AURÉLIA JAUBERT, FAIRE TAPISSERIE

AURÉLIA JAUBERT, FAIRE TAPISSERIE

Aurélia Jaubert, Penelope painting, 2020 ©aurélia jaubert

EN DIRECT / Exposition « Faire tapisserie » Aurélia Jaubert,
jusqu’au 29 août 2021, Manufacture de Roubaix
par Ilaria Greta De Santis

Pendant que la plupart d’entre nous s’attelle au couper et coller des milliers d’images digitalisée que nous offre internet, une artiste sort ses ciseaux de broderie et sa machine à coudre pour re-matérialiser le monde.

Aurélia Jaubert a un parcours atypique, elle a bien fréquenté l’École des Beaux-Arts de Paris, mais lorsqu’elle n’était qu’une jeune enfant. C’est dans la période de Mai ’68 que ses parents, comme tant d’autres, se rallient pour créer des lieux de garde, des « crèches sauvages » installées, entre autres, dans les locaux de l’École des Beaux-Arts et ayant pour but le « bien-être de l’enfant ». L’artiste fait partie de la poignée de chanceux qui fréquentent cette crèche éphémère, tirent la langue aux modèles pendant les cours d’anatomie et jouent sur des sculptures que les professeurs créent pour eux.

Cette expérience marque la mémoire d’Aurélia Jaubert qui, jeune femme, quitte les infinies bibliothèques de la maison familiale, pour se lancer dans la photographie, puis dans la réalisation de films, la co-écriture de scénarios, l’enseignement, la peinture des décors de film,.. et la tapisserie.

L’exposition d’Aurélia Jaubert, « Faire Tapisserie », idéalement installée à La Manufacture de Roubaix, musée dédié à la « mémoire de la création textile », fait dialoguer ses créations contemporaines avec le cadre authentique d’une usine créée en 1914 et spécialisée dans la fabrication de tissus d’ameublement. Cadencés par le bruit de ses machines d’époque, vos pas vous amèneront à la découverte de quatre tapisseries d’Aurélia Jaubert, mais également à d’autres séries comme celle consacrée au tissage de bandes de VHS. L’exposition est enrichie par les créations d’autres artistes: Clarence Guena, Benoit Jammes, Paul Yore et Emmanuelle Villard, qui ont exploré ce médium à l’allure d’antan, douce et rangé, pour en faire quelque chose d’inattendu.

Le choix de la tapisserie, pour Aurélia Jaubert, est fortement lié à la propension tactile de l’artiste qui fait partie de ceux qui, en cachette, touchent les oeuvres d’art dans les Musées, pour s’assurer qu’elles existent vraiment et créer un lien. Avec les gestes amoureux d’une mère, Aurélia Jaubert, lisse aussi ses créations et en retire les fils qui dépassent.

Ses immenses « fresques » brodées, qui peuvent aller jusqu’à 4 mètres de largeur et plus de 2 mètres de hauteur, nécessitent entre 5 et 6 mois de création, et sont le résultat de l’assemblage de plusieurs morceaux de canevas. Épinglées en phase préparatoire puis cousues ensemble, ces toiles à tissage utilisées comme support pour différentes tapisseries à l’aiguille, s’unissent pour créer un chemin sur lequel se dressent une multitudes d’histoires, comme des milliers de galaxies riches en mystères.

Des oeuvres crées pour le plaisir de l’artiste, qui deviennent un condensé d’histoire de l’art et de culture pop; entre les princesses Disney et la Nuit Etoilée de Van Gogh, les vues de Venise et les poupées égorgées, la chasse à Cour et Tintin, nous assistons à une forme de résistance à l’efficacité de la machine, à une réinvention de l’esthétique contemporaine.

L’utilisation de l’art textile, un art « doux » comme l’indique son nom en anglais « soft art », pour créer une oeuvre collective qui raconte, avec douceur et délicatesse des histoires parfois sombres, dans lesquelles chacun peut se reconnaître. Ce séduisant et

bariolé test de Rorschach, s’inscrit dans une iconographie ludique et nous invite au jeu, « que vois tu en premier? Sauras-tu voir ce détail? » Cela amène à une confusion entre art et vie, ce qui implique un dépassement de l’art même.

Le canevas dans le théâtre italien, est une trame générale qui schématise les lignes principales du scénario, le reste de la pièce ne tient qu’à l’improvisation des acteurs, à leur capacité d’être « vrai » dans leurs émotions. Saurez-vous en faire autant face aux oeuvres d’Aurélia Jaubert ?

Ilaria Greta De Santis

Aurélia jaubert, Vincent, Gustave, Sandro et les autres, 2021 © Aurélia Jaubert
Aurélia jaubert, Vincent, Gustave, Sandro et les autres, 2021 © Aurélia Jaubert
Aurélia Jaubert, Nativité, 2019, ©Aurélia Jaubert
Aurélia Jaubert, Nativité, 2019, ©Aurélia Jaubert
Aurélia Jaubert, Nativité, 2019 © Aurélia Jaubert
Aurélia Jaubert, Nativité, 2019 © Aurélia Jaubert
Aurélia Jaubert, Collection grands maitres, 2020 © Aurélia Jaubert
Aurélia Jaubert, Collection grands maitres, 2020 © Aurélia Jaubert