VALENTIN DEFAUX

VALENTIN DEFAUX

FOCUS / Texte d’Alain Barthélémy sur le travail de Valentin Defaux
à l’occasion de son exposition Les fleurs ressemblent aux bûches du 06 février au 07 mars 2020
dans l’habitacle de Super F-97

Fonte, acier, aluminium ; une peinture bleu mat qui s’écaille. Gras noirci, huile suintant aux jointures. Trappes, clapets. Les naseaux ouverts d’une pipe d’admission. L’oxydation. La rouille.
Tubulure, allumage, combustion lente.

Les formes qui composent un moteur à explosion sont soumises à deux régimes. En mouvement, animées — c’est-à-dire littéralement habitées par une âme — elles se font organes ; filtre à air, pompe à essence, carburateur, cylindre, soupape. À ce moment, chacune d’elles répond à une fonction. Une fonction dont la synchronie assure un mouvement, le continuum vital d’une machine qui transforme l’énergie thermique en énergie cinétique ; la rotation du vilebrequin, l’embrayage, la propulsion. Ces organes du corps mécanique sont alors l’expression de l’action élémentaire qu’elles assurent au sein de l’ensemble animé.

Lorsque le moteur s’arrête, lorsque que le corps mécanique devient inerte, un autre régime se met en place. Libérées du mouvement, les formes peuvent se démonter. Ne conservant que l’empreinte de leur fonction originelle, elles se mettent à exister pour elles-même.

Déployant un vocabulaire que l’on associe sans peine au lexique des objets techniques, la travail de Valentin Defaux trouve sa richesse dans la mise en place d’une industrie : un ensemble de gestes qui conjuguent, agencent, produisent et configurent ces formes. Car à ne pas s’y méprendre, l’intention est ici bien moins celle d’une taxonomie, que du déploiement de dispositifs de productions comme autant de tentatives où le geste manuel et les matériaux pauvres auraient remplacé l’automatique et la matière industrielle. Cette grammaire qui substitue la terre cuite à l’acier, le plastique de récupération au carbone, la presse à bras bricolée pêle-mêle sur un coin d’établi à la machine à commande numérique, se livre comme le langage poétique d’un ingénieur, qui se serait un jour égaré à l’observation contemplative des formes qu’il produit, là où il n’avait jusqu’alors su qu’en étudier froidement les effets. La question de la main et de sa présence nous parvient ainsi par son revers, à la manière d’une question adressée à l’univers des objets industriels. Ces caricatures de la reproductibilité technique, ces tentatives vouées à l’échec, ces outrages à l’efficacité et au rendement qui feraient se retourner simultanément Ford et Taylor dans leur tombe, sont autant de façon d’ouvrir un imaginaire, de laisser place à l’erreur et à la singularité, dans un environnement techno-industriel qui a peut-être trop facilement su nous faire oublier qu’il n’était composé que de standards, de normes et d’objets sans densité.

Alain Barthélémy

Valentin Defaux, vue d'exposition Les fleurs ressemblent aux bûches du 06 février au 07 mars 2020 dans l’habitacle de Super F-97
Valentin Defaux, vue d’exposition Les fleurs ressemblent aux bûches
du 06 février au 07 mars 2020 dans l’habitacle de Super F-97
Valentin Defaux, vue d'exposition Les fleurs ressemblent aux bûches du 06 février au 07 mars 2020 dans l’habitacle de Super F-97
Valentin Defaux, vue d’exposition Les fleurs ressemblent aux bûches
du 06 février au 07 mars 2020 dans l’habitacle de Super F-97
Valentin Defaux, vue d'exposition Les fleurs ressemblent aux bûches du 06 février au 07 mars 2020 dans l’habitacle de Super F-97
Valentin Defaux, vue d’exposition Les fleurs ressemblent aux bûches
du 06 février au 07 mars 2020 dans l’habitacle de Super F-97