LE BONHEUR @INTERFACE BERLIN

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Vue Exposition collective Le Bonheur – Commissariat Livia Parmantier – Interface Berlin

EN DIRECT / Exposition collective Le Bonheur
Commissariat Livia Parmantier (@liviaparm)
à Interface Berlin (@interface_berlin_), artist-run space cofondé par Alizée Gazeau et Linus Rauch (@alizeegazeau et @linus.rauch)

Avec Chloé Bensahel, Alizée Gazeau, Charles Hascoët, Nils Köpfer, Bianca Lee Vasquez, Ornaghi & Prestinari, Eleonora Santucci

Dans une interview de 1965, l’écrivain français Jean Giono exprimait sa vision du bonheur. « Le bonheur est à côté » 1, disait-il, il peut naître d’instants du quotidien parfois insignifiants et selon des prédispositions personnelles inexplicables : « une feuille de papier qui glisse bien » 2 au moment de l’écriture, « un travail bien huilé » 3, un ressenti particulier, la vue d’un objet, d’un paysage, peuvent devenir les catalyseurs d’une telle sensation. Ces moments apportent une profondeur supplémentaire au présent, aux choses telles qu’elles sont. Ils ouvrent à un ailleurs que le regard habituel ne perçoit pas. Cette exposition présente les œuvres d’artistes ayant retenu de tels instants.

L’espace du jardin accueille Phaéthon Partie III une installation d’Alizée Gazeau. L’œuvre fait suite à deux précédentes versions de cette composition. Un tissu constitué de formes de losanges et d’écailles de cuir cousues, prend place dans l’espace extérieur et forme un ensemble dont la surface est traversée par la lumière, les feuilles, les ombres de la journée, les oiseaux. Elle évoque un état intérieur suspendu entre la terre et le ciel. L’expérience d’une « absence parallèle à la présence » 4 associée à des moments de divagation, de lecture ou d’endormissement, dans lesquels on s’extrait des dynamiques du monde.

Bianca Lee Vasquez explore les pouvoirs thérapeutiques de la terre. Soil High Series introduit dans l’espace d’exposition une portion de terre de compost fertile sur laquelle sont installées des figures en céramique. Une substance développée par l’artiste, composée d’un mélange de produits commerciaux existants et porteurs d’une bactérie active de la terre, est diffusée dans l’espace d’exposition. Une découverte récente sur les microbes du sol et la santé mentale a mis en évidence la capacité de la mycobacterium vaccae présente dans le sol à générer un sentiment de bonheur en augmentant les niveaux de sérotonine et de noradrénaline. En vertu de l’inhalation, l’œuvre d’art intègrera littéralement le corps du spectateur. L’installation sera activée par une performance de l’artiste.

Les tapisseries de Chloé Bensahel jouent sur le passage du visible à l’invisible. Une poésie rédigée sur des lamelles de papier japonais est encapsulée sur toute la longueur du fil de tissage. Des fragments de textes s’en échappent et parsèment la surface du tissu de variations chromatiques aléatoires. La poésie est présente mais ne peut être lue. Une fraction de texte apparaît au bout de la tapisserie, ou sur sa surface. « L’ambiguïté de lecture et d’interprétation » 5 à laquelle nous sommes souvent confrontés dans notre rapport au monde, provoque un inconfort que les œuvres invitent à apprivoiser.

Untitled (Chorin) de Nils Köpfer évoque les contours flous d’un paysage vu depuis un intérieur. L’image renvoie à une fugue hors du réel, comme celle d’un enfant qui plisserait les yeux pour réinventer le monde, ou la trace d’un souvenir lointain remodelé par la mémoire subjective. La pratique de la peinture est vécue par l’artiste comme un refuge, un espace qui s’entretient par petites touches « comme un jardin » 6. L’architecture ouverte sur l’extérieur évoque l’interpénétration entre la pratique picturale et le lien à la nature.

L’architecte Eleonora Santucci présente Les maisons que j’habite, une série de croquis initiée en mars 2020. Dans un effort de mémoire, l’architecte a reconstruit la structure de chaque pièce, meuble et détails des appartements où elle a vécu depuis qu’elle a quitté le domicile familial. « Représenter ces intérieurs était comme dessiner les lieux qui me définissent, où chaque pièce est un monde en soi » 7. Cette série de croquis se présente comme un remède au renoncement des espaces de vie qui nous ont constitué.

Les œuvres du duo Ornaghi & Prestinari investissent l’espace comme des ponctuations. Funambolo, une pince à linge en albâtre suspendue sur un fil tendu, semble parler pour nous. Comme une « poésie visuelle », elle condense dans sa forme un sentiment d’équilibre précaire et de doute existentiel. Chapeau prend discrètement la forme d’un bouchon en albâtre posé sur une bouteille de bière. Les objets manipulés et laissés après utilisation racontent à leur façon le cadre d’une scène de vie, d’une interaction sociale dont ils conservent la trace.

Les peintures de Charles Hascoët présentent des fragments de scène de vie dans de petits formats qui incitent au rapprochement. Les objets et les individus représentés semblent être animés par une volonté secrète et préservent dans leur contour le regard qu’on aurait porté sur eux. Un sentiment d’attente se manifeste sous la forme d’un cactus peu arrosé ; un citron posé sur ses rondeurs retient l’éclat particulier d’une journée ; un ami en état de confiance s’assoupit dans un fauteuil confortable.

1 Jean Giono, dans Jean Giono s’entretient avec Claude Santelli, émission « La nuit écoute », 1965
2 Ibidem
3 Ibidem
4 “Questa esperienza di assenza, parallela alla presenza […]”, [notre traduction], Ibidem, p. 92
5 Entretien avec l’artiste Chloé Bensahel, 17 juin 2021
6 Entretien avec l’artiste Nils Köpfer, 29 juin 2021
7 Eleonora Santucci, Les maisons que j’habite, 2021

Livia Parmantier

Exposition collective Le Bonheur Commissariat Livia Parmantier (@liviaparm) à Interface Berlin
Exposition collective Le Bonheur Commissariat Livia Parmantier (@liviaparm) à Interface Berlin
Chapeau du duo Ornaghi & Prestinari
Chapeau du duo Ornaghi & Prestinari
Untitled (Chorin) de Nils Köpfer
Untitled (Chorin) de Nils Köpfer
Phaéthon Partie III une installation d’Alizée Gazeau
Phaéthon Partie III une installation d’Alizée Gazeau
Exposition collective Le Bonheur Commissariat Livia Parmantier (@liviaparm) à Interface Berlin
Exposition collective Le Bonheur Commissariat Livia Parmantier (@liviaparm) à Interface Berlin
Ugo & Cactus par Charles Hascoët
Ugo & Cactus par Charles Hascoët
Exposition collective Le Bonheur Commissariat Livia Parmantier (@liviaparm) à Interface Berlin
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Les maisons que j’habite par Eleonora Santucci
Les maisons que j’habite par Eleonora Santucci
Funambulo du duo Ornaghi & Prestinari
Funambulo du duo Ornaghi & Prestinari
Phaéthon Partie III une installation d’Alizée Gazeau
Phaéthon Partie III une installation d’Alizée Gazeau