition Felicita, au milieu des choses à Poush Manifesto. A cet endroit, le travail d’Elisa Florimond se construit entre collection et combinaison entre montage et assemblage, et cela dans le but « d’élaborer des rapprochements subjectifs » comme nous l’énonce l’artiste. De fait le travail de collecte peut se faire depuis le cinéma (pour les images) jusqu’aux formes vivantes dans le cas du monde végétal, matériau qu’elle utilise parfois en correspondance avec des artefacts. Dans son texte à propos de l’installation Orbes, Anne-Laure Peressin écrit ceci « Elisa Florimond provoque de nouveaux rapport de correspondance et de causalité en précipitant l’altération autonome d’un fruit ou d’une matière métallique. » De fait, pour Etendue 02 c’est l’absence que l’artiste semble précipiter. Elle utilise ici les socles vidés des objets qui l’habitent et cela pour évoquer l’objet et son négatif. A la manière d’un réceptacle parvenu hors du temps, elle fait parler l’objet depuis son manque et sa disparition.

Un même sentiment émane de l’œuvre Trainer un pied (2022) dans lequel l’extrémité de la jambe apparaît, laissant son corps comme le reste du membre in absentia. Le travail sur la vitrine que l’artiste engage pour cette nouvelle production évoque également cette notion de copie de la forme, cette contreforme visible depuis son support. A la manière d’un dessin ou d’un contour, l’artiste nous donne à lire sa sensibilité de l’approche muséal, dont la vitrine est, très probablement, l’un des supports les plus emblématique. Par le contour se dessine aussi le souvenir, ce qui va constituer l’approche d’une limite extérieure, entre le négatif et le positif de l’objet. Un regard appuyé nous rappelle également ce qui a constitué la naissance du dessin et son mythe fondateur. La permanence de l’absence face au corps et ses empreintes, ses moulages ou le simple découpage de sa forme. Il y a ici dans ces travaux la persistance de la forme et son empreinte tel que présenté par Pline l’Ancien. Il s’agit de l’histoire de Dibutadès, fille du potier de Sicyone, qui souhaite immortaliser les traits du visage de son prétendant au fusain. Au moment où celui-ci s’inscrit et se forme, le corps de l’amant s’est déjà retiré.

– Léo Guy-Denarcy