DORMIR À LA BELLE ÉTOILE SUR UN LIT DE GALETS, LAURENT LACOTTE

DORMIR À LA BELLE ÉTOILE SUR UN LIT DE GALETS, LAURENT LACOTTE

EN DIRECT / Exposition DORMIR À LA BELLE ÉTOILE SUR UN LIT DE GALETS, Laurent Lacotte, DOC! Paris
Commissaire Léo Marin

« On s’apercevra vite que la nuit à la belle étoile est néfaste.
La voûte céleste rend insomniaque : trop de beauté,
trop de grandeur pour songer à dormir. »
Sylvain Tesson, 2005

Beaucoup de textes éclairants ont été écrits sur le travail de Laurent Lacotte. Sur l’intérêt qu’il porte aux choses et aux personnes fragiles notamment, sur sa volonté de révéler au travers de ses gestes et de ses réalisations un certain « envers du décor » de nos sociétés contemporaines. Depuis plus de dix ans, Laurent produit une œuvre affranchie de contraintes dogmatiques, une œuvre évolutive où le hasard et l’aléatoire (aujourd’hui denrées rares et précieuses) sont importants. Elle s’inscrit tant dans l’espace public que dans les lieux de monstration plus institutionnels. Des formes souvent légères et poétiques mais qui n’en sont pas moins percutantes. Guillaume Lasserre écrit dans le dossier de presse accompagnant la dernière exposition personnelle de l’artiste à Marseille (« Dérives », Urban Gallery, printemps 2021, dans le cadre du «Printemps de l’Art Contemporain ») que « (…) si ses interventions perdurent, c’est parce que les images convoquent, non sans-humour mais sans se dérober, la part sombre de l’humanité, les tumultes du monde. (…) ». (lien)

« Dormir à la belle étoile sur un lit de galets » œuvre éponyme de cette nouvelle exposition personnelle de Laurent Lacotte, pour qui le retour à Paris dans un solo show se faisait attendre, donne tout de suite le ton. La phrase monumentale qui saute aux yeux du public à l’entrée de l’exposition a ce quelque chose de doucereux, ce caractère doux-amer que l’on retrouve dans beaucoup de productions de l’artiste.  Les galets en question ne sont pas ceux que les caresses de l’eau ont déposés dans le lit de la rivière. Nous parlerons plutôt ici des pierres agencées par la main humaine en certaines occasions. 

Laurent Lacotte a débuté ses recherches sur les mobiliers d’empêchement et particulièrement les mobiliers anti-sdf il y a plus de quatre ans. La première de ses sculptures inspirée de ces formes qui jalonnent discrètement nos urbanités a été montrée à la Villa Arson en 2017 à l’occasion de l’exposition « Go Canny – poétique du sabotage » curatée par Nathalie Desmet, Eric Mangion et Marion Zilio.

Aujourd’hui, les pierres coulées dans le béton ne s’appuient plus sur des assises préexistantes comme c’était le cas auparavant mais sur des formes nouvelles et réagençables imaginées par l’artiste. Quatre modules viennent ponctuer la salle d’exposition et convoquent une réalité rugueuse entre les murs de Doc. Ils apportent avec eux un dehors impitoyable et exacerbent notre conscience du dedans.

Revenu de toute posture, Laurent Lacotte propose également une grande série photographique de mots écrits en divers lieux traversés, lors de ce que l’artiste appelle, ses « dérives ». Une grande sincérité préside à ce travail débuté il y un an-et-demi lors du premier confinement à l’heure où il fallait pour beaucoup repenser la façon de produire de l’art. Nous découvrons donc dans ces toutes nouvelles productions, que le mode opératoire a quelque peu changé chez Laurent. La lettre et le mot, auparavant concours de circonstances deviennent aujourd’hui pour lui ses outils de mise en lumière de prédilection. Ils sont autant de leviers à échanger plus directement encore avec le public. « Quoi de plus partagé que ces vingt-six lettres de l’alphabet utilisées chaque jour par tou•te•s. Ces vingt-six lettres qui permettent de lire et de dire le monde ? »

De son sac à dos, il a fait un atelier mobile.

Toujours muni d’un alphabet de pochoirs, de bombes de peinture aérosol ou de pigments naturels à projeter à l’aide d’une sarbacane, il continue de sillonner les paysages urbains, péri-urbains ou naturels dans lesquels il évolue et marque son passage de mots savamment choisis. De Paris à Marseille, de Londres à Madrid en passant souvent près des littoraux tant aimés, c’est le regard aux aguets qu’il s’empare de situations fortuites mais révélatrices pour collisionner de lettres les maux quotidiens auxquels nous ne prêtons plus attention.

L’amuseur ne nous raconte plus d’histoires et se permet ce nouveau langage qui laissera à chacun•e le soin de se plonger dans l’œuvre afin d’y trouver un morceau du monde.

   REGARDE nous dit Laurent. 

A nous donc maintenant d’arrêter de seulement voir.

A nous de sentir le potentiel poétique en toute chose. 

A l’instar d’un simple casque de moto échoué sur une plage un matin et d’entrapercevoir au travers de sa visière ouverte sur l’horizon, une utopie où la bienveillance serait le principal mot d’ordre.

Une échappée vers l’ailleurs.  Un ailleurs à l’espérance retrouvée.

Léo Marin

Vue de l’exposition : Laurent Lacotte « Dormir à la Belle étoile sur un lit de galets » photo © Salim Santa Lucia
Vue de l’exposition : Laurent Lacotte « Dormir à la Belle étoile sur un lit de galets » photo © Salim Santa Lucia
Vue de l’exposition : Laurent Lacotte « Dormir à la Belle étoile sur un lit de galets » (détail) photo © Léa Mercier
Vue de l’exposition : Laurent Lacotte « Dormir à la Belle étoile sur un lit de galets » (détail) photo © Léa Mercier
Vue de l’exposition : Laurent Lacotte « Dormir à la Belle étoile sur un lit de galets » (détail) photo © Léa Mercier
Vue de l’exposition : Laurent Lacotte « Dormir à la Belle étoile sur un lit de galets » (détail) photo © Léa Mercier
Vue de l’exposition : Laurent Lacotte « Dormir à la Belle étoile sur un lit de galets » (détail) photo © Léa Mercier
Vue de l’exposition : Laurent Lacotte « Dormir à la Belle étoile sur un lit de galets » (détail) photo © Léa Mercier
Laurent Lacotte, S’accrocher, 2021, peinture à l’eau sur bouée
Laurent Lacotte, S’accrocher, 2021, peinture à l’eau sur bouée
Laurent Lacotte, Regarde, 2020, peinture à l’eau sur bouée
Laurent Lacotte, Regarde, 2020, peinture à l’eau sur rocher
Vue de l’exposition : Laurent Lacotte « Dormir à la Belle étoile sur un lit de galets » (détail) photo © Salim Santa Lucia
Vue de l’exposition : Laurent Lacotte « Dormir à la Belle étoile sur un lit de galets » (détail) photo © Salim Santa Lucia
Vue de l’exposition : Laurent Lacotte « Dormir à la Belle étoile sur un lit de galets » (détail) photo © Salim Santa Lucia
Vue de l’exposition : Laurent Lacotte « Dormir à la Belle étoile sur un lit de galets » (détail) photo © Salim Santa Lucia