KAY, DEL COÑO SUR
Del Coño Sur, une exposition monographique de Kay, Centre d’art contemporain Zoo, Nantes – Photo Orianne Jouanny
EN DIRECT / Exposition Del Coño Sur, une exposition monographique de Kay, jusqu’au 04 mai 2024, Centre d’art contemporain Zoo, Nantes
Commissariat Patrice Joly
Pour nombre de nos congénères européens, la forêt amazonienne est encore la « forêt vierge » : dans un imaginaire occidental largement dominé par des considérations obsolètes, l’Amazonie est une vaste réserve d’animaux sauvages, le poumon vert de la planète que les assauts répétés des industries agricole et forestière n’ont pas encore complètement ravagée. C’est oublier que le Pérou, dont la superficie est à 60 % recouvert de cette dense couverture végétale, à l’instar de la plupart de ces pays d’Amérique du Sud, comme la Bolivie, l’Équateur, et bien sûr, le Brésil, est habité depuis des siècles par des peuples autochtones, bien avant que les conquistadors ne s’emparent des richesses de ces pays et qu’ils n’enfouissent les mythes ancestraux sous la chape de plomb d’un christianisme intransigeant. C’est aussi oublier que pareillement à l’Indochine, des pays comme le Pérou et le Brésil furent le lieu d’une exploitation intensive de l’or puis de l’hévéa lorsque l’industrie automobile commença à se développer et à réclamer ses cargaisons de caoutchouc. Une exploitation des ressources qui s’est soldée par de nombreuses exactions, massacres divers, déplacements massifs des peuples amazoniens et s’est prolongé jusque dans son histoire récente puisque ces peuples continuent, en 2024, sinon à être persécutés, du moins fortement ségrégués dans un pays où les inégalités demeurent extrêmement criantes.
Kay Zevallos Villegas comme nombre de ses compatriotes est issue des multiples métissages qui ont jalonné l’histoire de la population péruvienne. Elle a grandi à Iquitos, cité qui a connu un boum économique au début du XXe siècle, se donnant des allures de ville européenne. Iquitos, comme le rappelle Wikipédia, s’avère la plus grande agglomération au monde à ne pas être reliée par la route… Cela en dit long sur sa situation géographique au cœur de l’Amazonie, entourée par les bras du fleuve éponyme, autant que par les peuples autochtones qui habitent ses rives. De nombreuses vagues d’immigration, majoritairement des Européens attirés par cette « fièvre du caoutchouc », sont venus l’alimenter en se mêlant à la population amazonienne pour en faire une ville plurielle.