SYBILLE DU ROY, DIRECTRICE DU BRUSSELS GALLERY WEEKEND

SYBILLE DU ROY, DIRECTRICE DU BRUSSELS GALLERY WEEKEND

BGW 2019 – La Patinoire Royale – Galerie Valérie Bach Photo @StokkStudio (@AndriSoren)

Entretien avec Sybille du Roy, Directrice du Brussels Gallery Weekend

par Daniel Guionnet et Valérie Toubas

« Le Brussels Gallery Weekend existe grâce à l’implication et au soutien de tous, dans un esprit d’accueil et de partage. »

Fondé à l’initiative du comité des galeries, le Brussels Gallery Weekend fête à l’occasion de l’édition 2020 sa treizième participation au rayonnement artistique de la capitale belge. Toujours en évolution, l’événement propose cette année, en plus du parcours des galeries et l’exposition Generation Brussels dédiée aux artistes résidant à Bruxelles non représentés par une galerie bruxelloise, des Walks mensuelles qui mettent en lumière l’effervescence, quartier par quartier, d’une scène artistique locale très vivante et qui ne cesse de s’étoffer. Dotée d’un fort potentiel de développement et placée à la croisée des grands axes européens, la ville de Bruxelles séduit des galeries internationales qui y sont accueillies par un comité qui a su, au fil du temps, installer un climat de confiance, fédérer les énergies et, au travers d’un maillage toujours plus précis, valoriser l’existence de chacun tout au long de l’année. Plutôt que d’axer comme les foires d’art sur des formats courts et de plier aux impératifs du marché, cet événement défend sous l’impulsion de sa directrice Sybille du Roy et d’une équipe impliquée, une relation de proximité, retissant un lien entre tous ceux qui participent à l’équilibre de l’écosystème de l’art en misant sur la qualité de la programmation et en défendant une approche sincère de l’art contemporain.

Quels sont les atouts qui font de Bruxelles une importante place artistique en Europe ?

La force de Bruxelles est sa position centrale. Elle suscite l’intérêt de galeries qui viennent s’y installer ou y ouvrir des succursales. Plutôt que de s’implanter à Paris ou à Londres, quelle que soit leur taille, elles font le choix de Bruxelles, attirées par la qualité de son accueil, sa vitalité, le coût modéré des loyers qui offre un potentiel intéressant de développement. Les artistes y trouvent aussi des ateliers spacieux et, de par son effervescence, peuvent très vite nouer des connexions avec d’autres artistes et être pris dans l’énergie des artist-run spaces très nombreux sur Bruxelles. Elle est elle-même un vivier important d’artistes locaux et de commissaires.

L’accueil est un atout important dans cette attractivité Bruxelloise en art contemporain…

Le comité des galeries a toujours travaillé dans une ambiance collégiale et avec un désir de représenter des galeries aux styles très différents. Afin que les nouveaux venus ne soient isolés dans leur activité, très attaché à l’accueil, il les invite à rejoindre le réseau. Peu de villes proposent une telle atmosphère collaborative avec un accompagnement quotidien dans un esprit de mentoring. Il y a cette volonté commune de soutenir ceux qui font le choix de s’installer ici, de les conseiller dans leur implantation, d’aider ceux qui ne sont pas encore établis, et d’accompagner les projets innovants.

Quels sont les critères de participation au Brussels Gallery Weekend ?

Il est important que toutes sortes de galeries soient représentées lors de l’événement annuel, des plus grandes galeries historiques de Bruxelles comme Greta Meert, Baronian Xippas qui, avec Xavier Hufkens, ont un rayonnement très important, ainsi que les nouveaux arrivants, de très jeunes galeries qui n’ont pas forcément les mêmes moyens mais qui ont l’ambition de mener à bien des projets, de participer à des foires et de soutenir les artistes.
Les critères déterminants sont l’engagement et la qualité de la programmation. Il est crucial de ne pas surenchérir dans ces questions de format en multipliant les invitations aux très grandes institutions dont l’importance pourrait effacer la présence de structures encore en installation. Nous essayons de trouver un équilibre entre le Wiels, Kanal, les galeries et des structures souvent associatives comme les artist-run spaces. Nous voulons privilégier la scène locale, les projets pérennes, les galeries qui souhaitent s’installer à Bruxelles sur le long terme et nous rejetons les candidatures de galeries qui souhaitent profiter de la visibilité du parcours en septembre en installant pour quelques jours un pop-up. Nous nous différencions d’une foire par le fait que les lieux d’art sont accessibles et proposent une programmation tout au long de l’année. Toutefois, nous sommes sensibles aux initiatives innovantes comme Ballon rouge qui a fait de l’invitation aux galeries un modèle de fonctionnement et qui accueille cette année Pi Artwork d’Istanbul.

À quel public se destine le Brussels Gallery Weekend ?

Le Brussels Gallery Weekend accueille des amateurs d’art contemporain et des collectionneurs du monde entier. Attirés par l’événement, ils font le choix de passer le weekend à Bruxelles et d’y découvrir les propositions de tous les lieux d’art, de l’institution à l’atelier d’artiste, et de profiter de ce moment pour rencontrer d’autres passionnés. Le comité a toujours eu ce souci de donner accès à l’art à tous les publics. Même si nous sommes assez discrets, c’est une partie importante de notre activité. Des actions sont menées en direction des écoles et des maisons d’accueil. Nous invitons des jeunes à visiter des expositions et nous intervenons dans les écoles. De plus, pendant le Gallery Weekend nous récoltons de la peinture et des crayons qui sont ensuite redistribués à des associations qui proposent des animations dans les hôpitaux. L’important est de créer du lien et de permettre à chacun de pouvoir participer à l’événement dans une bonne ambiance. Nous considérons que ces actions ouvrent les esprits et créent un dynamisme autour de l’art contemporain. Elles permettent de passer au-delà des inhibitions car il n’est pas toujours évident d’entrer dans une galerie que l’on ne connaît pas. La mise en place des Walks participe depuis février à donner une meilleure accessibilité à l’art contemporain et à l’univers des galeries. Au travers de plusieurs parcours, les visiteurs accompagnés de médiateurs, découvrent les galeries, les institutions et les artist-run spaces des différents quartiers de Bruxelles.

Une attention particulière est aussi portée à la qualité de la médiation ?

Il est plus aisé de visiter un lieu, d’entrer dans une galerie la première fois quand on est accompagné d’un médiateur. De même, nous trouvons important que les visites et les médiations soient faites par des étudiants en histoire de l’art. Nous ne faisons pas appel à des sous-traitants pour la médiation car nous mettons un point d’honneur à former nous-mêmes ces étudiants. On leur prépare en amont un dossier. Nous donnons à ces jeunes l’opportunité de nouer des relations professionnelles avec de grandes galeries. Ils peuvent ainsi se constituer un carnet d’adresses qui les aidera à trouver leur futur métier quand ils auront fini leurs études. Un autre aspect important pour nous est que ces étudiants soient convenablement rémunérés. Si une visite mobilise trop peu de personnes alors nous nous engageons à verser le complément. L’idée est de générer un écosystème entre universités, galeries, artistes, institutions.

La question du développement durable est-elle prise en compte dans l’organisation du Gallery weekend ?

Nous sommes très sensibles à cette question et prenons chaque année de nouvelles dispositions pour nous améliorer afin d’être écologiquement responsable. Cette année, les consommations et produits sont bios et issus de productions locales. Nos maps sont en papier recyclé. Nous avons également travaillé à des partenariats avec des hôtels construits suivant les règles « sustainable ».

Pouvez-vous nous parler du point de rencontre central de l’événement au Vanderborght building ?

Pour cette édition nous avons malheureusement décidé de ne pas organiser l’exposition dans ce grand bâtiment. Les conditions sanitaires et de sécurité auraient été trop difficiles à mettre en place pour trois jours. Durant le confinement, nous avons fait énormément de brainstorming et nous en sommes venus à l’idée d’organiser notre exposition de jeunes dans un circuit de vitrines sur la ville. Cette option assure au public ainsi qu’aux artistes de maintenir l’exposition quelle que soit la situation. Un plus petit « point info » est tout de même prévu en bas du Sablon afin de pouvoir aider le public à s’orienter dans la ville ainsi que de récupérer les maps.

Comment sont sélectionnés les artistes pour l’exposition Generation Brussels ?

Nous travaillons avec les écoles d’art et nous faisons des open call auprès des étudiants. Chaque année des centaines de dossiers d’artistes sont étudiés. Nous faisons appel à un curateur qui visite les ateliers des artistes sélectionnés afin de préparer l’exposition. Pour cette édition 2020 et pour les futures, nous avons fait le choix concernant les curateurs de l’exposition annuelle de soutenir des talents locaux et de puiser dans le vivier belge. Evelyn Simons, jeune curatrice flamande qui s’est impliquée dans de nombreux projets locaux et internationaux, curate l’exposition Generation brussels.

Quelles sont des nouveautés de l’édition 2020 du Brussels Gallery Weekend ?

Elles sont très nombreuses. L’exposition Generation Brussels a lieu dans des vitrines au sein de la ville. Une manière de lier art contemporain et art de vivre bruxellois mais aussi de mettre en avant la vitalité de cette ville qui a fait le choix de promouvoir l’art qui occupe une grande partie de son territoire sous des formats très divers : institution, galeries, project spaces, artist-run spaces, studios d’artistes. Un de ces artist-run spaces accueille près de 80 ateliers d’artistes. Au parcours officiel déjà très riche, s’ajoute un programme off qui l’est tout autant. Des collectionneurs viennent de partout dans le monde, d’Asie, des États-Unis, de l’Europe entière, ce qui donne à la scène locale une dimension internationale. Nous avons mis en place pour ces collectionneurs un programme VIP.

Quelles sont les perspectives du Brussels Gallery Weekend ?

Nous avons développé avec d’autres « Gallery Weekend » un projet nommé Art Across Europe. Au travers de ce projet nous échangeons des idées, créons des articles, des talks. L’idée principale est de mettre en valeur les différentes scènes artistiques locales et de se soutenir les uns les autres. Nous sommes maintenant sept villes : Bruxelles, Paris, Madrid, Lisbon, Zurich et Cologne/Düsseldorf. Un site internet a été créé regroupant toutes les informations : www.artacrosseurope.com.

Brussels Gallery Weekend
Du 03 au 06 septembre 2020
www.brusselsgalleryweekend.com

Galeries participantes
ARCADE, Archiraar Gallery, La Patinoire Royale – Galerie Valérie Bach
Ballon Rouge Collective, Baronian Xippas, Bernier/Eliades Gallery
Didier Claes, C L E A R I N G, Damien & The Love Guru
dépendance, Dvir Gallery, Galerie DYS, MLF | Marie-Laure Fleisch
La Forest Divonne, Fracas w/ atelier Jespers, Galerie Félix Frachon
Pierre Marie Giraud, Gladstone Gallery, Xavier Hufkens, rodolphe janssen
LA MAISON DE RENDEZ-VOUS, Irène Laub Gallery, Harlan Levey Projects
LMNO, MARUANI MERCIER, Galerie Greta Meert, Meessen De Clercq
Mendes Wood DM, Montoro 12, Jan Mot, Galerie Nathalie Obadia
OV Project, ALMINE RECH, Michel Rein, Sorry We’re Closed
Spazio Nobile, Stems Gallery, TEMPLON

Exposition Generation Brussels
Commissariat Evelyn Simons
Artistes
Carlotta Bailly-Borg, Simon Demeuter, Jot Fau, Naomi Gilon
Tom Hallet, Bert Jacobs, Hélène Meyer, Mountaincutters, Elise Peroi
Badi Rezzak, Héloïse Rival, Siemen Van Gaubergen

Tom Hallet, To Helena, 2020
Crayon sur papier, 21 x 29,7 cm. Generation Brussels
Christiane Blattmann, EVR AFTR #2, 2019
jute, acier inoxydable, bronze, verre, silicone, pigment, 200 x 35 x 55 cm
Galerie Damien and the Love Guru
Simon Demeuter, série Ghosts, 2020. 160 x 180 cm. Generation Brussels