JACK TEZAM, Distorsion experience

JACK TEZAM, Distorsion experience

Portrait de Jack Tezam, lors de l’exposition “Expérience Distorsion”, au DOC à Paris (Mai 2023)

PORTRAIT D’ARTISTE/ Jack Tezam
par Fanny Fontaine dans le cadre de KARAMI ESPACE DE REFLEXION CRITIQUE SUR L’ART CONTEMPORAIN AU JAPON

“Et si je peins souvent les grottes, c’est qu’elles sont mon plongeon dans la terre, obscures mais nimbées de clarté, et moi, sang de la nature – des grottes extravagantes et périlleuses, talisman de la Terre, où s’unissent stalactites, fossiles et pierres, et où les bêtes, qui sont folles de par leur propre nature maléfique, cherchent refuge. Les grottes sont mon enfer. Grotte toujours rêveuse avec ses brumes, souvenir ou nostalgie ? saisissante, saisissante, ésotérique, verdie par le limon du temps1”.

Clarice Lispector

Tout Tokyoïte tombant par hasard sur les dessins de Jack à la galerie Laidbug, fin février dernier, se serait senti transporté dans un autre monde : des dessins cosmiques grand format, à l’encre de Chine, de formes mystiques et organiques, qui plongent dans une sorte de monde chtonien, une topographie terrestre à la Jérôme Bosch. Des volumes granitiques reliés par des fluides. 

Par la suite, en discutant avec Jack, on découvre un monde fascinant de possibles. Un réseau qui relie une pratique individuelle et des modes de vie collectifs autour d’une même expérimentation de l’existence. D’autres façons d’habiter le monde : 

“Loin des occupations humaines, ces lieux offrent leur béance, un vide fascinant où habiter et puiser la matière du dessin. Une claustration volontaire me permettrait de réduire à quasi-néant ce qui conditionne ma réalité physique, et d’élargir le dédale de l’imaginaire2”, écrit Jack dans son journal relatant son expérience d’immersion dans une grotte. 

Jack Tezam, Black Bivouac Radio (extrait de la série l’Archipel),
210 x 297 mm, Encre de Chine sur papier Canson®  200 gm2, 
2020.
Jack Tezam, Black Bivouac Radio (extrait de la série l’Archipel), 210 x 297 mm, Encre de Chine sur papier Canson® 200 gm2, 2020.

Déserter la modernité

L’expérience de Jack renvoie à un imaginaire et à des pratiques communes de décentrement par rapport à un espace central devenu inhabitable : des groupes qui fonctionnent en symbiose ou de manière indépendante, afin de rendre possibles des projets d’aventures extraordinaires, le tout dans un fantasme d’autonomie. Par exemple, des expériences de hacking de la ville, par la fête ou le graffiti, qui s’avèrent moins une façon de pratiquer un certain medium qu’une matérialisation d’un désir de vivre différemment. Ainsi, en 1995, Hakim Bey invente le concept de “TAZ”, de Zones autonomes temporaires, développant l’idée de la “ fermeture de la carte” à partir du constat qu’après 1899, soit l’absorption de la dernière parcelle de Terre qui n’appartient à aucun État-nation, notre siècle est le premier à ne connaître aucune terra incognita : “pas un récif des mers du Sud ne peut être laissé ouvert, pas une vallée lointaine, pas même la Lune et les planètes”. Pour Bey, la carte serait une escroquerie, une abstraction incapable de couvrir la Terre, mais il réside toujours des interstices à explorer librement. Il existe ainsi des collectifs qui reprennent l’imaginaire des free parties des années 1990 et cultivent la pratique des voyages en train de marchandises : ils se disent “conquérants de l’inutile”, à la recherche d’expérimentations spatiales, artistiques, existentielles. Leur rapport à la ville est déjà distancié. Par exemple, Jack est parti en 2010 avec un camarade pour vivre à Strasbourg et étudier les dépôts près du Rhin,  fasciné par les réseaux de chemins de fer, et trouvant son inspiration dans la culture néo-hobo américaine. Concrètement, ces aventures consistent à se planquer dans les dépôts, plusieurs jours durant, puis à grimper dans un train de marchandises au hasard, et à attendre le départ vers l’inconnu : “on roule parfois moins de temps que le temps passé à trouver le bon train, c’est un peu donquichottesque, mais c’est le seul moyen que nous connaissons pour voyager sans connaître la destination, à moindres frais. Une fois arrivé, c’est exaltant d’être parachuté quelque part, et de se débrouiller en autonomie, jusqu’au prochain départ… ce sont des temps lents, précieux de contemplation, de camaraderie et de lecture”.

Jack Tezam, Dépôt (Extrait de la série l’Archipel), 210 x 297 mm, Encre de Chine sur papier Canson®  200 gm2, 2020.
Jack Tezam, Dépôt (Extrait de la série l’Archipel), 210 x 297 mm, Encre de Chine sur papier Canson® 200 gm2, 2020.

Jack a traversé l’Europe en stop plusieurs fois, et avec son camarade Tendo Lee Wang, ils ont ainsi noué une correspondance sur plus de dix ans avec des collectifs ukrainiens tel que  Children’s Cruzade, Erase the City, ou Mnpl, qui s’inscrivaient, eux aussi, dans ce désir de déserter la civilisation. Ces expériences s’accompagnent de pratiques d’expression via la création d’éditions telles que la maison d’édition Croatan pour relier l’est et l’ouest. Elles donnent naissance à des récits, articulés autour de la dérive vis-à-vis de la modernité. Images mythiques de colonies perdues, pratiques cryptées telles des inscriptions sur les arbres, “gone to Croatan”. C’est ainsi qu’une série de livres a vu le jour en 2014, intitulée “KINGS OF UNKNOWN KINGDOM ”: mais il s’agit plutôt d’un anti-royaume, d’un royaume inconnu. Ces collectifs présentent aussi des modes de fonctionnement particuliers : ainsi, avec le collectif B.A.S.S de Vienne, il s’agit de passer d’un endroit à l’autre en évitant les caméras de surveillances ; de transformer une tour d’observation de la seconde guerre mondiale en bibliothèque… En somme, étudier un lieu fermé, sécurisé, et transgresser l’imaginaire spatial en faisant par exemple; sauter les détecteurs de présence, en défonçant les portes pour en faire un château de cartes. Parmi ces collectifs, on peut trouver : 1/ une esthétique médiévale néo-gothique avec l’errance dans les Carpathes et les montagnes autour de Yalta (Children’s Cruzade) ; 2/ Flygur, un collectif de photographes en numérique qui explore aussi la distorsion par les psychotropes ; 3/ Mnpl, des architectes d’Odessa qui ont un passif de graffeur et sont ancrés dans la culture vernaculaire ukrainienne ; 4/ Road dogs, dont les membres partent sur les routes à long terme, totalement autonomes en eau et nourriture. 

Les Hobos ont l’habitude de dessiner dans les wagons : ancêtres des saisonniers, ils donnent des informations sur leur voyage, des codes pour communiquer et s’organiser pour les points en eau. Tel est le mode de vie des chemineaux – ceux qui parcourent les chemins, et qui vivent de petites besognes, et de larcins.

Pour Jack, l’aventure a commencé dans les volcans d’Auvergne, avant de se prolonger dans les sous-sols de Paris. En ville, il aime particulièrement l’esthétique béton, le vide des réseaux techniques EDF, les câbles le long des galeries. Mais la grotte fut une expérience inédite pour lui, lui permettant de combiner pratique du dessin minutieux et goût de l’isolement.

“Zones à explorer quotidiennes”

Après de nombreux repérages pour trouver un “Laboratoire de Distorsion temporelle”, l’expérience s’est déroulée du 28 août 2022 au 1er octobre 2022.  Jack avait fait le choix de ne sortir de la salle principale qu’une fois achevée l’exploration, en deux dimensions, de la caverne imaginée. Il s’agissait d’articuler cette immersion à une expérience de dessin, qui permettait aussi de mesurer approximativement le temps dans l’obscurité : il avait ainsi estimé que pendant une période de trente jours, avec une pratique quotidienne de 10 à 12h de dessin, il devrait parvenir à arpenter un format de 1782 par 841 millimètres. La feuille de polyester qui lui servait de support serait divisée en 27 cases de 198 par 280 millimètres, constituant autant de zones à explorer jour après jour, des espaces où se rendre en aménageant des passages dans le dessin. L’avancée graphique devenant ainsi l’unique moyen, l’unique surface pour estimer le temps qui passe. 

Jack Tezam, Royaumes. (extrait de la série l’Archipel),
210 x 297 mm, Encre de Chine sur papier Canson®  200 gm2, 
2020.
Jack Tezam, Royaumes. (extrait de la série l’Archipel), 210 x 297 mm, Encre de Chine sur papier Canson® 200 gm2, 2020.

Pour s’adapter à l’espace, pour y recréer une vie humaine, cela demandait toute une organisation : matin et soir, à chaque lever et chaque coucher, il prenait une photo numérique, puis indiquait sur une ardoise le cycle de sommeil dans lequel il se trouvait. Il faisait aussi des rapports sous forme de fiches. L’espace de la grotte se trouvait 30 mètres sous terre, dans une salle d’environ 40 m2 ; Jack bénéficiait d’un câble tiré depuis l’extérieur pour donner accès à l’électricité et faire fonctionner une lampe d’orthodontiste équipée d’une loupe, indispensable pour le dessin. Il devait survivre dans une température de 14 degrés, avec un taux d’humidité de 90%.

Jack Tezam, Distorsion (couverture du livre)
Jack Tezam, couverture du livre Distorsion
Expérience distorsion, n°19.

C’était faire l’expérience de l’élasticité, organicité du temps : au bout de quelques semaines, il a ressenti le changement de rythme dans le sommeil. En effet, plusieurs expériences ont prouvé que lorsqu’une personne est plongée dans le noir sans repères temporels, elle a tendance à se caler sur un rythme de 48h : 36 heures d’activité suivies de 12 heures de sommeil.

Au final, Jack s’est réveillé 28 fois en 26 jours : ses cycles duraient en moyenne 23h06, ce qui signifiait que la distorsion était surtout imaginaire. Il était persuadé, après deux ou trois semaines d’isolement total, d’être passé en cycles de 36h, voire de 48h, croyant avoir atteint la date du 10 octobre, mais on était le 24 septembre. Cette expérience révéla la fragilité du corps engourdi, mais aussi la puissance supérieure de la pensée, une forme de tension et de concentration mentales.

Un imaginaire post-romantique de la terre : le sentiment océanique

Les expériences d’isolement ne datent pas d’hier, note Jack dans son livre. En effet, il éprouve beaucoup d’admiration pour Michel Siffre qui s’est isolé d’abord deux mois dans un glacier souterrain des Alpes Maritimes, dans les années 1960, avant de retourner deux fois sous terre pour étudier l’influence de l’absence de repères temporels sur ses rythmes biologiques. Il fut ainsi le premier à découvrir que les cycles circadiens persistent malgré l’isolement, avec l’idée d’“horloge endogène” dans le cerveau. Cet imaginaire est aussi celui des spéléologues des années 1970-1980.

Dès lors, loin de la posture romantique de contemplation naturaliste, cette expérience s’inscrit dans une immersion proche de ce que Freud appelle “sentiment océanique” dans Le malaise dans la culture (1930), dans un entretien avec Romain Rolland entre 1923 et 1936 : il décrit ce sentiment océanique comme celui d’un infini qui marque un retour à un mode d’existence infantile, pré-oedipien, où l’enfant ne peut se distinguer de la mère. Mais Romain Rolland décrivait aussi ce sentiment comme quelque chose de mystique, qui permet à chacun de communier avec l’univers : un état affectif sous-jacent à toute expérience religieuse. Aujourd’hui, pour dépasser ce dualisme entre dépossession et union avec le monde, Jackie Wang relie cet affect à quelque chose de communiste : elle montre comment la désintégration de soi peut altérer l’orientation pour recréer d’autres formes de sociabilité et de modèles d’existence qui nous font déborder de nous-mêmes3

Pour Jack, ce débordement, ce décentrement de soi a revêtu différentes formes : vivre avec les animaux cavernicoles  comme les araignées quotidiennes. Protéger un lézard qui avait rejoint le laboratoire, attiré par sa présence : lumière et nourriture. Tel le Petit Prince, il alluma des bougies pour le réchauffer, lui donna de l’eau, veilla à ce qu’il mange à nouveau. Le lézard s’adapta à son nouveau monde tout comme Jack, avant qu’il le libère le dernier jour. Comme l’écrit Clarice Lispector dans ce passage, l’intériorité plonge sous terre pour y rencontrer d’autres êtres vivants, rats, chauve-souris et araignées : 

“Dans la caverne obscure scintillent, pendus, les rats aux ailes en forme de croix, des chauves-souris. Je vois des araignées duveteuses et noires. Des rats et des souris courent épouvantés sur le sol et sur les murs. Entre les pierres, le scorpion. Des crabes, égaux à eux-mêmes depuis la préhistoire, à travers morts et naissances, sembleraient des bêtes menaçantes s’ils avaient la taille d’un homme. De vieilles blattes rampent dans la pénombre. Et tout cela c’est moi. Tout est lourd de rêve quand je peins une grotte ou t’écris sur elle – du dehors vient le tumulte de dizaines de chevaux lâchés à trépigner de sabots secs les ténèbres, et du frottement des sabots la joie se libère en étincelles : me voilà, moi et la grotte, dans le temps qui nous pourrira4”. 

Clarice Lispector

“Et tout cela c’est moi” : tout cela est “je”, soit le sujet terrestre – l’obscurité, la suspension, la pesanteur du sommeil, et surtout la “friction” qui fait jaillir des étincelles de vie en tension avec la mort, en une expérience temporelle qui éprouve le moi. 

La dimension ascétique, la désorientation souligne à quel point l’imaginaire romantique de la rêverie est congédié ou plutôt dépassé : il s’agit de demeurer dans les interstices d’un espace inhabitable, parce que, toujours selon Michel Siffre, les espaces encore non vierges de l’homme se raréfient. C’est aussi adopter une posture horizontale de partage avec ce qui entoure : démystifier la vision occidentale de la Nature, qui est un objet à posséder. Jack devait voisiner avec la moisissure, qui fonctionnait aussi comme un marqueur de temps qui passe. Quelques jours après la descente, un oreiller moisi constituait une preuve de la vanité des choses humaines. Désirant rester attentif à l’évolution de l’organique, fasciné par les horloges, il lui arrivait de scanner son corps pour voir s’il était reposé, puisque celui-ci recevait les marques de l’expérience, alternant entre les grosses fatigues et la tristesse. Difficile parfois, de dessiner, sauf avec une lampe d’orthodontiste ; impossible de lire, même avec une lampe frontale. Il devait en outre retrouver le sens de l’interdépendance : ce qui le perturbait était davantage le silence que l’obscurité, et bien sûr, les odeurs repoussantes. 

Voyage autour de ma grotte

Expérience distorsion, n°18.

Comment écrire et décrire, transcrire / retranscrire cette distorsion ? Par le dessin et par un journal d’isolement, chaque page de dessin alternant avec les notes documentaires. Mêler les échelles et les gestes d’écriture. Chaque jour, il dessine chaque lieu en y indiquant son emplacement, comme des relevés topographiques, à parcourir comme une carte, avec des passerelles, des ponts suspendus. Pour chaque cycle de veille et de sommeil, chaque lieu est exploré en rapport avec la psyché : un vrai voyage intérieur, nourri de souvenirs, de projections, de réflexions sur le passé, le temps. Chaque cavité représente un état psychique momentané et fluctuant. 

Dans cette expérience de distorsion, se crée en Jack une carte mentale, une véritable psycho-géographie, où se mêlaient à la fois les expériences présentes, et les représentations archétypales de l’isolement : l’imaginaire SF des reptiliens,  les animatronics des séries Z dans les années 1990, les livres d’images de spéléologie et de Tolkien. Il se met à dessiner dans son journal mais aussi dans la grotte, au briquet sur le plafond, dans une gestualité qui lui rappelle les peintures rupestres des anciens hommes en moins 33000 avant JC, dans la grotte de Chauvet. Herzog montre d’ailleurs dans son documentaire La grotte des rêves perdus comment cet espace de la peinture rupestre devient mythique, rassemblant des temps très éloignés et plongeant le visiteur contemporain dans des représentations inouïes du passé archaïque, mêlant l’homme et l’animal. 

Dans l’histoire subjective de Jack, cet intérêt pour la caverne remonte à différents matériaux imaginaires : le jeu Diablo, dans les années 2000, qui présente une descente aux enfers. La découverte de la grotte de Lascaux à travers un livre d’enfance. Des accidents de montagne et de spéléologie qui l’ont marqué, lui qui venait d’une famille d’alpinistes amateurs. Des marches avec ses camarades Acelitos et Craoman. Des voyages  imaginaires, comme celui de Gulliver dans le récit éponyme. 

Enfin, n’oublions pas la dimension ludique de cette expérience, de ce récit : apporter des objets de la surface, et recréer d’autres formes de créativité ou de jeux pour lutter contre le spleen des cavernes. Jack désirait les actionner à des moments particuliers, comme un rituel. Pour organiser ces moments de célébration, il avait ramené de la vitamine D et C, une lampe de luminothérapie, du kombucha, une boule disco de magasins de jouets – “machine à rêver”, mais qui finalement se révéla anxiogène ; et enfin, la lithothérapie. 

Sou Fujimoto : nest or cave ? Primitive future.
Sou Fujimoto : nest or cave ? Primitive future.

Jack a aussi attendu quatre jours avant de mettre de la musique, avec des petites enceintes de monitoring amplifiées. Il avait apporté des playlists composées par des amis dont des loops ou des podcasts de voyages imaginaires sur Mars par Flavien Berger, de l’ambient, du Donjon synthé. 

Ce voyage intérieur et physique de nature ascétique fait penser à l’architecture de la caverne selon l’architecte japonais Sou Fujimoto : en effet, l’absence d’angles droits dans une grotte remet en question l’architecture classique fondée sur la dualité nature/culture, qui amène à considérer comme archaïque ce qui précède la civilisation. Au contraire, Fujimoto pense la grotte comme un espace déjà construit, un espace de l’informe, mais généré par des processus de pulsion et de compression, donnant naissance à un imaginaire des espaces tubulaires, où l’interpénétration du dedans et du dehors évacue la question des limites et se transforme en un espace de passage, de connexions fluides. Sou réintroduit ainsi de l’illimité dans le souterrain, en une forme de paratopie, tout comme Jack nourrit un temps la grotte de ses rêves, de ses créations hybrides et de son imaginaire immersif. 

Fanny Fontaine, le 11 juin 2023

1 Clarice Lispector, Agua viva, Penguin, p.8 : “and I often paint caves that is because they are my plunge into the earth, dark but haloed with brightness, and I, blood of nature – extravagant and dangerous caves, talisman of the Earth, where stalactites, fossils and rocks come together, and where the animals mad by their own malign nature seek refuge. The caves are my hell. Forever dreaming cave with its fogs, memory or longing ? eerie, eerie, esoteric, greenish with the slime of time”.
2  “Expérience Distorsion”, p.3. 
3 Jackie Wang, Oceanic affect and communist feeling, Camas Books, 2018. 
4 Clarice Lispector, Ibid., p.9 : “inside the dark cave glimmer the hanging rats with the cruciform wings of bats. I see downy and black spiders. Mice and rats run frightened along the ground and up the walls. Between the rocks the scorpion. Crabs, just like themselves with the slime of time. Inside the dark cave glimmer the hanging rats with the cruciform wings of bats. I see downy and black spiders. Mice and rats run frightened along the ground and up the walls. Between the rocks the scorpion. Crabs, just like themselves since prehistory, through deaths and births, would look like threatening beasts if they were the size of a man. Old cockroaches crawl in the murky light. And all of this is me. All is weighted with sleep when I paint a cave or write to you about it – from outside it comes the clatter of dozens of wild horses stamping with dry hoofs the darkness, and from the friction of the hoofs the rejoicing is freed in sparks : here I am, I and the cave, in the very time that will rot us”