Ken Sortais / Patrick Hough / Karen Kramer / Theo Michael, Verto, Studiocur/Art

Ken Sortais / Patrick Hough / Karen Kramer / Theo Michael, Verto, Studiocur/Art

En direct de l’exposition Verto, une exposition collective organisée et produite par Studiocur/Art(1) sous le commissariat de Karina El Hélou et Claire Craig, réunissant Ken Sortais, Patrick Hough, Karen Kramer et Theo Michael du 29 octobre au 08 novembre 2015, dans l’espace de la galerie Fatiha Selam au 58 rue Chapon 75003 Paris.

Artistes : Ken Sortais, né en 1983 à Paris. Vit et travaille à Paris. Diplômé de l’École des Beaux-Arts de Paris en 2010.
Patrick Hough, né en 1989 à Galway (Irlande). Vit et travaille à Londres. Diplômé en Master de photographie du Royal College of Art de Londres en 2013.
Karen Kramer, née en 1979 à New York. Vit et travaille à Londres. Diplômée en Master des beaux-arts (MFA) de la Goldsmiths Art School de Londres en 2013.
Theo Michael, né en 1978 à Panorama, Thessalonique, Grèce. Vit et travaille à Mexico City (Mexique). Diplômé en Master des Beaux-Arts du Wimbledon College of Art en 2003. Il est représenté par OMR Gallery (Mexique).

Propos recueillis le 29 octobre 2015 auprès du commissaire de l’exposition Karina El Hélou :

« Verto signifie « interpréter » en latin. Verto réunit quatre artistes de la scène internationale, Ken Sortais, Patrick Hough, Karen Kramer et Theo Michael qui reinterprètent pour cette exposition la notion d’archéologie dans l’art contemporain.

Ken Sortais, Verto, galerie Fatiha Selam par studiocur/art
Ken Sortais, exposition Verto par studiocur/Art

Ken Sortais est un artiste français, diplômé des Beaux-Arts de Paris dont je suis le travail depuis un moment. Il présente sous le nom de Sheta, mot égyptien signifiant « mystère », un moulage d’une statue funéraire d’un cimetière parisien, et plus précisément d’une femme trouvée comme l’indique une inscription. La disposition de ce moulage est assez nouvelle par rapport aux précédentes propositions de l’artiste, car si l’empreinte a été prise sur la statue en position verticale, elle est ici disposée horizontalement, couchée sur le sol. L’utilisation du latex, un matériau très mou, crée une confusion avec l’aspect général de la pièce qui renvoie à celui d’une pierre. Cette position horizontale évoque aussi celle de la momie égyptienne telle que l’on se la représente. Une référence à l’égyptologie que l’artiste prolonge avec la sculpture en mousse noire d’un sphinx qui nous fait penser à Anubis le dieu de la mort. Ce sphinx est lui aussi issu d’un moulage d’une sculpture complètement érodée que l’artiste a réalisé dans un cimetière. En relation avec ces deux œuvres, Ken Sortais présente une troisième pièce faisant directement référence à l’archéologie égyptienne : il s’agit de la représentation d’un temple avec l’incrustation d’un œil à l’intérieur. Ken Sortais entretient un dialogue entre l’archéologie ancienne et l’archéologie du présent, à la fois par la nature des matériaux employés et par le prélèvement sur des sites parisiens publics.

 

Patrick Hough, Verto, galerie Fatiha Selam par studiocur/art
Patrick Hough, Verto par studiocur/Art

Patrick Hough est un artiste de nationalité irlandaise qui habite à Londres. Depuis deux ans, son travail questionne l’archéologie du cinéma, c’est à dire des fausses pièces archéologiques utilisées pour les décors. Sa recherche se concrétise par une série de vidéos, Object interviews pour lesquelles il écrit lui-même les scripts qui sont ensuite joués par des acteurs et filmés. Ce troisième opus d' »interviews d’objets » porte sur la réplique d’une copie de Sphinx des Naxiens qui se trouve au Musée de Delphes et qui mesure en réalité deux mètres. Cette sculpture a été déclinée en plusieurs versions de différentes tailles en polystyrène et plâtre pour des films à caractère historique. La vidéo raconte la vie de ces objets et leurs différentes lectures et narrations. Tout en faisant référence à l’archéologie du passé, les statuettes sont ancrées dans le présent par cette vie cinématographique. Patrick Hough porte une réflexion sur la fiction que l’archéologie porte en elle par sa faculté de susciter notre imaginaire. Il joue sur ce caractère de fascination que produisent en nous les anciennes civilisations.

 

Theo Michael, Verto, galerie Fatiha Selam par studiocur/art
Theo Michael, exposition Verto par studiocur/Art

 

Theo Michael est un artiste d’origine grecque. Depuis 1999, son travail porte sur la recherche intensives d’images. Ses archives comportent près de 500 000 images qui viennent de photos scannées, de livres, d’images digitales trouvées sur internet. Theo Michael en fait des collages complètement anachroniques dans lesquels il mélange des civilisations, des lieux, des temporalités. Ses compositions sont traitées au café, ce qui produit cet effet de vieillissement du papier. Son travail parle de la subjectivité de l’histoire, de la véracité de ce qui nous est montré. Il évoque, par le découpage de certaines parties de l’impression et par une mise en page s’apparentant à un journal, la connaissance incomplète que nous avons de l’histoire, les censures. Ses collages nous donnent l’impression de lire des médias en mettant en évidence leur subjectivité. Theo Michael met en lumière la façon dont notre regard sur l’histoire est biaisé et comment celle-ci est complètement réécrite.

Une des intentions de l’exposition est de montrer qu’il existe plusieurs versions d’un objet et combien les visions historiques et l’utilité d’un objet, changent selon la période à laquelle on le retrouve et dans quelles circonstances il est évoqué et créé. Le sphinx est un objet antique dans le film Indiana Jones alors que dans Alexandre Le Grand, c’est un objet contemporain. Il y a tout un jeu de l’objet dans l’espace-temps. Le latex utilisé par Ken Sortais, tout en étant un matériau du présent, évoque la pierre et en prélevant lors du moulage de la mousse et de la poussière, il devient objet du passé, archéologique. Le rapport entre réalité et fiction est aussi très présent dans l’exposition. Quand les objets sont décontextualisés, ils acquièrent une toute nouvelle identité.

Karen Kramer, Verto, galerie Fatiha Selam par studiocur/art
Karen Kramer, exposition Verto par studiocur/Art

Epona’s Well, l’installation de Karen Kramer, évoque justement cela avec cette suspension d’objets trouvés par l’artiste dans la Tamise. Le geste de l’artiste est ici celui de l’archéologue. Sur la trentaine d’objets présentés certains ont été trouvés et d’autres fabriqués par l’artiste. Il en résulte une forme d’humour, mais aussi l’idée que la fiction vient s’ajouter à l’histoire. Karen Kramer a voulu montrer ces objets dans une présentation pouvant rappeler une constellation. La vidéo qui accompagne l’installation est sans repère historique, totalement décontextualisée. Bien que la présentation renvoie à la muséologie, les objets deviennent fictifs. Par la vidéo, l’absence de cartel ou de toutes autres indications, Karen Kramer donne une forme de sacralité aux objets. On peut toutefois entendre une musique un peu pop qui accompagne cette vidéo comme pour créer une fiction. À travers cette installation, Karen Kramer se pose la question de ce que sera l’archéologie du futur : quel objet du présent deviendra le symbole de notre civilisation ?  l’ordinateur, le CD ? Parmi les objets exposés, on peut remarquer un pin’s portant l’inscription « I’ve seen the future », comme un clin d’œil à ce travail. »

(1)Fondé en 2014, le Studiocur/Art est une plate-forme curatoriale dont l’objectif est de promouvoir de jeunes artistes dont le langage contemporain questionne la société actuelle. studiocurart.com

Pour en savoir plus :

kensortais.com

patrickhough.com

karenkramer.eu

theomichael.com

Visuels tous droits réservés artistes et Studiocur/Art.