Panorama 23 …par le rêve…

Panorama 23 …par le rêve…

Exposition Panorama 23 …par le rêve… © Aurélie Brouet et Cédric

EN DIRECT / Exposition « Panorama 23 …par le rêve…« 
jusqu’au 31 décembre 2021 au Fresnoy – Studio national des arts contemporains, Tourcoing

par Valérie Toubas et Daniel Guionnet, rédacteurs en chefs de la Revue Point contemporain

Depuis les différents niveaux de la petite et de la grande nef comme depuis les coursives du Fresnoy, se jouent des expériences et se partagent des émotions parfois aussi étranges que celles provenant de la cinématique du rêve. Mouvements immobiles (Isabella HinFight ou Flight), sentiments de lourdeur ou de légèreté extrêmes (Louise TillekeMéditation positive), de bien-être dans l’immersion d’un bain prébiotique, chute soudaine et vertigineuse (Vincent DuaultVoyager), apparition fantomatique quand au cœur de la mémoire surgit du lointain un visage connu (Magalie MobetieAnba tè, adan kò), ou encore que tourne autour de vous le décor familier de votre appartement dans une transe continue (Ana Elena TejeraHouse Type 104). Mais ces sensations, ces expériences, n’ont-elles été que rêvées ? N’ont-elles pas été un état vécu, heureux ou traumatique, que la conscience aurait sciemment relégué au fond de chacun de nous ? N’ont-elles pas eu leur actualité, leur simple réalité ? L’exposition Panorama 23 réunissant les réalisations des étudiants du Studio national des arts contemporains Le Fresnoyles propositions des artistes invités (Laure Pouvost, Emanuele Coccia, Joan Fontcuberta), et des œuvres du LaM – Lille Métropole Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut, Villeneuve d’Ascqnous donne à appréhender la réalité de notre monde à travers une forme de perception élargie que nous propose d’arpenter le commissaire de l’exposition Olivier Kaeppelin … Par le rêve

« Plus je m’imprègne des projets des artistes de cette édition, de leurs travaux, plus j’ai le sentiment qu’ils ont affaire avec l’activité de l’esprit et du corps qu’est le rêve« , nous dit le commissaire. A l’approche analytique du rêve, à l’exposition des idéologies qui ont marqué les années d’après-guerre, ont succédé d’autres formes d’interprétation, plus libres, plus ouvertes à la subjectivité, à l’émotion. Dans cette transmutation des savoirs, les images sont devenues la matière d’une pensée qui n’a rien perdu de ses qualités. Bien au contraire, longtemps divisée dans la dissociation des études, sociologiques, politiques, scientifiques, elle recouvre-là une unité, toute sa « fluidité » naturelle. Son territoire s’est même étendu bien au-delà de la simple connaissance pour intégrer la fiction, l’intuition, les surgissements de l’inconscient mais aussi, grâce aux nouvelles technologies de l’image numérique, jusqu’à atteindre de nouveaux domaines d’investigation, (Marie SommerApories/Dew). Les effets spéciaux, les bugs, les glitchs, tous les nouveaux moyens technologiques que permet l’image numérique participent à étudier la réalité de ce monde car ils sont les outils mêmes de sa constitution, de sa nouvelle matérialité, de son existence.

…par le rêve… le regard gagne en intensité, relate avec plus de sincérité et d’émotion. Chaque expérience relève d’un caractère initiatique, exprime les peurs, les souffrances, les traumatismes tout autant que les engagements et les émotions vécues (Céleste RogosinClear Jail Minautaur), mais aussi sa « dimension magique » (Laure ProuvostWith Our elastic arms we drink deep sea blue to parlaient idéal). L’écran n’est plus ce carré lumineux où s’animent des images pixellisées, il est devenu l’espace projectif d’un cinéma intérieur, intense, rigoureux, profond où l’expression de soi « illuminée » est permise (Olivier BémerNoon). La réalité perçue, ressentie, se découvre à travers des cinématiques qui s’autorisent à emprunter des versants inattendus, à subir des métamorphoses sans craindre de perdre une forme de rationalité (Yongkwan JooEn attendant). Un saisissement d’autant plus puissant que les œuvres des étudiants sont mis en regard avec des œuvres d’Art Brut de la collection du LaM sélectionnées par Christophe Boulanger chargé des collections du musée. Un dialogue dont la force est manifeste tant les degrés de lecture pénètrent la psyché (Dorian JespersWhat is a rat without a tail?). A l’image animée, filmée ou virtuelle, le temps de l’image est littéralement absorbé par celui des recherches déterminées, érudites, de ces outres-mondes exprimés par des artistes comme Henry Darger ou Augustin Lesage.

L’image en mouvement est un catalyseur visant à atteindre non simplement l’état émotionnel du spectateur mais bien un état interne, ces mécaniques communes qui font de l’humanité ce qu’elle est, dans le fonctionnement de la mémoire, des déclenchements émotionnels, des opérations psychiques du cerveau. Il est aussi un révélateur de ce qui invisible à l’oeil comme les 24h de la croissance d’une plante de safran (Guillaume BarthCrocus Sativus, fleur du bonheur) ou de cette communication insoupçonnée qui unit le vivant (Gregor BožičMonument aux arbres tombés). La « liquidité » à laquelle fait référence Olivier Kaeppelin n’est pas dépourvue d’une forme de chimie. L’installation devient une matrice, un bain à la fois visuel et sonore, propre à opérer une mutation pour faire atteindre un état de conscience supérieure du réel. Divisée en quatre plateaux, du corps humain, au paysage, de la galaxie à une autre immensité numérique, l’exposition tend à ce processus transcendant qui, comme dans le jardin de Fontenelle, nous initie à prendre conscience que le monde de la perception est bien plus vaste qu’on ne l’imagine, et que le champ de la conscience est bien plus étendu que l’univers lui-même. Un accès possible par la maîtrise des techniques propres au cinéma que Le Fresnoy enseigne, mais aussi par la capacité des étudiants à les hybrider, à faire que tout support peut devenir le support de leur pensée. Ainsi les installations mêlent images et sons, tour à tour se peuplent de figures absentes par la réalité augmentée, rendent compte des émotions ressenties en direct d’un pilote d’aéroplane ou interpellent Dieu (Moufouli BelloLissa, a conversation with God).

…par le rêve… nous prenons conscience que les dimensions qui façonnent notre réalité sont multiples, que la mémoire, les émotions, les incursions dans le fantastique et le fantasmatique tout comme le futur en font partie, et que la création vidéo peut se découvrir autrement que par le regard et l’écoute. Tel le champ de travail et d’enseignement du Fresnoy, elle se déploie sur de multiples supports capables de partager l’étrangeté du réel et offre une épopée dantesque au cœur de notre monde.

Valérie Toubas et Daniel Guionnet
Rédacteurs en chefs de la Revue Point contemporain

Exposition Panorama 23 ...par le rêve... © Aurélie Brouet et Cédric Martinez
Exposition Panorama 23 …par le rêve… © Aurélie Brouet et Cédric Martinez
Exposition Panorama 23 ...par le rêve... © Aurélie Brouet et Cédric Martinez
Exposition Panorama 23 …par le rêve... © Aurélie Brouet et Cédric Martinez
Exposition Panorama 23 ...par le rêve... © Aurélie Brouet et Cédric Martinez
Exposition Panorama 23 …par le rêve… © Aurélie Brouet et Cédric Martinez
Exposition Panorama 23 ...par le rêve... © Aurélie Brouet et Cédric Martinez
Exposition Panorama 23 …par le rêve… © Aurélie Brouet et Cédric Martinez
Exposition Panorama 23 ...par le rêve... © Aurélie Brouet et Cédric Martinez
Exposition Panorama 23 …par le rêve… © Aurélie Brouet et Cédric Martinez
Exposition Panorama 23 ...par le rêve... © Aurélie Brouet et Cédric Martinez
Exposition Panorama 23 …par le rêve… © Aurélie Brouet et Cédric Martinez
Exposition Panorama 23 ...par le rêve... © Aurélie Brouet et Cédric Martinez
Exposition Panorama 23 …par le rêve… © Aurélie Brouet et Cédric Martinez
Exposition Panorama 23 ...par le rêve... © Aurélie Brouet et Cédric Martinez
Exposition Panorama 23 …par le rêve… © Aurélie Brouet et Cédric Martinez
Exposition Panorama 23 ...par le rêve... © Aurélie Brouet et Cédric Martinez
Exposition Panorama 23 …par le rêve… © Aurélie Brouet et Cédric Martinez
Exposition Panorama 23 ...par le rêve... © Aurélie Brouet et Cédric Martinez
Exposition Panorama 23 …par le rêve… © Aurélie Brouet et Cédric Martinez

Les artistes
Amélie Agbo, Judith Auffray, Guillaume Barth, Moufouli Bello, Olivier Bémer, Younes Ben Slimane, Santiago Bonilla, Ghyzlène Boukaïla, Gregor Božič, Alice Brygo, Emanuele Coccia, Anaïs-Tohé Commaret, Guillaume Delsert, Juliette Dominati, Vincent Duault, Rony Efrat, Elliot Eugénie, Joan Fontcuberta & Pilar Rosado, Faye Formisano, Charles Fosseprez, Dora García, Julián García Long, Vera Hector, Isabella Hin, Che-Yu Hsu, Dorian Jespers, Olivier Jonvaux, Yongkwan Joo, Lina Laraki, Samuel Lecocq, Lefebvre Zisswiller, Lou Le Forban, Gohar Martirosyan, Kendra McLaughlin, Joachim Michaux, Magalie Mobetie, Lou Morlier, Toshihiro Nobori, Daniel Peñaranda Restrepo, Laure Prouvost, Chuxun Ran, Céleste Rogosin, Stéphanie Roland, Anhar Salem, Inès Sieulle, Marie Sommer, Ana Elena Tejera, Guillaume Thomas, Louise Tilleke, Quý Truong Minh, Janaïna Wagner, Agata Wieczorek, Yunyi Zhu

Avec le prêt exceptionnel d’œuvres du LaM – Lille Métropole Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut, Villeneuve d’Ascq.

Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains est un établissement supérieur d’enseignement artistique, un post diplôme artistique, audiovisuel et numérique, un pôle d’excellence d’envergure nationale et internationale, dont les références furent exprimées par quelques formules telles que « un IRCAM des arts plastiques » ou encore « une villa Médicis high-tech ».

Sa pédagogie, principalement fondée sur la production d’œuvres dont le point commun est l’intégration de techniques audiovisuelles et numériques professionnelles, en fait un lieu de formation, de production, d’expérimentation et de diffusion totalement inédit.

22 rue du Fresnoy, Tourcoing
https://www.lefresnoy.net/fr