JOAQUIN SILVA IGLESIAS

JOAQUIN SILVA IGLESIAS

FOCUS / Joaquin Silva Iglesias
par Ernest Thinon

Joaquin, 30/03/23

« Invitation au voyage » est un des poèmes les plus célèbres de Baudelaire, il fait partie de la série idéale et est rempli d’autant d’odeurs que de paysages fantasmés.

L’invitation faite par Joaquin à l’atelier peinture de l’ISDAT est lui aussi empreint de poésie, de lieux, de senteurs et de musique mais ici au service d’une histoire plus vaste que les plaisirs de Baudelaire. L’Histoire de la peinture et du dessin rencontre et raconte l’Histoire, celle des explorateurs européens, qui, par leurs croquis et gravures ont ensuite fantasmé les pays qu’ils visitaient. Baudelaire parle d’exotisme là où les colons parlaient de Nouveau Monde, comme si c’était le regard occidental qui l’avait rendu réel. Riou, célèbre et illustre graveur français, réalise ces images qui ont traversé le temps. Ces paysages que l’on voit aujourd’hui comme des traces historiques étaient pour lui des lieux aussi imaginaires que les gravures qu’il a réalisées pour Jules Vernes.

Lors de cette performance les spectateur.ice.s se trouvèrent au croisement de plusieurs récits qu’iels pouvaient ressentir sans tout à fait les comprendre.

Qui sont les personnages peints sur la toile et qui est celui dont le visage est peint ?

Celui au visage fardé de bleu réalisant la performance semble sans émotion particulière, faisant simplement sa besogne. Il plonge sa main dans un sceau et en tire une éponge imbibée de vert, avec lequel il vient recouvrir et redessiner tant la toile que le mur. De toute la performance seules deux couleurs seront utilisées, le bleu et le vert.

Nombreux sont les paysages qui pourraient se résumer à ces deux couleurs.

Une fois le vert posé l’homme bleu prend son éponge, la rince et la passe sur son visage jusqu’à le laver entièrement tout en récoltant chaque once de couleurs dans un troisième sceau. Une fois son visage propre retrouvé il peint avec le bleu extrait, le visage d’un des personnages de la toile. Ne sont-ils qu’une seule et même personne ou transmet-il son histoire au garçon de la toile ?

La frontière entre les personnages de la peinture et celui qui performe se floute.

Une fois satisfait de son œuvre il lâche son éponge et vient se placer à hauteur du public, ayant transmis à la toile tout son être, il devient presque lui aussi spectateur du tableau qui se dresse, coloré.  

C’est sur une chanson d’une figure uruguayenne emblématique, Alfredo Zitarrosa et en dansant à demis-pas que là où certain.e.s sortent des confettis de leurs poches en cette période de l’année, lui sort des poignées de maté qu’il jette au sol. Il continue de danser pieds nus dans cette herbe dont une odeur forte et agréable commence à emplir la pièce. Le petit atelier plein de public venu écouter et vivre ce moment est désormais rempli tant du lyrisme d’Alfredo que de la nostalgie du maté qui se diffuse.

La poésie de cette performance telle un voyage historique laissera une trace temporaire sur les murs de l’atelier et une trace qu’on n’oublie pas en un coup de pinceau dans la mémoire de celleux présent.e.s.

Ernest Thinon