ENTRETIENS SUR L’ÉDITION
Kontakt #50 – AA Bronson, mars 2021, un projet édité par par Alex Chevalier
Les livres d’artistes (nous entendons par livres d’artistes toutes publications – poster, carte postale, ephemera, livre, timbre, etc. – réalisées par un-e artiste et appréhendée comme œuvre à part entière et non comme un support servant à la reproduction d’un travail réalisé sous une autre forme), ont connu une véritable révolution et une prolifération dans le courant des années 1960, ainsi qu’au début des années 1970; une période durant laquelle activisme social et politique ont conduit les artistes à repenser leurs pratiques et à trouver des formes artistiques répondant à un désir de démocratisation de l’art (rendre l’objet artistique plus facilement accessible à toutes et tous), et de dématérialisation du travail, le tout animé par un souhait de contourner les règles du marché artistique.
C’est également à cette période que nombre d’artistes, animé-e-s par ce désir d’indépendance vis-à-vis du marché de l’art (système marchand comme pratiqué par les galeries et les musées) vont créer leurs propres structures de monstration. Progressivement, les artistes vont délocaliser leurs pratiques en intervenant dans l’espace public par le biais de performances et de happenings, ce qui a pour effet immédiat de créer une forme de contact direct avec le public. C’est également à ce moment-là que nombre d’entre eux-elles trouvent une alternative aux systèmes de monstrations classiques, dans la mise en place de projets éditoriaux indépendants. Et si le désir premier de démocratisation du travail artistique et de contournement du système marchand s’est révélé être un échec, il n’empêche qu’une véritable révolution artistique s’est opérée, et que cette dernière est toujours aussi active aujourd’hui, voire plus encore.
Cinquante années plus tard et quelques milliers de publications d’artistes après, les pratiques de l’édition connaissent un essor sans précédent, un nouvel âge d’or. En effet, puisque d’une part de plus en plus de structures permettent leurs diffusions (que ce soit des librairies, des galeries, mais surtout des éditeurs-trices spécialisé-e-s), et de l’autre, de plus en plus de lieux de collections ou d’expositions entièrement dédiés à ces pratiques voient le jour. Ce à quoi s’ajoute la multiplication des salons dédiés aux éditions d’artistes au cours de ces quinze dernières années. Par ailleurs, il est également intéressant de noter que de nombreux-euses artistes créent leurs propres canaux de production et de diffusion par l’intermédiaire de structures éditoriales qu’ils-elles dirigent et grâce auxquelles ils-elles éditent leur travail, mais aussi celui d’autres artistes. Des artistes éditeurs-trices qui ont fait de la pratique éditoriale leur travail artistique. Un changement de position et un attrait grandissant qui s’expliquent bien évidemment par les multiples possibilités de diffusion qu’offre ce médium, ainsi que par les différentes relectures de l’histoire que nous connaissons et qui nous sont proposées depuis une vingtaine d’année, mais pas que.
Entretiens sur l’édition naît de cette envie de comprendre, mais surtout d’échanger avec des acteurs-trices du monde de l’édition. Échanger autour de questions que je me pose quant à ma pratique, mais aussi de l’intérêt et de la place de l’édition dans les pratiques contemporaines. Ainsi, différentes personnalités aux profils très variés les uns des autres – collectionneurs-euses, artistes, libraires, historiennes, commissaires d’expositions, éditeurs-trices, etc. – ont été invité à répondre aux questions, que je leur pose quant à leurs activités, leurs expériences, leurs approches, etc. l’occasion de partager ensemble un regard et un avis sur des questions qui motivent ces pratiques.
Alex Chevalier, octobre 2021
