NATHALIE BOROWSKI, LE BALLET DES CELLULES, CONTE GOTHIQUE D’AUJOURD’HUI

NATHALIE BOROWSKI, LE BALLET DES CELLULES, CONTE GOTHIQUE D’AUJOURD’HUI

Nathalie Borowski, Escaping the cell – 10 plaques de polyuréthane 2mx1m – Vue d’exposition à Dijon

FOCUS / Nathalie Borowski
par Hélène Lassalle

LE BALLET DES CELLULES, CONTE GOTHIQUE D’AUJOURD’HUI

Il faut imaginer un corps, un corps humain. Le nôtre. Les formes vibrionnant sur le mur seraient nos cellules. Elles s’agitent, se déforment, se multiplient. Le format qui les enserre comme un cadre, rectangle ou sphère, est le signe symbolique qui marque la limite des organes qu’elles composent, la détermination de leurs fonctions, la contrainte des lois définies par la biologie. La suggestion du mouvement incessant des modules atteste leur vitalité, affirme notre énergie d’être vivant.

Mais les cellules parfois s’échappent. Elles s’évadent des lois imposées et de leur rôle imparti. La vie s’affole. Dans une indépendance imprévue les cellules perturbent le fonctionnement vital.

Liberté novatrice ? Mutation ? Evolution ? Ou bien menace d’un dérèglement mortifère ? 

Pour traduire nos questionnements sur l’humain, Nathalie Borowski emprunte à un art populaire, le théâtre d’ombres. Chaque cellule est un personnage fantastique, monstre, dragon, créature fabuleuse des airs ou des profondeurs marines, sorti des fables. Les figures sont découpées, comme vues à contre-jour. Le fond clair fait apparaître en blanc les vides ciselés sur le fond noir du panneau de polyuréthane et isole les contours noirs des mêmes formes échappées et proliférant à l’air libre.

Toujours pratiquée dans les cultures asiatiques, en Chine, au Vietnam, en Indonésie, la technique des silhouettes découpées a connu une grande popularité en Europe au XIXème siècle à l’époque romantique. Des visages de profil, des scènes mondaines et sentimentales bordées de guirlandes et d’ornements, taillés dans du carton noir ou, peints comme s’ils avaient été découpés, ont rempli médaillons décoratifs et illustrations. 

C’est dans cette lignée qu’il faut situer l’oeuvre de Nathalie Borowski, au fil d’une tradition millénaire et revisitée par des créateurs actuels, mais par coïncidence, sans aucune influence sur son travail. La technique ici est artisanale et la référence est scientifique – la biologie – pour soutenir une réflexion personnelle sur les enjeux du vivant. Une place particulière est accordée à la recherche génétique.

La vitalité des cellules est le moteur de notre croissance, de notre énergie, de nos capacités, de nos pouvoirs, de notre simple survie. Mais leur prodigieuse merveille mécanique et chimique est fragile. Hors cadre, hors la loi, les cellules se multiplient, agents de régénération ou bien de désordre et de mort, cancer, sida, maladies neuro-dégénératives et auto-immunes. Le gracieux ballet des ombres se mue en magie noire d’un conte gothique très contemporain. Le gage de vie peut se transformer en son contraire. Peut-on, doit-on intervenir ? Peut-on modifier notre héritage génétique ? Et la question devient philosophique. 

 Avons nous la possibilité mais aussi avons-nous le droit de manipuler notre singularité génétique et quelles peuvent en être les conséquences et les implications éthiques ?

L’art rejoint les interrogations de la bioéthique. Délaissant mythes, légendes, les craintes et les rêves du passé, l’ancestral théâtre d’ombres met en scène, comme un jeu, les questionnements, les angoisses et les espérances de notre temps.

Hélène Lassalle, critique d’art
Conservateur en chef honoraire du Patrimoine

Nathalie Borowski, Tectonique des plaques – Dessin à l’encre sur bois – dimensions variables – Vue d’exposition l’Orangerie de Cachan - 1er Prix du Jury Biennale de Cachan 2018.
Nathalie Borowski, Tectonique des plaques – Dessin à l’encre sur bois – dimensions variables – Vue d’exposition l’Orangerie de Cachan – 1er Prix du Jury Biennale de Cachan 2018.
Nathalie Borowski, Ping-pong de l’ADN – Découpes manuelles de balles de ping-pong / écriture cellulaire - Boîte entomologique 19x26cm – Balles découpées/boîte œufs
Nathalie Borowski, Ping-pong de l’ADN – Découpes manuelles de balles de ping-pong / écriture cellulaire – Boîte entomologique 19x26cm – Balles découpées/boîte œufs
Nathalie Borowski, Le grand combat  – Création d’une écriture et report en lithographie sur papier BFK Rives 56x76cm d’après “Le grand combat“ d’Henri Michaux (Tirage à 5  ex.)
Nathalie Borowski, Le grand combat – Création d’une écriture et report en lithographie sur papier BFK Rives 56x76cm d’après “Le grand combat“ d’Henri Michaux (Tirage à 5 ex.)
Nathalie Borowski, Etudes – Dessins / Tubes à essai en verre – Support en bois – Dimensions variables
Nathalie Borowski, Etudes – Dessins / Tubes à essai en verre – Support en bois – Dimensions variables
Nathalie Borowski, Sans titre – Dessin #1/5 sur papier BFK rives / plante - 56x76cm
Nathalie Borowski, Sans titre – Dessin #1/5 sur papier BFK rives / plante – 56x76cm
Nathalie Borowski, Satellites – Dessins sur papier /verre – Diamètre 8cm – Installation in situ
Nathalie Borowski, Satellites – Dessins sur papier /verre – Diamètre 8cm – Installation in situ
Nathalie Borowski, Les grands fonds #3 – Dessin d’après coordonnées sous-marines sur papier BFK Rives – 56x76 cm
Nathalie Borowski, Les grands fonds #3 – Dessin d’après coordonnées sous-marines sur papier BFK Rives – 56×76 cm
Nathalie Borowski, Sans titre - Peintures sur bois / verres – Diamètre 1m – Installation in situ
Nathalie Borowski, Sans titre – Peintures sur bois / verres – Diamètre 1m – Installation in situ

NATHALIE BOROWSKI – BIOGRAPHIE
Nathalie Borowski vit à Paris
et travaille au sein du 6b à Saint-Denis

Remarquée au Salon de Montrouge en 2008, elle expose régulièrement depuis (Grand Palais à Paris, Palais des Beaux-arts à Bruxelles etc.). Nominée pour le Prix des jeunes plasticiens (2011), lauréate du Prix du Public (2013), et du Prix du Jury à la Biennale d’Art Contemporain de Cachan (2018).
Nathalie Borowski tente d’établir des rapprochements entre science et schémas sociétaux. “Et si l’organisation de la société, ses mouvements, ses réseaux, sa communication n’étaient que le reflet de notre constitution et modélisation cellulaire ?“

En se fondant sur des faits scientifiques établis, elle oriente sa recherche vers un univers onirique, allégorique et compose des analogies avec le monde extérieur. Cellules, gènes, chromosomes, migrations cellulaires, systèmes de communication sont autant de prétextes à une réflexion sur le thème de l’ADN. Tel un organisme vivant en perpétuelle évolution, son travail tente d’en déployer les signes et les codes.

www.nathalieborowski.com
Insta : https://www.instagram.com/nathalieborowski

HÉLÈNE LASSALLE – BIOGRAPHIE
Hélène Lassalle est conservateur en chef du patrimoine, spécialiste de l’art du XXème siècle auquel elle a consacré de nombreux écrits et expositions, ainsi que son enseignement à l’Ecole du Louvre. Secrétaire générale de l’Association internationale des critiques d’art (A.I.C.A) de 1981 à 1989, elle développe en particulier les relations avec les artistes d’Amérique latine et des Antilles.
En 1991, Hélène Lassalle prend la direction du Musée national Picasso à l’Hôtel Salé, puis de 1998 à 2005, celle du Centre de recherche et de restauration des Musées de France (C2RMF) pour l’art moderne et contemporain.