Ilana Salama Ortar – Berlin Diary : Journal (intime) de Berlin [FOCUS]

Ilana Salama Ortar – Berlin Diary : Journal (intime) de Berlin [FOCUS]

Après avoir été exposés récemment dans les Musées d’Israël et de Tel Aviv, les travaux sur papier d’Ilana Salama Ortar ont été présentés lors de la 3ème édition du Salon International du Dessin contemporain à Marseille.

Invitée par le comité de pilotage de PARÉIDOLIE, Ilana Salama Ortar est une artiste pluridisciplinaire qui explore les problématiques de la mobilité, de la migration des personnes et des populations.
Une occasion pour l’artiste de retrouver le public marseillais qui avait pu apprécier en 2013  l’installation Laissez-Passer présentée dans la cadre des expositions «Beyond the walls» de la Galerie Gourvennec Ogor (2). Pour cette artiste ayant quitté son pays natal, l’Égypte, avec sa famille au début des années cinquante pour s’installer en Israël, qui pratique la performance, la vidéo et l’installation de dispositifs sonores, le dessin est d’abord un outil de mémoire en lien direct avec son histoire personnelle.

« Effacer, se souvenir, vivre le souvenir et le faire contemporain. Pour que le souvenir soit là, ici, maintenant, au présent, figé. »

Le souvenir est pour Ilana Salama Ortar une entité vivante qui nécessite d’être régénéré en permanence. On dit d’un souvenir qu’il a disparu ou au contraire qu’il reste vivace. Consciente que par sa nature il s’échappe, s’étiole, menace de se perdre définitivement ou que trouvant à nouveau un lien avec le présent il ressurgit tout à coup. Il importe pour l’artiste de le saisir et de le maintenir présent en l’ancrant dans le présent. À travers une activité journalière de dessin, elle réactive sans cesse sa trace sous la forme de rayures, de dessins biffés dans un processus de constantes répétitions et variations.

Ses dessins, qu’elle présente de manière sérielle, sont composé à partir une pièce mère de 1987 intitulée Traces urbaines. Les dessins de Ilana Salama Ortar sont plus exactement des photogrammes peints qu’elle nomme des « box photogrammes. » Plus qu’une simple série, ils composent un journal intime, Berlin diary, commencé dans la capitale allemande. Chaque jour, dans l’atelier, l’artiste s’inspire de ce dessin matriciel en ajoutant des fragments selon la position de la journée ou effaçant certains éléments. Un travail qui n’est pas une simple reconstitution plastique mais un dialogue permanent avec le passé, avec un vocabulaire et une syntaxe particulière.

« Je parle avec le papier. J’ajoute et efface avec de l’acide et de la lumière. »

L’acide brûle le papier au contact de la lumière. Un procédé qui donne au papier une teinte sépia, à l’aspect vieilli. L’artiste ne refuse pas ce vieillissement. Il marque un rapport au temps auquel le souvenir ne peut échapper. Il y a dans son travail le geste essentiel, rapide qui fige une émotion, est immédiatement signifiant. Le photogramme en utilisant la pellicule sensible du papier traduit bien ce rapport au souvenir, ces zones et de lumière, la légèreté ou le poids des événements.  Elle donne quelques touches de couleurs à ces photogrammes qui recueillent ses pensées et sentiments, trace des traits au cutter, des traits indélébiles, profonds, qui ont la fulgurance du souvenir qui ressurgit, « deux traits qui disent tout. »

Dans ce rapport au quotidien avec la mémoire, cumulatif même, chaque photogramme devient un nouveau souvenir. Il devient pour cette artiste qui a vécu l’exil et la vie dans le camp du Grand Arénas lors de son arrivée à Marseille après avoir quitté l’Egypte, un élément en lien avec l’événement originel, tisse un réseau significatif avec lui, l’enrichit de moments nouveaux. Au point qu’assemblés, ils forment un récit, le récit de sa vie.

« Le carnet dit tout et c’est à vous à déchiffrer. C’est toute ma vie. 20 ans déjà. »

Texte Point contemporain © 2016

 

Berlin diary : journal (intime) de Berlin - PARÉIDOLIE Marseille 2016
Traces urbaines 1986 – PARÉIDOLIE Marseille 2016

 

 

Berlin diary : journal (intime) de Berlin - PARÉIDOLIE Marseille 2016
Berlin Diary : Journal (intime) de Berlin – 2012-2016 – PARÉIDOLIE Marseille 2016

 

 

Berlin Diary : Journal (intime) de Berlin - 2012-2016 - PARÉIDOLIE Marseille 2016
Berlin Diary : Journal (intime) de Berlin – 2012-2016 – PARÉIDOLIE Marseille 2016

 

(1) Le Camp des Juifs : Laissez-Passer. Installation sonore au Parc de Maison Blanche, conçue pour Le Pont, au Musée d’Art Contemporain (MAC) de Marseille dans le cadre de Marseille Capitale Culturelle Européenne 2013. L’installation reproduit l’architecture de la baraque avec des bouteilles en acier. Le son (des témoignages de migrants) est diffusé dans l’espace via les arches en acier, comme s’il s’agissait d’un orgue. Commissaires d’exposition : Thierry Ollat, directeur du MAC, et Jean-Louis Connan, directeur artistique de l’ESADMM (catalogue et clip).
Source : http://imera.univ-amu.fr/fr/system/files/cv_ilana_salama_ortar.pdf

(2) Laissez-Passer : du 24 mai au 13 juin 2013 – Festival des Arts Ephémères – Parc de Maison Blanche 150 boulevard Paul Claudel – 13009 Marseille et du 25 mai au  20 octobre 2013 – MAC Marseille 69, avenue d’Haïfa – 13008 Marseille. Source : http://galeriego.com/uploads/pdf/CPFRSalamaOrtar.pdf

 

Lire tous les articles Lire tous les articles

 

Pour en savoir plus sur le Salon International du Dessin Contemporain de Marseille :
PARÉIDOLIE