DIEUDONNÉ WAMBETI SANA, DOUBLE SENS

DIEUDONNÉ WAMBETI SANA, DOUBLE SENS

Dieudonné Wambeti Sana, Marche à double sens, 2018, peinture à l’huile sur toile, 95 x 95 cm, coll. particulière

EN DIRECT / Exposition personnelle Double sens de Dieudonné Wambeti Sana, jusqu’au 28 août 2022, Centre d’art singulier, Hostellerie de la Chartreuse de Champmol, Dijon

Il n’est pas courant qu’un peintre centrafricain lors de sa vie active, puisse bénéficier d’une rétrospective de son œuvre ! La plupart du temps, les expositions accompagnent plusieurs artistes au détriment du parcours de chacun ou bien montrent les dernières œuvres les plus inspirées de l’un d’eux …

Si Dieudonné Wambeti Sana peut aujourd’hui présenter un ensemble conséquent d’œuvres, c’est qu’il a depuis le début de sa production répertorié ses toiles, mais surtout qu’il a su établir des relations avec ses collectionneurs ; car il a conscience de son statut d’artiste. Depuis son premier tableau jusqu’aux derniers qui nous sont parvenus, l’artiste n’est pas un « rêveur (et pourtant quelle imagination !!!) mais un acteur pleinement engagé dans la vie. Il y puise ses réflexions et ses visions et il en gratifie à travers ses œuvres ses compatriotes centrafricains bien sûr, mais après avoir franchi les frontières, il sait aussi qu’il peut être entendu par nous tous. Prenant parti clairement pour la défense écologique de la planète, il a inventé un « costume de verdure », qu’il préfère aux tenues occidentales pour habiller ses personnages. Il a fait des termites son totem car ils montrent aux humains une façon de vivre dont on devrait s’inspirer : ils ne détruisent jamais les énormes termitières qu’ils se construisent en terre et ne dévorent que le bois mort, ne s’attaquant jamais aux arbres vivants… À méditer !

Du fait que l’on retrouve d’abord dans une œuvre ce que l’on connaît déjà, beaucoup d’amateurs croient voir dans les tableaux de Dieudonné tantôt l’influence d’un Douanier Rousseau, tantôt d’un Magritte, ou bien repèrent des similitudes de composition avec des œuvres connues. Hélas, l’observateur français plongé dans un monde d’imagerie phénoménal, n’imagine pas à quel point alors l’information culturelle était rare, y compris dans les quelques médias de Bangui. Ni combien l’absence de tout musée organisé et d’enseignement artistique à quelque niveaux que ce soit, ont isolé les artistes centrafricains. Malgré les efforts consentis par quelques institutions ou bonnes volontés, l’essentiel du soutien à la créativité était à une époque, et encore aujourd’hui, à trouver à l’Alliance Française de Bangui ou dans quelques autres représentations étrangères, peu accessibles au grand public. 

Aujourd’hui ayant acquis avec le temps un peu de sécurité, Dieudonné Wambeti Sana s’est assigné un rôle de passeur auprès de ses congénères : « J’ai été instruit par mes aînés, je veux maintenant éclairer et nourrir les jeunes artistes de ce que la vie m’a appris ». Pour lui cela fait partie fondamentalement de sa mission d’artiste. Après plus d’une vingtaine d’années de création artistique, Dieudonné est resté fidèle à lui-même, sans donner de leçons, il veut que son passage terrestre puisse s’enchaîner avec les générations suivantes. Comme de nombreux autres artistes contemporains africains, il pense que la rupture de la créativité ancestrale par la colonisation est un danger qu’il faut conjurer définitivement pour l’avenir. Ainsi de jeunes artistes lui apportent leurs créations pour avoir l’avis d’un aîné, lui demander conseil, avoir son soutien… Tant il est vrai que dans ces contrées éloignées de tout, sauf de la pauvreté, des conflits religieux et des guerres, l’avis avisé et indépendant des autres est fondamental pour se risquer et se mesurer à la créativité. 

Pressentis par Wambeti comme porteurs de la peinture future à Bangui, deux nouveaux artistes, Léonce Nzabba et Bienvenu Kouka, sont présentés à « Double Sens ». Cette rétrospective exceptionnelle des œuvres de Wambeti, depuis 1999 avec son enracinement dans la latérite de Bangui jusqu’à sa floraison actuelle, après s’être promenée à Montréal, Paris, Shanghai et à Kinshasa…, associe une proposition sur l’avenir de la peinture en Centrafrique. Cette nouvelle créativité semble aujourd’hui s’éloigner de la figuration, des récits, des contes si prégnants dans la tradition centrafricaine, pour gagner en autonomie et s’installer dans une liberté sans concession, comme une revendication propre aux nouvelles générations.

Gérard Battreau, Jacques Py, Commissaires de l’exposition

Dieudonné Wambeti Sana, Le Pèlerin, 2011, peinture à l'huile sur toile, 182 x 140 cm, coll. particulière
Dieudonné Wambeti Sana, Le Pèlerin, 2011, peinture à l’huile sur toile, 182 x 140 cm, coll. particulière
Dieudonné Wambeti Sana, Sans défense, 2020, peinture à l'huile sur toile, 89 x 140 cm, atelier de l'artiste
Dieudonné Wambeti Sana, Sans défense, 2020, peinture à l’huile sur toile, 89 x 140 cm, atelier de l’artiste