HAEGUE YANG – MESMERIZING MESH – PAPER LEAP AND RESONATING HABITAT

HAEGUE YANG – MESMERIZING MESH – PAPER LEAP AND RESONATING HABITAT

Haegue Yang, Mesmerizing Mesh – Paper Leap and Resonating Habitat, vue d’exposition, Galerie Chantal Crousel, Paris (2022). Courtoisie de l’artiste et de la Galerie Chantal Crousel, Paris. Photo Aurélien Mole

EN DIRECT / Exposition Haegue YangMesmerizing Mesh – Paper Leap and Resonating Habitat, jusqu’au 03 décembre 2022, Galerie Chantal Crousel, Paris

Par Laure Jaumouillé

Née en 1971 en Corée du Sud, Haegue Yang vit entre Berlin et Séoul. Du 18 octobre au 3 décembre 2022, elle présente sa quatrième exposition personnelle à la galerie Chantal Crousel. Habituée à s’adapter à chaque lieu dans lequel elle intervient, elle propose ici une série d’œuvres in situ, intégrant l’architecture de la galerie. On observe dans son œuvre une certaine matérialité qu’elle associe à une dimension profondément spirituelle.

Installée à Berlin après son baccalauréat, Haegue Yang initie sa trajectoire artistique à la fin des années 1990. Tandis qu’elle développe des installations immersives, elle fait usage de matériaux trouvés dont elle détourne la fonction originelle. Ainsi, les stores vénitiens sont récurrents dans sa pratique ; à savoir des objets du quotidien métamorphosés en œuvres d’art. En outre, on trouve dans ses expositions des séchoirs à linge, des lampes d’ambiance, des radiateurs ou encore des ventilateurs.

Le titre de l’exposition de Haegue Yang annonce deux séries d’œuvres de l’artiste ; à savoir, des œuvres en papier et des sculptures faites de clochettes. Récemment, Haegue Yang s’est emparée du papier hanji, un papier d’origine coréenne produit manuellement à partir d’une pâte de mûrier1. C’est ainsi qu’elle développe une série d’œuvres inédites constituée de collages. La clef de voûte de l’exposition consiste en l’accrochage de dix-neuf collages hanji que l’artiste considère comme des « sculptures de papier ». Dénommée Mesmerizing Mesh, cette série prend source en 2021 et se trouve dotée d’une dimension spirituelle proche du chamanisme. Inspirée par les rituels de guérison et d’exorcisme, Haegue Yang crée des œuvres caractérisées par une forme d’abstraction géométrique qui s’épanouissent à partir d’un centre pour se développer vers l’extérieur. Il nous faut aussi mentionner l’intérêt de l’artiste pour les rituels populaires et pour la religion shintoïste.

Haegue Yang fait aussi référence au Sumun, consistant en une feuille de papier suspendue et dont on fait l’usage dans le contexte de rituels à l’encontre des esprits maléfiques. Sur certaines œuvres, on observe des ornements figuratifs à la lisière de l’anthropomorphisme. L’artiste fait aussi écho aux nukjeon, des poupées de papier qui reçoivent les âmes des morts et sont utilisées par les chamans dans certaines cérémonies mémorielles. C’est ainsi que les morts sont honorés et transfigurés pour renaître dans une autre vie. Les papiers-collés de Haegue Yang nous rappellent la tradition slave des wycinanki, une pratique développée tout particulièrement en Pologne, Ukraine et Biélorussie. A la manière des chamans, il s’agit ici d’effectuer des « sauts mystiques » qui viennent nous projeter dans un autre monde.

L’œuvre intitulée Mesmerizing Pagoda – Overground Ultramundane Flowers (2022) apparaît comme une sculpture en bois recouverte d’une couche de peinture verte et de fleurs séchées hanji. On retrouve ces mêmes fleurs au sein de cérémonies bouddhistes ainsi que dans des rites chamaniques. Dans le couloir de la galerie, Haegue Yang présente deux œuvres murales qui témoignent de l’utilisation par l’artiste de stores vénitiens, Angular Evergreen Climber Habitat (2022) et Alternating Hollyhock Habitat (2022). L’artiste souligne l’aspect composite de ce matériau, tout à la fois privé et public, mais aussi la dimension poreuse entre l’intérieur et l’extérieur. Les titres de ses œuvres les plus récentes évoquent une nature luxuriante, évoluant inlassablement jusqu’à recouvrir et submerger les murs qui l’accueillent. Suspendues au plafond en trois endroits, des sculptures faites de clochettes ponctuent l’espace de la galerie : Sonic Celestial Ropes (2022). Haegue Yang utilise la clochette dans la mesure où son intention est de créer une œuvre sonore. Celle-ci est donc sollicitée en tant que matière visuelle, physique et sonore, tandis que le bruit qui s’en dégage fait écho à des rituels chamaniques.

Enfin, la série des Sonic Celestial Ropes (2021) fait écho à un récit traditionnel coréen. Cherchant à fuir l’attaque d’un tigre, deux enfants s’agrippent à une corde et montent jusqu’au ciel. Ils sont alors métamorphosés en « soleil » et « lune ». Entre le tangible et l’immatériel, l’œuvre de Haegue Yang occupe un emplacement intermédiaire. Ses sculptures de papier, de clochettes et de stores vénitiens coexistent de façon singulière. Au travers de son intérêt pour le chamanisme et les rituels traditionnels, Haegue Yang nous enjoint à nous relier au « Monde de la Vie »2 selon une dimension animiste.

1 On trouve ce même type de papier en Corée, au Japon et en Chine.

2 ABRAM David, Comment la Terre s’est tue, Pour une écologie des sens, Éditions La Découverte, 2013, p.338.

Laure Jaumouillé

Haegue Yang, Mesmerizing Mesh - Paper Leap and Resonating Habitat, vue d'exposition, Galerie Chantal Crousel, Paris (2022). Courtoisie de l'artiste et de la Galerie Chantal Crousel, Paris. Photo Aurélien Mole
Haegue Yang, Mesmerizing Mesh – Paper Leap and Resonating Habitat, vue d’exposition, Galerie Chantal Crousel, Paris (2022). Courtoisie de l’artiste et de la Galerie Chantal Crousel, Paris. Photo Aurélien Mole
Haegue Yang, Mesmerizing Mesh - Paper Leap and Resonating Habitat, vue d'exposition, Galerie Chantal Crousel, Paris (2022). Courtoisie de l'artiste et de la Galerie Chantal Crousel, Paris. Photo Aurélien Mole
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