MARGAUX SZYMKOWICZ

MARGAUX SZYMKOWICZ

Margaux Szymkowicz, Mimésis #8, Terre crue, échelle 1 d’un parpaing creux, 20 x 20 x 50 cm, 2017

PORTRAIT D’ARTISTE / Margaux Szymkowicz
Par Maya Trufaut

Dans le cadre de Coopérative curatoriale hors les pages

Envisager le travail de Margaux Szymkowicz, c’est renoncer à qualifier son style tant il détonne par sa pluralité. L’artiste nourrit son imaginaire en permanence de ses observations : elle s’imprègne de tout ce qui l’entoure, si bien que les idées surgissent sans qu’elle n’ait à les rechercher. Matérialiser toutes ses pensées volatiles devient un enjeu mais aussi un jeu qui déculpe sa créativité. Pour elle, créer doit rimer avec s’amuser car seul l’humour sait façonner n’importe quel médium. 

Margaux Szymkowicz cherche la distraction, pour elle-même, mais surtout pour le spectateur. Le faire sourire, et même rire, c’est le captiver et l’amener à prendre le temps de réfléchir. C’est donc parfois sous une apparence comique que son travail aborde des sujets graves et profonds, qu’elle ne peut pas toujours expliquer avec les mots. D’ailleurs, pourquoi toujours signifier ? L’artiste n’annonce pas une symbolique spécifique, c’est l’œuvre qui doit pouvoir faire sens en chacun de nous. Une fois son travail exposé, son « je » d’artiste disparait pour laisser le public l’activer à travers sa propre interprétation. Qui est-ce qui fait l’œuvre finalement, le créateur ou le regardeur?

Cette problématique duchampienne l’amène à s’interroger à de nombreuses reprises sur le statut d’œuvre d’art. Ainsi, en 2014, à l’occasion de l’exposition Versus IV : Tu peux le faire, avec sa collaboratrice Cyndie Olivares, elle amorce une première piste de réflexion. Ensemble, elles imaginent des modes d’emploi donnant la possibilité à l’artiste de faire réaliser ses propres œuvres par quelqu’un d’autre. En 2018, elles vont plus loin en inventant un « sport qui se construit », l’installation Bla Matta, que le public peut réaliser par lui-même à partir d’un livret d’instructions.

Mettre en avant un simple mode d’emploi permet à l’artiste de désacraliser l’œuvre d’art et de la rendre encore plus accessible à tous. Pourtant, Margaux Szymkowicz souhaite également nous interroger sur l’objectif de perfection de ces notices. Un mode d’emploi n’est pas une promesse de réussite. Il y aura toujours une insatisfaction humaine de ne pas avoir un résultat parfait, de ne pas avoir fait ce qu’il fallait voire même d’avoir échoué.

Pour elle, la poésie de la création réside justement dans son imperfection, dans les défauts qui échappent à notre contrôle. Dans sa série Mimésis, élaborée entre 2013 et 2017, l’artiste décide de reproduire des objets banals du quotidien en leur laissant volontairement un aspect inachevé. Pour cela, elle choisit une matière organique, la terre crue, révélant une fragilité et une impermanence de ces œuvres vivantes qui peuvent, à tout moment, se fissurer et se désagréger à jamais. 

En esthétisant le raté et parfois l’échec du processus créatif, Margaux Szymkowicz pose un regard humble sur son travail et plus généralement sur l’art contemporain. L’œuvre n’est plus mystifiée, elle est à la portée de tous ; elle vit par et pour le public que l’artiste s’ingénie, avec malice, à inviter au cœur de sa pratique. 

Maya Trufaut
Assistant curator du CACN