ELEVENPLAY ET RHIZOMATIKS, BORDER2021

ELEVENPLAY ET RHIZOMATIKS, BORDER2021

FOCUS / « border2021 » : Il n’y a plus de frontière entre réel et virtuel dans cette collaboration entre ELEVENPLAY et Rhizomatiks

Par Benoit Palop

Chorégraphie, réalité virtuelle et augmentée, et Internet convergent dans cette expérience immersive qui ouvre la voie à un nouveau format de performance.

Si la toute première itération de border n’avait pas vu le jour en 2015, on aurait cru à une création pandemic-friendly tant l’expérience est offerte dans un cadre intimiste. Cependant, ce n’est pas tout à fait le cas. Générée par un dispositif technologique relativement lourd, border ne permet effectivement qu’à 10 personnes de participer simultanément. Cette version 2021 représente une nouvelle étape de son développement.

Projet collaboratif entre ELEVENPLAY, compagnie de danse avant-gardiste de la chorégraphe japonaise MIKIKO, et Rhizomatiks, studio tokyoïte leader en création digitale mené par Motoi Ishibashi et Daito Manabe, border2021 représente un peu le futur de l’art vivant. Et c’est probablement l’un des shows de danse + R&D les plus aboutis qui ait vu le jour jusqu’à présent. En effet, les deux artistes programmeurs, designers interactifs et proches collaborateurs de Björk, Nosaj Thing, Arca et Perfume, entre autres, ne font pas les choses à moitié. Surtout quand il s’agit d’utiliser les nouvelles technologies pour donner une dimension next level à un projet. On est ici bien au-delà de l’effet wow.

Comme sa version précédente, cette nouvelle mouture fusionne danse et réalité mixte, mais elle est agrémentée d’un volet en ligne. Grâce à une plateforme de captation multi-angle, les points de vue à la demande et perspectives inédites enrichissent l’expérience web et offrent une lecture différente de l’œuvre. 

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Une track de Chance the Rapper est à l’origine de ce projet

Les différentes composantes de cette performance sont effectivement basées sur les lyrics posés par Chance the Rapper sur la track Cold Stares. Cette composition signée par le producteur de musique électronique et de hip-hop expérimental Nosaj Things avait vu le jour en 2015 et avait abouti sur un clip vidéo déjà imaginé par MIKIKO et Daito Manabe.

MIKIKO avait retranscrit le texte de la chanson en une chorégraphie et un stage design qui collent à l’état maniaco-dépressif décrit par le MC de Chicago. Daito Manabe et son équipe avaient, quant à eux, développé un dispositif technologique spécifique et assez performant pour générer une série de visuels interactifs qui s’intègre parfaitement à l’univers de la chanson tout en appuyant le travail de leur collaboratrice. Ce clip vidéo constitue les bases de la performance border qui s’ensuit. 

border2021 : Un aspect théâtral et scénographique aux petits oignons…

Le milieu créatif digital peut s’avérer un peu lourd et redondant, parfois même sans grande profondeur. Dans border2021, ces sentiments négatifs s’estompent avant même de s’installer à bord de l’un des 10 WHILL, ou pod de transport intelligent autoguidé. Contrairement à la plupart des performances audiovisuelles qui se résument bien souvent à l’utilisation créative de logiciels et de codes, on vit avant tout une sorte de rituel post-technologique qui en dit long sur la relation humain/machine.  

Mais pour alléger le focus sur la machinerie déployée, et  repositionner l’humain au centre de la création, l’aspect théâtral est léché de bout en bout. Tout ce qui se passe autour, avant, pendant et après, c’est aussi et surtout ça qui fait la singularité de la pièce. De la mimique des hôtesses d’accueil en costumes taillés façon Yamamoto, au sas d’attente où vous sera attribué votre numéro de siège, la précision chirurgicale de la procédure pré-spectacle est une œuvre en elle-même. Sans oublier les performeuses infirmières puis patientes qui vous frôlent durant le ballet pour vous rappeler à la réalité. Le moindre détail vient à la fois appuyer et humaniser l’aspect immersif offert par une technologie de pointe omniprésente. 

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… et une utilisation des technologies immersives qui vient renforcer la trame narrative de l’œuvre.   

Au-delà de la prestation scénique des performeuses qui s’activent au milieu des 10 cobayes et des modules du décor, l’alternance entre expérience VR et AR est l’une des caractéristiques qui permettent d’aborder les différentes problématiques soulevées. Générés par des headsets customisés, les vas-et-vient constant entre les différentes réalités  illustrent certaines oppositions liées aux troubles mentaux : réalité et illusion, introspection et extrospection ainsi que dépression et bien-être. Entre autres. Enfin, border2021 fait état de l’une des grandes dichotomie qui a émergé durant l’ère digitale : notre impuissance et soumission face aux technologies versus la fascination qu’on leur porte. 

Des présentations supplémentaires sont prévues plus tard dans l’année et grâce au volet en ligne, vous pourrez y participer quelle que soit votre position sur Google Map. On parle même d’une tournée internationale mais en plus de la situation que l’on connaît, des problèmes de production tels que le coût de transport, les sponsors et la promotion sont des challenges sur lesquels l’équipe travaille fort.

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Crédits : 
Mise en scène | Chorégraphie : MIKIKO(ELEVENPLAY)
Développement technique | Production visuelle : Rhizomatiks
Direction creative | Direction technique | Ingénieur logiciel : Daito Manabe (Rhizomatiks)
Direction technique | Ingénieur hardware : Motoi Ishibashi (Rhizomatiks)
Opération : Naoki Ishizuka (Rhizomatiks)
Musique : evala 
Ingénieur système réalité mixte : Yuya Hanai (Rhizomatiks)
Programmation visuelle : Satoshi Horii (Rhizomatiks) + Futa Kera (Rhizomatiks)
Design lumière  : Takayuki Fujimoto (Kinsei R&D)

border(2015) – another perspective – short ver. (Rhizomatiks Research + ELEVENPLAY + EVALA + Kinsei)