AXEL CORJON

AXEL CORJON

PORTRAIT D’ARTISTE / Axel Corjon

L’explorateur des mondes parallèles

par Ilaria Greta De Santis

Bercé dans la symétrie d’une ligne architecturale, frémissant face aux périls des ténèbres, Axel Corjon peint l’immense toile de la nuit avec un pinceau de lumière embrasé. Démarche passionnelle et introspective d’un photographe dont l’esprit s’éveille au coucher et pétille dans l’exploration d’un monde parallèle. La nuit enivrée de fête, celle réflexive ou mélancolique sont un héritage ancien apanage de l’être humain. Peu de gens toutefois ont eu le courage de s’aventurer dans ce théâtre étoilé où virevoltent les sentiments cachés et les pulsions intimes et secrètes.

Grandi en banlieue parisienne, Axel Corjon est familiarisé avec la ville, et on ne parle pas seulement de Paris. Partout, là où les longues routes épousent des immeubles au nombre infini, le photographe s’empresse de partir à l’exploration n’hésitant pas à suivre la trace d’un passant habillé en rouge, pour se perdre au beau milieu d’un dédale inconnu, encore mieux si c’est pendant la nuit. Doué d’un oeil légèrement myope mais exercé à l’Ecole des Gobelins, le photographe se mêle au décor en avançant à pas de ninja et parcours cette partition nocturne pour en capturer le merveilleux chaos.

A travers son regard la confusion brouillante qui règne de jour dans une grande ville devient une tiède quiétude face à l’impétuosité de la nuit rayée de lumières artificielles. Il se plaît à le saturer ces lumières, Axel Corjon, à construire des lignes fortes, des faisceaux qui rentrent dans la peau. Le contraste marqué qui en découle crée une sorte de familiarité sinistre, le coeur balance entre l’envie de poursuivre et celle de s’en fouir, de céder à la peur. La volonté est celle d’intriguer le spectateur en démontrant que, paradoxalement, la nuit en ville est plus vivante que le jour. L’énergie des couleurs est démultipliée dans l’obscurité, tandis que des mornes nuances de gris sont observables de jour, notamment à Paris. Les habitants délivrés des contraintes imposés par la routine journalière sont aussi libres enfin.

« La nuit est jeune » on dit. Les heures nocturnes utilisées pour le sommeil et donc moins vécues en réalité, sont celles dans lesquelles on se sent le plus vivants, là où chaque barrière est cassée et où tout peut arriver. Ainsi, l’apparent sens de solitude suscité par les photographies d’Axel Corjon, cache un tourbillon émotions qui sont la preuve intangible d’une abondante présence humaine. Si le photographe souhaite chasser seul les images, il le fait cependant avec un sentiment d’appartenance et une volonté de partage.

La lumière projetée sur les immeubles immortalisés par le photographe donc, rebondit sur le spectateur en lui rappelant que l’infini nous enlace, que nous sommes partie d’un vaste univers. Chez Axel Corjon, les astres dans le ciel du chef d’oeuvre, La Nuit étoilée de Van Gogh, se convertissent en éclairages artificiels proches et accessibles.

Dans les nuits d’Axel Corjon, l’exploration visuelle exécutée avec allure scientifique, fini par susciter une soif de découverte renouvelée et insatiable. Ainsi, lorsque « Le ciel se ferme lentement comme une grande alcôve », « l’homme impatient se change en bête fauve » Charles Baudelaire, Crépuscule du soir, Les Fleurs du mal. 

Ilaria Greta De Santis

©️Axel Corjon
©️Axel Corjon
©️Axel Corjon
©️Axel Corjon
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