INÈS LABOUCARIE, OUVRIR SON INTÉRIEUR

INÈS LABOUCARIE, OUVRIR SON INTÉRIEUR

Inès Laboucarie, contemplatif, 100 X 135 cm

PORTRAIT D’ARTISTE / Inès Laboucarie
dans le cadre de « portrait d’étudiant.e.s et amis artiste » par Ernest Thinon

Inès Laboucarie

« Ouvrir son intérieur »

On se balade entre les toiles et les textes comme on flotte d’un rêve à un autre. Quand on cherche le sommeil, il faut parfois se tourner dans tous les sens, remettre de l’ordre dans ses pensées calmer son cœur et se décoller petit à petit du réel. Une pensée file, une image apparaît.

C’est alors un patchwork de réflexions, d’images et de sensations qui nous envahit et nous remâche la journée passée. L’écriture automatique se joue du même fonctionnement fluide et sans logique concrète de notre inconscient, glissant d’une idée à l’autre, parfois les superposant comme deux photos se sur-imprimant; en transparence l’une de l’autre. Les mots se mélangent et forment une étrange poésie. En quelques uns de ses mots, Inès vient contraster et guider la rêverie dans laquelle ses toiles nous plongent. Presque une installation, c’est l’accrochage dans son ensemble qu’il faut voir, chaque peinture semble être fragmentée et contenir plusieurs mondes.

Sommes-nous dans un récit de voyage ? Aux confins d’un souvenir ou dans un univers fantasmé ?

C’est cette sensation de flottement qui fait voguer le regard à travers les mots et les couleurs.

L’onirisme ambiant fait papillonner nos yeux allant de toile en toile sans jamais se fixer,et puis un mot accroche le regard et donne un sens nouveau à ce que notre regard survolait. Petit à petit, on succombe et on se laisse emporter, les couches légères de peinture nous enlacent comme l’océan  dont les vagues  montent et nous recouvrent sans même qu’on s’en rende compte. Les images flottent dans les tableaux, elles sont parsemées, découpées et morcelées, on peut y voir parfois un deux ou trois morceaux de récits. Une plaque de verre vient parfois se superposer et ajoute  quelque prause au livre d’images étalé sur les murs.
Les mots sont écrits et pourtant, il semble que la phrase soit en suspens. L’espace d’accrochage semble être ce moment précis où tous les souvenirs se rassemblent et s’entrechoquent, ce moment fugace où le sens est palpable mais impossible à formuler. Nous sommes comme coincé .e.s entre deux synapses, on assiste au moment de la création; lorsque les sensations, les mots et les images se mélangent pour former la phrase que l’on veut offrir.

Si le réel vous semble parfois insaisissable et incompréhensible, alors par le rêve, vous pouvez essayer de le comprendre, de l’inteperller et d’écouter sa version. Il est étonnant de voir à quel point nos rêves ont accès à des souvenirs qui lorsque l’on est éveillé.e nous sont inaccessibles. Beaucoup d’écrivain.e.s ont justement travaillé avec leur inconscient pour faire remonter à la surface des idées plus profondes et novatrices. Le XXe siècle s’est escrimé à faire fondre la barrière entre le rêve et le réel. Pourtant vouloir se saisir de l’inconscient, c’est remplir ses mains d’eau; il nous glisse entre les doigts, c’est sa nature. Pour Aristote, lorsque la frontière se brise entre rêve et réel, c’est lorsque l’on devient fou, il affirme que « les fous sont des rêveurs éveillés ».

Si les souvenirs sont fugaces les peintures d’Inès nous invitent, pour quelques instants, à plonger dans un profond moment de vie. »

-Ernest Thinon