Manolis Baboussis, Le Jardin

Manolis Baboussis, Le Jardin

© Μanolis Baboussis

EN DIRECT / Le Jardin, une exposition rétroprospective de Manolis Baboussis
jusqu’au 15 décembre 2022, École supérieure de Beaux-Arts d’Athènes

Commissariat Barbara Polla
Co-organisateur MOMus, commissaire Yiannis Bolis
Programme parallèle de la 8e Biennale de Thessalonique
Coordination de l’exposition de production ARTVIRUSFREE AMKE

« Le Jardin » de Manolis Baboussis révèle, dans l’espace mythique de l’École supérieure d’Art d’Athènes, l’ampleur du travail de l’artiste, de la photographie à l’installation, de l’architecture radicale à la psychiatrie, de l’écologie à l’économie, de l’humain au politique, de la poésie à l’utopie : une passion sans faille depuis 45 ans, toujours vivante, débordant d’énergie créative. 

Dans ce « Jardin », en collaboration avec sa contemporaine Barbara Polla, elle-même médecin, commissaire d’exposition, écrivain et poète, Manolis Baboussis offre un espace-temps qui s’étend des années 1970 à aujourd’hui et même demain. En commençant par la fin : les dernières œuvres, work in progress. Ainsi, dans la salle d’ouverture, des dessins de très grande dimension, des constructions-déconstructions noires, des gestes et des cris dans l’espace, réalisés au bâton gras. De multiples vidéos, dans les salles latérales, pour la plupart de type diaporama, recensent les obsessions de l’artiste et sa voix envoûtante nous accompagne dans l’incarnation formelle de ses visions tant critiques que poétiques du monde, de l’art et du pouvoir.

Dans ce « Jardin », une salle immense est dédiée à la puissance est aux absurdités de l’architecture. Une vingtaine de sculptures-architectures (2021-2022) de pierre et de métal, de bois et de livres, comme un jeu de conflits et d’alliance entre l’architecture et la nature. L’absurdité des « squelettes » architecturaux dont les îles grecques sont parsemées. Une piscine inversée au pays de la plus belle mer du monde. Et une femme étendue, artiste et compagne, figure de proue, réminiscente du poème de Ungaretti : Questa terra e nuda / questa donna e druda / questo vento e forte / questo sogno e morte.

Et dans ce « Jardin », Athènes (1985-1996) aussi, bien sûrDe rares humains se tiennent dans l’espace de la Cité, noirs sur blanc, comme des statues, comme des juges. Mariage parfait entre la forme et le contenu symbolique, entre la beauté de la forme et la force du message : en tendant l’oreille, on les entendrait presque penser, ces juges, émettant en silence l’analyse politique baboussienne sans merci de la déréliction de la ville et de sa « stagnation autistique » (Apostolis Artinos).

Puis un mur. Un mur et des chaises. Des chaises, pour s’asseoir et regarder le mur. Pour le penser. Et le dernier repas, auquel plus personne ne peut prendre place. Et derrière le mur, des œuvres plus anciennes – la fondation de tout le travail, l’asile psychiatrique de Volterra, en Italie, et les êtres humains qui l’habitent. Notre humanité toute entière dans cet espace d’enfermement, aussi vulnérable que résiliente, et cette dernière porte, qui clôt l’exposition : une porte d’hôpital, bancale, émouvante. « Sotiria » : le « salut » de l’artiste à ce qui se passe derrière elle. 

Mais encore, dans ce « Jardin », il y a le jardin lui-même – le jardin luxuriant de l’École supérieure d’Art d’Athènes, qui fut autrefois un parking. Toutes les transformations sont possibles. Et Manolis Baboussis, fort de la nécessité d’utopies agissantes, continue de planter des arbres sur l’île de Kéa, et de les photographier.