CÉLINE CLÉRON, SOLEIL DE PLOMB

CÉLINE CLÉRON, SOLEIL DE PLOMB

Céline Cléron, Aire de rien, 2022 Photographie couleur contrecollée sur aluminium et encadrée 40 x 53 cm 3 exemplaires + 1EA Courtesy Galerie Papillon, Paris

EN DIRECT / Exposition « Soleil de plomb » de Céline Cléron, jusqu’au 12 mai 2022, Galerie Papillon, Paris

par Antoine Bonnet

Quand le soleil plombe, le sol semble se fracasser, fragile. Dans l’exposition de Céline Cléron « Soleil de plomb », notre regard oscille du sol au plafond, entre immanence et transcendance. Hauteur des échelles de traverse qui nous mènent vers des cieux inconnus. Prudence des pas, sur un lac gelé suédois, suivant une ligne qui nous mène vers un inconnu, là aussi. Car tout est question de masse, de matériaux, de poids, de légèreté ou de fragilité dans ce travail. Les volants de Badminton géants (« Amorti ») sont ces boulets de canon qui semblent avoir été désespérément retenus, en vain, et sont terriblement évocateurs.

Céline Cléron, Amorti #2, 2022 Boulet de canon ancien, plumes, métal, cordelette 55 x 50 x 50 cm Crédit photo Isabelle de Maison Rouge Courtesy Galerie Papillon, Paris
Céline Cléron, Amorti #2, 2022 Boulet de canon ancien, plumes, métal, cordelette 55 x 50 x 50 cm Crédit photo Isabelle de Maison Rouge Courtesy Galerie Papillon, Paris

Dans « Climax » (2021), la pyramide de verre est fêlée comme un « hubris » fragile mais debout, qui augure un effondrement proche. Le collapse annoncé d’une société pyramidale contraste, en effet, avec le merveilleux promis de la fête de mariage. Sociale, démographique ou symbole de l’opulence et du pouvoir, la puissance évocatrice formelle de la pyramide est ainsi malmenée, chancelante.

Dans l’installation Ra (2021), le dieu du soleil égyptien rencontre le radium (Ra). Réalisé en collaboration avec un souffleur de verre, l’artiste utilise un verre très à la mode dans les années folles, l’ouraline, que l’on utilisait dans les services à absinthe, dans les arts décoratifs. Incandescent et merveilleux, il est pourtant…radioactif. Nous découvrons ainsi une éclipse solaire annonciatrice de présage et dangereuse à regarder. 

Céline Cleron, Ra, 2021 Verre soufflé : verre noir dépoli et ouraline pâle (verre d’uranium ), néon UV 50 cm de diamètre x 15 cm Crédit photo Sarah Duby / Centre d’art Madeleine  Lambert Courtesy Galerie Papillon, Paris
Céline Cleron, Ra, 2021 Verre soufflé : verre noir dépoli et ouraline pâle (verre d’uranium ), néon UV 50 cm de diamètre x 15 cm Crédit photo Sarah Duby / Centre d’art Madeleine Lambert Courtesy Galerie Papillon, Paris

Cette archéologie contemporaine lui a permis d’aborder l’ambivalence du progrès, ses phénomènes de mode, le rapport au matériau dans l’histoire. Elle raconte qu’aux États-Unis, dans les années 20, une fabrique de cadran de montres en ouraline a contaminé ses ouvrières, les « radiums girls », sans émouvoir leurs employeurs. Passionnée d’Égypte ancienne, Céline Cléron sonde notre croyance mystérieuse dans le Dieu Progrès.

Enfin, dans la vidéo «Une ligne est un point qui est parti marcher », titre inspirée d’une phrase de Paul Klee, l’artiste marche prudemment sur un lac gelé en suivant une ligne de fracture de la glace. Les pas bruissent et craquent le long de ce Kintsugi, l’art de la fêlure japonais, existentiel. Un soleil de plomb menace notre sol. 

Dans le travail de l’artiste Céline Cléron, le merveilleux côtoie souvent le danger. Mal posé, bancal, instable, fêlée, l’ascension promise augure de temps troublés où l’homme est absent. Ce monde post-humain vacillant, chancelant, alerte l’espèce humaine sur sa propre finitude. 

Antoine Bonnet

Vue de l'exposition, Céline Cléron
Vue de l’exposition, Céline Cléron