Karine Bonneval, Chloé Silbano

Karine Bonneval, Chloé Silbano

ENTRETIEN /  Chloé Silbano et Karine Bonneval en entretien
avec Sébastien Rouet

Après plusieurs discussions pendant notre auto-confinement, j’ai proposé à Chloé Silbano d’inviter une artiste à exposer avec elle à Reims et elle a immédiatement pensé à Karine Bonneval. J’étais curieux de connaître les raisons de ce choix et ce qui pouvait pousser ces deux artistes, au travail et au parcours différent, à aimer construire un dialogue de monstration.

Cet entretien est un préambule de la première exposition en duo, post confinement, de Karine Bonneval et Chloé Silbano « LE BRUISSEMENT DES SOLIDES » qui se tient du 25 septembre au 11 octobre 2020 dans l’espace d’exposition de A 2 pas du sacre.

Sébastien Rouet : Comment avez-vous découvert le travail l’une de l’autre, pouvez-vous me décrire ce que vous avez ressenti alors et vos premières impressions se sont-elles confirmées lors de votre rencontre ? 

Karine Bonneval : J’ai découvert pour la première fois Chloé et son travail lors du montage de l’exposition Se mettre au vert, à Laon, organisée par Clotilde Boitel, en 2018. Les images de la vidéo Tenir debout m’ont touché par leur côté dérisoire et fragile, faites avec un grand sérieux, et questionnant les postures, la verticalité.

La rencontre avec Chloé a confirmé cette forme d’intensité discrète et j’ai aussi aimé le reste de son travail de dessins, de peintures et d’objets à performer, toujours sur le fil du micromouvement, de l’outil improbable.

Chloé Silbano : J’ai découvert le travail de Karine également à l’occasion de cette exposition à Laon. Ce qui m’a plu et qui s’accorde dans nos deux pratiques, c’est son approche pluridisciplinaire, inter-média. Il y a de la sculpture dans une installation, une vidéo ou du son dans une sculpture. Elle construit des formes complexes qui mettent en jeu l’humain et le végétal, les sciences et savoirs avec l’expérience sensible.

Elle fait se rencontrer les disciplines et les gens plus généralement, dans une généreuse volonté d’ouverture.

S.R. : Karine je crois savoir que c’est toi qui a invité Chloé à exposer à Berlin, « dé-jardiner » c’était le titre de l’exposition, peux-tu m’en dire un peu plus ?

K.B. : Nous avons eu, avec l’équipe berlinoise de Gr_und, et suite à ma résidence au jardin botanique de Berlin, l’opportunité de proposer un projet d’exposition de groupe, grâce au fond Perspektive du Bureau français des arts plastiques. La thématique du « dé-jardinage » (d’après un texte de Bénédicte Ramade), s’est imposée, comme une déconstruction de l’imaginaire liée au jardin ordonné par la main de l’humain. Le travail de Chloé m’a semblé accompagner le propos par son approche décalée du geste, de l’outil, du travail de la matière et de sa résistance.

Alors qu’à Laon chacun des travaux restait assez séparé des autres, l’espace en couloir de Gr_und a permis un premier dialogue plus précis entre nos pièces. Des approches formelles très différentes, mais où le geste premier de chaque artiste en quelque sorte se prolonge. Au mouvement de l’outil arrêté dans une peinture répond le « mouvement » -immobile pour le temps humain d’une racine. À une pièce ayant besoin d’eau pour être activée répond le murmure d’une céramique. Les objets rituels crées par Chloé sont en attente que la main les active, comme mes fausses parures pour d’illusoires rituels à une nature dont on ne cesse de redéfinir l’existence. 

Installée dans un même lieu, nos pièces me paraissent instaurer une tension qui appelle une action à venir. 

S.R. : Chloé, pour cette exposition LE BRUISSEMENT DES SOLIDES tu es à l’initiative, pour quelles raisons avais tu envie d’inviter Karine ?

C.S. : Cela avait été évident de travailler avec Karine dans la précédente expérience à Berlin, agréable et enthousiasmant. J’avais envie de lui renvoyer l’ascenseur d’une certaine manière et d’engager une suite à ce dialogue entre nos deux travaux.

Pendant le confinement nous avons discuté avec toi Sébastien de la nécessité de remettre en place des expositions, des projets. Car le travail ne s’est pas arrêté pendant cette période, juste sa monstration. Et peut-être que l’expérience que nous avons tous vécu amènera à redéfinir des priorités, à remettre au centre une quête de sens, de justice et d’équilibre.

C’est un travail que tu as d’ailleurs engagé avec le SODAVI Sébastien.

S.R. : Oui en effet le 4 septembre j’ai participé à la restitution du SODAVI* Grand Est en tant que membre du comité de pilotage et nous y avons présenté un dossier de préconisations et une charte professionnelle de bonnes pratiques dans le but de faire prendre conscience à tous les acteurs (artistes, structures, partenaires…) des changements à apporter à l’écosystème des arts visuels. Il est temps d’améliorer les conditions de travail des artistes-auteur·e·s et professionel·le·s de l’art contemporain.    

*Schémas d’orientation pour les arts visuels

Karine Bonneval
Karine Bonneval

KARINE BONNEVAL – BIOGRAPHIE
Karine Bonneval est diplômée de l’ESAD de Strasbourg, elle a exposé en France (la Maréchalerie, la Graineterie, Micro Onde, domaine de Chaumont sur Loire), en Allemagne (musée botanique de Berlin, Kunstwerk Carlshütte, Gr_und), à Riga (musée national de Beaux-arts), aux États-Unis, en Argentine et au Sri Lanka. Elle a été en résidence dans les laboratoires d’écologie végétale de l’université d’Orsay et de l’INRAE PIAF de Clermont Ferrand, au Rillig lab et au musée botanique de Berlin, au sein du département soil and crops de l’université de Cornell. Avec le scientifique Eric Badel et le studio décalé, elle a remporté la bourse 2019 de la Fondation Daniel et Nina Carasso « Composer les savoirs », et avec GR_UND le fond Perspektive du bureau des arts plastiques de Berlin. En 2015 et 2017 elle a obtenu le soutien de la Diagonale Paris-Saclay pour l’art et la science.
https://www.karinebonneval.com

CHLOÉ SILBANO – BIOGRAPHIE
Chloé Silbano est diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris et a participé à l’exposition des félicités au 104.
Elle a exposé chez Gr_und (Berlin) dans le cadre d’une exposition collective soutenue par le Fonds Perspektive et le Bureau des Arts Plastiques (Institut Français de Berlin) en 2019.
Elle a exposé au Centre d’Art Contemporain de Villiers-sur-Marne, à la galerie La résidence (Reims), au Musée de la Chasse (Paris), à Icart (Paris), la MAL (Laon), au Centre d’Art Contemporain du 9e de Lyon, au Pavillon Vendôme durant le Printemps de l’Art Contemporain (Aix), et a réalisé des performances au Silencio (Paris) et à la Galerie Thaddaeus Ropac à l’invitation de Jeune Création (Pantin).
Son atelier vient de déménager de L’Orfèvrerie vers Poush (Clichy), incubateur d’artistes mené par Manifesto.
http://chloe.silbano.free.fr