Rodolphe Huguet, Bon Vent

Rodolphe Huguet, Bon Vent


Rodolphe Huguet, Bon Vent, 2018.
Tuiles pliées, (terre cuite), pierres, fragments de blocos, fragments de parpaing. Photo JC Lett

Une installation présentée en prolongation de l’exposition Bon vent dans le cadre de l’exposition UN AUTRE MONDE///DANS NOTRE MONDE, évocation contemporaine du réalisme fantastique.
Une exposition collective coproduite par le Fonds de dotation agnès b. et le Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur, en partenariat avec le Frac Grand Large – Hauts-de-France
Commissariat Jean-François Sanz

Invité en 2017, dans le cadre des résidences croisées avec le Frac Franche-Comté, Rodolphe Huguet a su développer un lien privilégié avec le FRAC Provence-Alpes-Côte-d’Azur et avec la tuilerie Monier à Marseille. Les œuvres présentées au Frac dans l’exposition Bon Vent témoignent avec générosité du travail réalisé par l’artiste pendant deux années dans le cadre de cette entreprise marseillaise.

Pascal Neveux, décembre 2018

Au-delà d’une résidence et d’une rencontre avec l’univers mécanique d’une tuilerie contemporaine, Rodolphe Huguet a pu découvrir un élément architectural a priori assez banal et produit à des millions d’exemplaires, la tuile. Intéressé à la fois par la forme et la fonction de ce matériau de construction, sa fabrication mécanisée et sa matière même, il a, au fil de ses séjours dans cette tuilerie, développé un univers de formes où chaque tuile devient une sculpture unique à l’identité singulière. Au gré de ses expérimentations et trouvailles, il les a malaxées, trouées, contraintes pour les transformer en de véritables objets chargés d’une dimension plastique et politique nouvelle. La tuile n’est plus et n’a certainement jamais été pour Rodolphe Huguet un simple objet manufacturé réduit à sa fonction première produit à grande échelle mais voit sa valeur fonctionnelle originelle qui est de protéger, de mettre à l’abris, s’enrichir d’une valeur sociale et politique, qui nous en dit plus sur notre société contemporaine que n’importe quel manifeste.

Ces œuvres réalisées à Marseille nous interpellent et nous posent directement cette question à laquelle nous apportons peu de réponses engagées aujourd’hui hélas : est-ce dans ce monde-là que nous vivons ?

Dans le vertige de ce nouveau corpus riche d’inventions conceptuelles et plastiques originales, Rodolphe Huguet nous rappelle que le monde est ce que nous nous en représentons. Ces nouvelles sculptures accumulent, suscitent, évoquent, induisent des manières différentes de voir le monde. Chaque artiste repousse les limites de notre perception du monde. Comment ne pas penser dès lors que la fréquentation de ses sculptures ne donne du poids aux mots, que chacune de ses constructions de terre cuite deviennent des récits avec leurs souffrances, leurs joies, leur humour, leurs rêves et leurs détresses où fiction et réalité ne font plus qu’un.

Le travail de Rodolphe Huguet s’ancre dans une mythologie locale et globale qu’il fabrique, modifie, invente au service de ses propres réalisations, trouvant dans l’hybridation et la réutilisation d’objets usées, patinés par le temps et la vie, le moyen de faire œuvre. Barques en tuile, maisons-valises, masques, architectures de guerre, toutes participent de cette nécessité de fabriquer un répertoire de formes et de récits sans frontières. Arpenteur insatiable, Rodolphe Huguet donne à penser, donne à voir avec générosité, utilisant cette frénésie à imaginer et produire de nouvelles œuvres comme un véhicule qui nous transporte d’un continent à l’autre, d’une tragédie à l’autre, d’un mythe à l’autre, d’un récit à l’autre. Il nous entraine à modifier notre vision du réel avec la force émotionnelle qui convient, juste, toute en retenue, convoquant la mémoire, qui par la nécessité de savoir, nous permet ainsi d’inventer notre présent et parfois de le réinventer.

C’est en effet le regard personnel, subjectif, qu’il porte sur les grands défis et enjeux de nos sociétés mondialisées, qui fait la valeur de chacune de ces nouvelles productions. Nous y trouvons à la fois la générosité du geste qui imagine et façonne, la poésie qui caractérise sa démarche et une attention aux êtres, quels qu’ils soient, dans l’existence que la société leur impose au quotidien, des existences anonymes, des événements parfois minuscules, parfois tragiques mais toujours significatifs du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui.

Rodolphe Huguet nous invite à faire des efforts réels pour approcher autrui, tenter de le comprendre.

Inventeur et expérimentateur hors-pair, alliant une dimension sociale et politique assumée à une inventivité plastique débridée, Rodolphe Huguet nous interpelle, nous transforme et sans doute nous régénère. Nulle surprise dès lors de le retrouver sur tous les fronts et dans plusieurs espaces du Frac pour l’occasion avec humour et poésie, avec un sens inné du partage et de l’amitié. Mais il est sans doute avant tout nécessaire de souligner la force de son œuvre, d’autant plus prégnante qu’elle s’offre à nous dans une infinité de formes et de matériaux, riche de mille métamorphoses, précaire et profonde à la fois. Il y a là matière à réfléchir et sans doute à agir !

Texte Pascal Neveux, novembre 2018

Rodolphe Huguet, Bon Vent, Frac PACA. Photo JC Lett
Rodolphe Huguet, Bon Vent, Frac PACA. Photo JC Lett
Rodolphe Huguet, Bon Vent, Frac PACA. Photo JC Lett
Rodolphe Huguet, Bon Vent, Frac PACA. Photo JC Lett
Rodolphe Huguet, Bon Vent, Frac PACA. Photo JC Lett
Rodolphe Huguet, Bon Vent, Frac PACA. Photo JC Lett
Rodolphe Huguet, Bon Vent, Frac PACA. Photo JC Lett
Rodolphe Huguet, Bon Vent, Frac PACA. Photo JC Lett
Rodolphe Huguet, Bon Vent, Frac PACA. Photo JC Lett
Rodolphe Huguet, Bon Vent, Frac PACA. Photo JC Lett