SUZAN NOESEN

SUZAN NOESEN

Suzan Noesen, Livre d’heures, 2019. Crédits photo Amandine Klee, Suzan Noesen

PORTRAIT D’ARTISTE / Suzan Noesen par Margot Delalande

Je suis intéressée par l’organisation sociale, je cherche à comprendre comment ça marche. Je travaille sur les communautés intentionnelles, les regroupements créés sur des bases idéologiques. […] Il s’agît esthétiquement d’une tentative de percevoir le groupe comme un corps commun, mais avec une approche plutôt intime”.
Suzan Noesen 

Suzan Noesen a essayé plusieurs façons de vivre en collectivité ; de 2010 à 2012, elle a vécu dans un écovillage et en 2017 elle a décidé d’habiter en “colocation” avec sa grand-mère. Ses expérimentations inspirent son travail. Dans ses œuvres, elle explore la façon dont des personnes interagissent dans un groupe. Comment en viennent-elles à se créer une identité floue et partagée avec les autres ? L’artiste questionne le modèle du fonctionnalisme, le fait que la société serait structurée et efficace parce que chacun.e aurait un rôle déterminé et s’y tiendrait. 

Chez Suzan Noesen, les identités sont poreuses et hybrides. Dans Obsolete Terrain – Towards a Simple Talk in Utopia (2021), quatre amis, visibles chacun sur un écran, discutent entre eux dans un décor champêtre de ruine. Le dialogue est répété à plusieurs reprises et à chaque fois les personnes changent de statut : celui.celle qui jouait le.la militant.e écologiste devient l’entrepreneur.se, celui qui incarnait le.la pragmatique se change en romantique, etc. Comme au carnaval, où les gens du peuple peuvent accéder au statut de souverain.es, l’artiste brouille les rôles ; les catégorisations sont transcendées. 

Avec un regard bienveillant, elle donne à voir des corps jeunes et vieux, l’interaction de la vie moderne et traditionnelle. Dans la double vidéo Quatre mains (2020) et le moyen métrage Livre d’heures (2019) elle filme les gestes quotidiens d’une personne âgée et d’une jeune femme. Elle montre l’attention que met l’une à plier un torchon et celle que met l’autre à dessiner sur son cahier. Mais les mouvements de l’une et de l’autre se croisent, les analogies sont notables. Dans une ambiance douce propre à une scène de genre de Vermeer, le temps semble s’étirer, retrouver son rythme naturel. 

Les installations, photos, vidéos de Suzan Noesen touchent à l’univers théâtral, la mise en scène et l’improvisation. L’artiste a d’ailleurs suivi des cours de mime à l’Academie voor Theater en Dans (ATD) d’Amsterdam. Dans son installation Labyrinth der gestischen Tropen (2021), la frontière entre le dispositif scénographique et les œuvres en elles-mêmes s’estompe. Les publics sont invités à s’asseoir dans le dispositif, à investir une scène vide ou habitée de présence fantomatiques, comme si ils.elles avaient eux aussi leur rôle à jouer. 

Le travail de Suzan Noesen a trait aux sciences sociales ; elle interroge la philosophie, la scolastique, l’ethnologie, la sociologie. Elle se penche vers les relations de groupes aujourd’hui comme au Moyen Âge, dans un écovillage comme dans une colocation, entre amis comme en famille.
J’ai un intérêt pour l’épistémologie et les façons de catégoriser le monde. Mais mon œuvre est hybride. Je travaille en suivant des références conceptuelles, des impulsions intuitives et sensuelles.

Margot Delalande
texte écrit avec le soutien de Kultur | lx – Arts Council Luxembourg

Livre d'heures_ creditsphoto_Amandine Klee, Suzan Noesen
Suzan Noesen, Livre d’heures, 2019. Crédits photo Amandine Klee, Suzan Noesen
Suzan Noesen, QUATRE MAINS installation view_creditphoto_Lynn Theisen
Suzan Noesen, QUATRE MAINS installation view_creditphoto_Lynn Theisen
Suzan Noesen, QUATRE MAINS installation view_creditphoto_Lynn Theisen
Suzan Noesen, QUATRE MAINS installation view_creditphoto_Lynn Theisen
Suzan Noesen, LABYRINTH DER GESTISCHEN TROPEN_creditphoto_Lynn Theisen
Suzan Noesen, LABYRINTH DER GESTISCHEN TROPEN_creditphoto_Lynn Theisen
Suzan Noesen, THE PRESENT_creditphoto_Lynn Theisen
Suzan Noesen, THE PRESENT_creditphoto_Lynn Theisen
Suzan Noesen, OBSOLETE TERRAIN (TOWARDS A SIMPLE TALK IN UTOPIA)_creditphoto_Lynn Theisen
Suzan Noesen, OBSOLETE TERRAIN (TOWARDS A SIMPLE TALK IN UTOPIA)_creditphoto_Lynn Theisen

SUZAN NOESEN – BIOGRAPHIE
Artiste et réalisatrice Luxembourgeoise née en 1985, Suzan Noesen s’est formée en études d’art conceptuel à l’Académie Royale des beaux-arts de la Haye (KABK), en peinture à la « Hochschule für Grafik und Buchkunst » à Leipzig ainsi qu’en mime à l’ « Academie voor Theater en Dans » (ATD) d’Amsterdam. Résidant pendant deux ans à l’écovillage allemand de « Sieben Linden », elle a étudié différentes méthodes de communication et de décision collectives. Joignant le cinéma à sa pratique de plasticienne, Suzan Noesen a réalisé en 2019 le court-métrage fictionnel « Livre d’heures », analyse des conceptions intergénérationnelles inspirée de sa cohabitation avec sa grand-mère au Luxembourg rural. Elle est également réalisatrice, en 2022, de « Confinementer ». Suzan Noesen faisait partie des artistes présélectionnés pour le prix LEAP2020. Ses œuvres ont été exposés au Luxembourg, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Russie, au Portugal et au Brésil. Son atelier est actuellement basé au Luxembourg.
suzan.noesen@posteo.org