GALERIE HORÆ

GALERIE HORÆ

ENTRETIEN / Rencontre avec les fondateurs de la galerie Horæ*, Nicolas Deshais Fernandez et Gervaise Thiriet à l’occasion de l’exposition collective « Changement d’état des corps purs » qui réunit les artistes Silvère Jarrosson, Laurent Champoussin, Chloé Jeanne, Lou Gouaille, Jonas Moënne, Amandine Antunez, Laure Tiberghien jusqu’au 19 mai 2022

par Pauline Lisowski

Une galerie où les réflexions sur l’environnement, le paysage, les matériaux et l’architecture invitent à un nouveau regard sur l’art contemporain. 

Pauline Lisowski : Un cycle d’expositions est fondé sur le passage des saisons. Pour la première exposition, la scénographie est conçue selon un passage du chaud vers le froid. De quelle manière choisissez-vous les artistes et comment effectuez-vous vos choix de thématiques d’exposition ?

Galerie Horae : La galerie a pour thématique, questionnement principal, les matériaux naturels et la dynamique du vivant. Ces sujets sont ceux qui nous préoccupent dans nos disciplines respectives de paysagiste et d’architecte. Nous avons choisi de les réunir dans cette galerie, conçue comme un lieu de réflexion, un laboratoire de recherches. Nous avons choisi de déterminer un thème pour chaque exposition collective. Cette thématique aborde un des aspects de notre sphère générale, et permet de l’appréhender facette par facette. Il existe ensuite un aller-retour entre le choix des artistes et la thématique qui émerge au fur et à mesure de nos rencontres. Nous fonctionnons beaucoup à l’instinct et suivant nos gouts et nos envies. Nous ne nous limitons pas à une discipline ni même aux disciplines artistiques. Peintures, sculptures, photos trouvent aussi bien leur place dans la galerie que céramiques, recherches de design ou installations. Nous aimons mélanger : tout ce qui se nourrit l’un l’autre nous nourrit tous. 

PL : Quelles expériences et quelles réflexions souhaitez-vous faire émerger chez les visiteurs ?

GH : Nous souhaitons que le visiteur s’interroge, comme nous, sur nos thèmes et sur les différentes façons de les aborder. Nous tentons de l’accompagner sur notre propre chemin de réflexion. Curiosité, questionnement, parfois déstabilisation, sont les moteurs pour avancer et remettre en doute nos certitudes. C’est cette méthode de réflexion, plus que son résultat, qui nous intéresse et que nous avons envie de faire expérimenter au visiteur. Qu’est-ce que l’art ? Comment le concilier avec la nature ? Qu’est-ce que prendre soin du vivant ? et comment celui-ci reste toujours vainqueur, malgré tout, où on ne l’attend pas, et surprend nos consciences, ébranle nos évidences ? 

PL : De quelle manière vos échanges autour des pratiques artistiques vous permettent d’approfondir vos réflexions en tant qu’architecte et paysagiste ? 

GH : Être paysagiste et architecte, c’est être concepteur. Nos travaux respectifs ont une proximité avec la démarche artistique sur les questionnements initiaux. Les réponses se traduisent cependant différemment. Les problématiques de pratique et d’usage, nous éloignent parfois des intentions premières du projet. Le travail des artistes, en traduisant d’une autre manière nos intérêts pour les matériaux et le vivant, nous offre ce pas de côté salutaire. Nous espérons, en retour, nourrir leurs pratiques. Par exemple, un travail comme celui de Lou Gouaille, sur la cendre, nous ouvre tout un univers applicable à nos disciplines respectives : béton de cendre, terrazzo de charbon, enduit, paillage ?…. à l’inverse, les connaissances botaniques peuvent aider et guider les recherches d’Amandine Antunez qui utilise les pigments naturels dans ses œuvres en stuc marbre.

PL : La galerie Horæ est un lieu chaleureux, où les œuvres se découvrent en situation, comme dans une pièce d’une maison. Comment avez-vous conçu son aménagement ?

GH : Nous avons souhaité que la galerie soit un espace où les échanges puissent avoir lieu : entre les artistes, entres leurs œuvres, entres les visiteurs et les disciplines. Nous avons donc choisi de la faire vivre à la fois comme une galerie, une boutique, une maison. La « maison Horæ » serait plus juste que la galerie Horæ ; la maison, dont nous avons repris certains éléments comme les rideaux en lin, le sol en sisal, chaud et moins sonore que le white cube classique. Cela permet aux visiteurs d’être moins intimidés et de se projeter comme chez eux, chez Horæ. Il nous semblait important de laisser de côté le côté froid et institutionnel des galeries pour créer un lieu chaleureux et accueillant. Pour nous, l’art doit rester abordable et parler à tout le monde et les galeries ont également ce rôle social de démocratisation des œuvres, de mise à disposition du public de l’art. 

Malgré un espace restreint, nous avons tenu à ménager un circuit, un cheminement, une séquence d’entrée dans la galerie qui ne dévoile pas tout immédiatement de l’exposition et qui laisse au visiteur le loisir de se laisser découvrir lui aussi. 

PL : Selon vous, de quelle manière la galerie Horæ peut-elle constituer un nouveau laboratoire d’expression pour prendre conscience des dynamiques du vivant ?

GH : Nous souhaitons qu’Horæ puisse impulser cette dynamique de questionnement. Les rencontres entre les artistes et leurs œuvres sont une première chose. Nous la complétons par des échanges entre les artistes et les visiteurs autour de tables rondes, mais nous invitons aussi, des personnes pouvant être extérieures au monde de l’art pour parler avec les artistes et échanger sur des thèmes communs. Ainsi des scientifiques, des anthropologues, des écrivains, trouvent toute leur place avec les artistes pour aborder le vivant et pour faire vibrer sa dynamique. La galerie doit rester un lieu de vulgarisation de l’art en général et vivant en particulier. 

PL : Comment pensez-vous le développement de la galerie dans le temps long du cycle des saisons ? 

GH : Les Horæ sont les représentations, dans la mythologie grecque, de la division du temps, des saisons. La vie de la galerie est donc rythmée par les saisons. Quatre expositions collectives par an, dont les vernissages coïncident avec les solstices et les équinoxes, ont lieu à la galerie. Les thématiques sont en lien avec les saisons ou les évocations qu’elles peuvent susciter. Ces expositions longues, d’un peu plus de deux mois, laissent le temps de mûrir les réflexions, de venir, de revenir. Nous préférons valoriser une certaine lenteur, suivre le rythme du vivant, plutôt que d’être dans une course effrénée du nouveau et de l’éphémère symptomatique de notre culture de l’instantané et de l’urgent. La nature possède son rythme propre : nous nous y conformons. 

*Horae 80 rue du Chemin vert Paris

galerie Horæ Paris
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