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Melanie Feuvrier, Maeva Prigent et Anne Bravy ©melanie feuvrier

EN DIRECT / Exposition FROM: TO:
Jusqu’au 17 octobre 2021, COLLECTIF SPORTS, 70 Rue Beaumarchais, Montreuil

Avec: Anne BravyMélanie FeuvrierLisa OuakilGiancarlo PirelliMaéva PrigentClément Salzedo

Commissariat d’expositionespace fine
espace fine est un collectif curatorial fondé en 2021 par Fanny Fernandez, Virna Gvero, Jay Levent, Jade Mahrour et Anna Priot

1er juillet

Transmis d’artiste en artiste au fil des années, l’atelier du collectif S.P.O.R.T.S est un espace hybride ; un lieu de travail, de création et d’exposition installé au sein d’une ancienne maison de ville du quartier Croix de Chavaux à Montreuil. C’est autour de ce lieu et de sa transmission que s’est construite au fil des années l’identité de ce collectif composé d’artistes aux pratiques singulières et autonomes. Lorsque nous y retrouvons Mélanie, Maéva et Lisa pour notre première rencontre, S.P.O.R.T.S est en train de préparer sa prochaine métamorphose, une nouvelle façon d’exprimer cette identité partagée, ancrée dans cet espace qui garde les vestiges de son passé domestique et le nom de ses ancien.nes occupant.e.s.

L’espace et la transmission : ces deux notions nous renvoient inévitablement au contexte présent, où les espaces partagés font l’objet d’un contrôle sans précédent et où le fait de transmettre est synonyme de contamination. Pourtant, dans les œuvres des artistes que nous rencontrons aujourd’hui, la notion de transmission se révèle être une donnée bien plus complexe, qu’elles explorent en tant que phénomène pluriel et fondateur, façonnant la configuration de nos lieux de vie et de travail, notre relation à la représentation ainsi que nos modes de communication. C’est sous ce prisme que commence à se dessiner notre réflexion : quels sont les modes de transmission encore viables à notre époque, et de quelle manière façonnent-ils la création artistique ? En écho à l’histoire de ce lieu, ce sont ces enjeux que nous allons explorer dans cette exposition, nouveau moment dans l’histoire de transmission qui est si constitutive de cet espace.

21 juillet

À la découverte des derniers travaux de Giancarlo et Clément, notre conversation se porte rapidement sur l’art et la religion. À travers leurs œuvres, ces paradigmes mis en place pour garantir la pérennité des sociétés humaines font l’objet d’une déconstruction, d’une remise en question profonde. Dans la pratique picturale de Giancarlo, ce questionnement se concrétise par une désacralisation de l’objet-oeuvre, soumis à un processus de décomposition accélérée et donc privé de son caractère transcendant. À travers des réalisations qui contiennent le principe de leur propre effacement, l’artiste définit un mode de transmission qui est circonscrit dans le temps, refusant la logique de la postérité.

La question de la réception est également présente dans le travail de Clément, dont les œuvres filmiques et plastiques portent un regard critique sur les récits individuels ou collectifs qui participent à la construction du soi. S’attaquant à la question de la parole et aux comportements qu’elle engendre, l’artiste nous alerte aux dynamiques profondément ambivalentes qui sous-tendent la constitution et la perpétuation d’un système de croyances, d’un corpus de traditions ou simplement de l’identité personnelle. Par un effet de distancement ironique, ces œuvres renvoient aux processus de commodification, d’appropriation ou de détournement qui régissent également les dynamiques de transmission.

2 août

Visite à l’atelier avec Anne Bravy. Des dessins sont accrochés aux murs, ils attirent immédiatement notre regard. Dans son travail, la transmission s’opère par un renversement des termes dichotomiques qui traversent son œuvre : l’artiste et la matière, les corps et les objets, le masculin et le féminin. Nous
en parlons dès notre arrivée à l’atelier : ses œuvres graphiques évoquent un univers fait de rituels, de traditions et de connaissances résolument féminins. Réalisées par des mouvements répétitifs, ou alors indépendamment du regard de l’artiste, ces réalisations mettent à mal ce fantasme scopique qui traverse l’histoire de la transmission visuelle : ici, c’est la matière elle-même qui définit la composition, ou le transfert des images. Ces mêmes mécanismes sont à l’œuvre dans son travail performatif, dont elle nous montre des images d’archive. Ici, ce qui est transmis devient le lieu d’une action, d’une réappropriation ou d’une réparation, souvent liées à la représentation du corps féminin.

17 août

Nous rencontrons Lisa à l’atelier, tout juste rentrée d’une résidence d’un mois en Sicile. L’artiste appuie avec précision ses grandes peintures colorées au mur pour nous parler de son travail. Elle nous explique qu’elle aime voyager, découvrir de nouveaux paysages, qui se retrouvent dans ses peintures. Elle est déjà partie au Mexique, aux États-Unis… L’environnement qui l’entoure est central dans sa démarche. Dans ses peintures, le paysage devient corps, des formes abstraites émergent. Nous comprenons que les peintures varient en fonction de ce que l’endroit a transmis à Lisa ; elle retranscrit son essence, presque sacrée, et les sensations, la lumière et l’organique. Nous aimons le fait que le processus de transmission, tant dans ses émetteur.rice.s et récepteur.rice.s que dans sa forme, soit multiple. Qu’il ne puisse être qu’une impression, qu’un sentiment flottant.

3 septembre

Après l’été, nous donnons rendez-vous à Maéva dans un café. Elle nous propose différentes façons de répondre à ce questionnement autour de la transmission. Alors que l’une de ses installations s’articulera autour du langage et de la communication impossible au travers d’un message figé ; une autre de ses pièces jouera entre matériau et signification, représentant l’idée d’une transmission mobile en perpétuel mouvement. Maéva souhaite également présenter une série de natures mortes réunies dans un bloc note aux feuilles détachables accompagné d’un tas de sable recueillis sur la plage. Cette pièce répond à un projet qu’elle a fait cet été autour de la correspondance et de l’échange. Elle aimerait que les visiteurs repartent de l’exposition avec un petit tas de sable afin qu’il continue son voyage.

8 septembre

Nous rencontrons Mélanie pour la seconde fois. Elle travaille actuellement sur des séries photographiques qui ont pour objet des dossiers d’archives administratives. Trace du passé qui doit être conservée et transmise aux générations futures, l’archive est le corollaire nécessaire de la transmission. Qu’elle soit publique ou privée, qu’elle prenne la forme d’une photo ou d’un texte, qu’elle date d’hier comme d’il y a 100 ans, sa fonction première est d’être transmise dans le temps. Face à cette ambitieuse destinée, cet outil est à la fois fascinant et effrayant. C’est justement sur cette particularité que Mélanie souhaite nous emmener en proposant un double regard sur les archives. En mêlant de la photo strictement objective à de la photo abstraite, elle explore la transmission et montre avec justesse le rapport complexe que nous pouvons entretenir avec le passé et ses traces.

C’est dans cette complexité que nous avons souhaité explorer cette notion fondatrice, qui implique avant tout la présence d’un.e autre et la cohabitation d’un espace. Entre appropriation, jeux de langage, échanges transgénérationnels, sublimations et renversements, FROM: TO: rend hommage à la multiplicité d’actes de transmission qui s’opèrent dans l’espace qui se situe entre ces deux termes à l’apparence antipodiques.

Anne Bravy © melanie feuvrier
Anne Bravy © melanie feuvrier
Anne Bravy performance ©Melanie feuvrier
Anne Bravy performance ©Melanie feuvrier
Anne Bravy, Maeva Prigent Melanie Feuvrier Lisa Ouakil ©melanie feuvrier
Anne Bravy, Maeva Prigent Melanie Feuvrier Lisa Ouakil ©melanie feuvrier
Anne Bravy ©melanie feuvrier
Anne Bravy ©melanie feuvrier
Clement Salzedo © melanie feuvrier
Clement Salzedo © melanie feuvrier
Clement Salzedo ©melanie feuvrier
Clement Salzedo ©melanie feuvrier
Giancarlo Pirelli ©melanie feuvrier
Giancarlo Pirelli ©melanie feuvrier
Giancarlo Pirelli ©melaniefeuvrier
Giancarlo Pirelli ©melaniefeuvrier
Lisa Ouakil ©melanie feuvrier
Lisa Ouakil ©melanie feuvrier
Maeva Prigent ©melanie Feuvrier
Maeva Prigent ©melanie Feuvrier
Maeva Prigent ©melanie feuvrier
Maeva Prigent ©melanie feuvrier
Melanie Feuvrier ©melanie feuvrier
Melanie Feuvrier ©melanie feuvrier