ROBERT KUSHNER, JARDIN SAUVAGE

ROBERT KUSHNER, JARDIN SAUVAGE

ROBERT KUSHNER – JARDIN SAUVAGE – 4 septembre – 23 octobre 2021 – 3, rue du Cloître Saint-Merri, Paris IVe Courtesy de l’artiste et de la Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles

EN DIRECT / Exposition Jardin sauvage de Robert Kushner
jusqu’au 23 octobre, Galerie Obadia, Paris

Pour une soif frondeuse de beau

par Laurence Gossart

Est-ce un signe de l’évolution du temps et de nos mœurs que la multiplication d’expositions où préside l’idée du bijou, de la parure, de l’ornement ? L’âpreté existentialiste dont les tourments envahissaient des œuvres nimbées d’un mystère noir semble laisser la place au besoin de sérénité et de joie. « Là tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté » écrivait Charles Baudelaire. Les œuvres se dépouillent d’un discours très (parfois trop) théorique pour se laisser saisir, simples, heureuses d’une jouissance raffinée comme d’une immédiateté d’accueil. Le besoin de dire le beau, de l’éprouver en son corps, charnellement, semble retrouver les chemins des galeries. Certes, il y a une grande antériorité esthétique comme artistique quant au « beau » qui fit disparaître presque ce mot du vocabulaire des arts plastiques. Privés d’art, de contact, d’œuvres, que nous avons été, notre soif frondeuse de beau se fait sentir de même que la peur de trop de légèreté laisse la place au besoin de sensations délicieuses et délicates. 

L’exposition de Robert Kushner semble s’inscrire dans cette veine qui trouve sa filiation en particulier au cœur de l’œuvre d’Henri Matisse. Mais, si les motifs, la ligne et les couleurs évoquent le grand peintre, c’est surtout sa pensée que nous reconnaissons ici. Il dit, en 1954, à l’occasion d’un entretien avec Gaston Diehl : « J’ai choisi de garder par devers moi tourments et inquiétudes pour ne transcrire que la beauté du monde et la joie de peindre.1» De la même façon Robert Kushner offre ici un champ de création conduisant à appréhender le floral et le jardin au travers du décoratif. Point de propos sur l’écologie, ni d’alarmisme de quelque sorte. Juste cette soif frondeuse de beau. Des plantes, des bouquets, des fonds-surfaces, des fonds qui font lumière, et qui, lorsque l’on s’approche, deviennent flots de peinture, touches, empreintes, coulures dont les miroitements rendent voluptueux chaque geste et enveloppent d’un scintillement sensuel les formes florales et végétales que par contre-forme ils révèlent. Ici nombre de registres picturaux apparaissent dans lesquels la couleur et la feuille d’or œuvrent conjointement pour accueillir la joie d’un trait fougueux. Les surfaces se définissent et délimitent des champs colorés, tout à la fois cloisonnement et fenêtre, que les fleurs traversent, magnifiées, se transformant à leur contact. Le dessin de peinture, du bout du pinceau, texture pourtours, lignes et courbes et révèle cyclamens, roses, cannas, cactus…

Alors, est-ce un « Jardin sauvage » comme l’annonce le titre de l’exposition ? Un paradoxe apparent qui conduit à chercher où se niche cette sauvagerie. Une sauvagerie qui bouscule les cadres, imposant de grands formats, une monumentalité des plantes, une volonté d’exister que la vie naturelle partage avec l’acte de peindre. Peut-être est-ce là, dans ce jardin qui conduit vers l’hiver, que le sauvage s’inscrit, dans la pulsion de création, dans l’élan vital que le peintre comme son sujet impose avec force au monde de l’art. 

1 Henri Matisse, Ecrits et propos sur l’art, présentés par Dominique Fourcade, Paris, Herman, 1972, p. 51.

ROBERT KUSHNER - JARDIN SAUVAGE - 4 septembre - 23 octobre 2021 - 3, rue du Cloître Saint-Merri, Paris IVe Courtesy de l’artiste et de la Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles
ROBERT KUSHNER – JARDIN SAUVAGE – 4 septembre – 23 octobre 2021 – 3, rue du Cloître Saint-Merri, Paris IVe Courtesy de l’artiste et de la Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles
Robert Kushner, Two Old Friends, 2015 Huile, acrylique et feuille de palladium sur toile 182,9 x 365,8 cm © Steven Bates Courtesy de l’artiste et de la Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles
Robert Kushner, Two Old Friends, 2015 Huile, acrylique et feuille de palladium sur toile 182,9 x 365,8 cm © Steven Bates Courtesy de l’artiste et de la Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles
ROBERT KUSHNER - JARDIN SAUVAGE - 4 septembre - 23 octobre 2021 - 3, rue du Cloître Saint-Merri, Paris IVe Courtesy de l’artiste et de la Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles
ROBERT KUSHNER – JARDIN SAUVAGE – 4 septembre – 23 octobre 2021 – 3, rue du Cloître Saint-Merri, Paris IVe Courtesy de l’artiste et de la Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles
Robert Kushner, Cannas - Amber, 2020 Huile, acrylique et feuille d’or sur toile 182,9 x 91,4 cm © Steven Bates Courtesy de l’artiste et de la Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles
Robert Kushner, Cannas – Amber, 2020 Huile, acrylique et feuille d’or sur toile 182,9 x 91,4 cm © Steven Bates Courtesy de l’artiste et de la Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles
ROBERT KUSHNER - JARDIN SAUVAGE - 4 septembre - 23 octobre 2021 - 3, rue du Cloître Saint-Merri, Paris IVe Courtesy de l’artiste et de la Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles
ROBERT KUSHNER – JARDIN SAUVAGE – 4 septembre – 23 octobre 2021 – 3, rue du Cloître Saint-Merri, Paris IVe Courtesy de l’artiste et de la Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles
Robert Kushner, Large Bouquet Basket, 2020 Huile, acrylique et feuille d’or sur toile 182,9 x 182,9 cm © Steven Bates Courtesy de l’artiste et de la Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles
Robert Kushner, Large Bouquet Basket, 2020 Huile, acrylique et feuille d’or sur toile 182,9 x 182,9 cm © Steven Bates Courtesy de l’artiste et de la Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles