JUSTINE BLAU

Justine Blau, Phusis, video extract_work in progress_2022

PORTRAIT D’ARTISTE / Justine Blau
par Margot Delalande

Le travail poétique de Justine Blau touche à l’éphémère, l’invisible et ce qui a disparu. Elle montre des bulles de savons qui éclatent après quelques secondes (Soap Bubble, 2020 et Phusis, travail en cours), des espèces végétales éteintes (Le Magicien, 2019, faisant partie de De-extinct project) ou des cellules génétiques microscopiques (3,0.1013, 2020). L’artiste s’intéresse au vivant, aux plantes, au corps humain, aux astres. Elle brouille les frontières entre macroscopique et microscopique, passe de l’un à l’autre de façon fluide, renforçant la vision du vivant comme faisant partie d’un tout. 

Elle s’entoure pour ses recherches de scientifiques comme les conservateurs.rices de l’Herbier de Darwin, au Cambridge University Herbarium (De-extinct project), les spécialistes de l’Herbier disparu de Berlin (recherches en cours), les analystes du Laboratoire national de santé (3,0.1013, 2020) ou s’attarde sur les maquettes du lycée technique pour professions de santé de Bascharage au Luxembourg (Soma, 2020).

Son iconographie souligne la beauté des racines, d’une graine, d’une bulle de savon, d’un chromosome, mais aussi d’un placenta et de cellules cancéreuses. Ses œuvres révèlent la poésie qui se loge dans un schéma scientifique, une maquette ou une image médicale. Son travail conduit à la contemplation tout en offrant une lecture critique du monde. 

Dans son œuvre sonore Je suis un morceau de paysage (2021), elle aborde des questions de migration et de solastalgie. Elle questionne des personnes immigrées et installées au Luxembourg sur les paysages du pays qu’elles ont quitté. Ces dernières évoquent le souvenir des eucalyptus, des fruits du jaboticaba, des œillets rouges du Portugal, des bananes plantains, mais aussi des forêts de cacao exploitées par les colons et des héritages de l’esclavagisme.

Pour son projet De-extinct project, Justine Blau propose de ramener à la vie le Sicyos Villosa. Un spécimen de cette plante disparue a été rapporté par Darwin et il est aujourd’hui conservé à l’Herbier de Darwin du Cambridge University Herbarium. Elle s’intéresse à la désextinction, ce processus de création d’une espèce apparentée à une espèce éteinte, et à son utilisation commerciale. Avec ce projet, elle questionne le rôle des herbiers, leur ambition à répertorier l’intégralité des espèces et leur digitalisation.

Ses œuvres traduisent sa fascination pour le vivant et l’urgence qu’elle ressent à adopter une attitude moins virtuelle dans notre rapport au monde : “Il y a un déni de finitude dans le monde actuel. On voit le monde de façon figée, inaltérable. mais il s’écrit comme un tout. Déjà Darwin est conscient de l’extinction des espèces, phénomène informé par Georges Cuvier, il est conscient du fait qu’un simple geste chamboule tout l’écosystème, c’est immaîtrisable.” 

Margot Delalande
Texte écrit avec le soutien de Kultur | lx – Arts Council Luxembourg

JUSTINE BLAU – BIOGRAPHIE
Justine Blau(1977) adopte dans son travail une approche pluridisciplinaire, mêlant sculptures, installations, photographies et vidéos. A travers ses projets, elle traite des questions ontologiques sur le rapport de l’humain à la nature, à l’image et au monde vivant. Ses créations ont fait l’objet de nombreuses expositions au Luxembourg et en Europe, dont récemment Vida inerte au Centre Nei Liicht de Dudelange (2020), avec une publication paraissant prochainement chez K.Verlag. En 2019 elle est invitée en résidence à la Cité internationale des Arts à Paris. 
Parmi ses récentes expositions et projets on compte : Je suis un morceau de paysage, Pavillon Esch 2022, Esch-sur-Alzette (2021) ; Ressac/re avec Stéphane Ghislain Roussel, Waterwalls Festival, Esch-sur-Sûre (2021) ; Vida inerte, Nei Liicht, Dudelange (2020) ; Résidence d’artiste, Cité internationale des Arts, Paris (2019) ; Ein Fenster inmitten der Welt,  Wolkenhof (2019) ; 3,0.10 13, Laboratoire national de santé, Dudelange (2019) ; Paysages recomposés, Prieuré du Pont-loup, Moret-sur Loing (2018) ; Prix d’art Robert Schuman, Metz (2018) ; Corridor 2, Pachamama , Insitu, Berlin (2017) ; LEAP Encouragement for artists prize, Rotondes, Luxembourg (2016) ; The Circumference of the Cumanán Cactus, Cité de l’image, Clervaux (2015) ; Tous les chemins mènent à Schengen, Frac Lorraine, Metz (2015) ; Don’t Panic. A harmless exhibition, Cape, Ettelbruck (2015) ; The adventure of a photographer, Museo Laboratorio di Arte Contemporanea, Rome (2014) ; The Project, Galerie Bradtke, Luxembourg (2014) ; Subjective maps / Disappearances, a Little Constellation project, National Gallery of Iceland (2013) ; Los primeros emprendores, Galerie Toutouchic, Metz (2013) ; Los primeros emprendores, Centre d’Art Dominique Lang, Dudelange (2013) ; DistURBANces, – LandEscapes, MNHA, Luxembourg (2013) ; Landmark: The Fields of Photography, Somerset House, London (2013) ; Anatomicals, Bergman Berglind Gallery, Luxembourg (2013) ; DistURBANces, MUSA, EMOP, Vienne (2012) ; Noorderlicht Festival, Terra Cognita, Museum Belvédère, Oranjewoud (2012).
https://justineblau.com